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Celui qui conduit c'est celui qui ne boit pas, hors piste, Mineur coincé sur terre, ouvrir la voie à la machette
On n’avait rien demandé, on nous donne tout. On existe, sans le savoir, sans savoir ce que ça veut dire, sans même savoir que ça existe, d’exister. On apprend, on découvre qu’on est. On apprend, on découvre qui on est. On suit la route, sans se poser de questions, en posant beaucoup de questions ; pour le moment, il n’y en a pas encore de mauvaises. On continue de suivre la route. On découvre beaucoup, on apprend ; plus ou moins. Parfois, on rencontre des fourches ; on nous dit de choisir une direction ; on ne sait pas, ni l’une ni l’autre, où elles mènent ; on croit choisir, quand d’autres choisissent pour nous. Ce n’est que le début.
On continue à suivre la route, en croyant avoir tracé la sienne propre, sans voir qu’on marche tout en parallèle, sans voir que le but est le même pour tous. D’ailleurs, le but, on ne le voit pas. Alors on avance dans le noir, en prenant l’écran qu’on a dressé devant nous pour la lumière. Et on y croit, sincèrement. On continue à faire des choix qui nous mènent tous au même endroit.
On a payé cher pour en arriver là : de l’argent, et du temps. On y est. On est content d’y être. Sinon on fait semblant. Parce qu’on a payé cher. Parce que d’autres ont payé cher pour nous. Parce qu’il faut rendre ce qu’on peut rendre ; l’argent, donc : le temps ne se rend pas. Le temps ne se prête pas, ne se place pas, ne s’économise pas. Il est utilisé, ou perdu. Souvent, on utilise son temps à en perdre le plus possible, le plus vite possible, le plus irrémédiablement possible. Et après l’avoir bien perdu, il faut le perdre encore plus à rendre ce qu’il est possible de rendre, et qui n’a donc aucune espèce d’importance. Si on peut le rendre, on peut le retrouver. Le temps ne se rend pas, il se prend.
Il faut rendre ; l’argent. Alors qu’il faudrait prendre ; le temps. On fait ce qu’on a appris à faire aux âges où il faudrait apprendre à être. On se persuade qu’on est «fait pour ça», quand c’est ça qui ferait bien d’être fait pour nous. Les plus doués arrivent même à s’en convaincre. On se donne à fond à. On se dévoue intégralement pour. On s’implique à 100% dans. On rentre chez soi la tête épuisée, et les jambes lourdes de s’être retenues de courir. On s’endort la tête pleine des questions qu’on ne se pose pas dans la journée parce qu’il faut «rationaliser le circuit de production», ou «se mettre dans la peau du lecteur moyen», ou «solutionner le problème», ou «analyser la conjecture»… Et on se réveille chaque matin fatigué d’avoir rêvé une vie d’aventures.
On avait des amis. On a des collègues.
On avait un emploi du temps. On a un emploi ; et plus de temps.
On avait des rêves. On a des plans de carrière.
On avait des idéaux. Nous restent les débats.
On avait des hauts. On avait des hauts…
Pour peu qu’on soit un peu dingue, ou naïf, ou distrait, on finit par faire des enfants. On aimerait bien en « avoir », mais ça demande du temps. Qu’on n’a toujours pas. Les responsabilités l’ont remplacé. Avantageusement, se persuade-t-on. Là encore, les plus doué s’en convainquent ; les autres les envient. Alors, ces enfants, on les « fait ». Puis on donne de son argent à d’autres personnes pour qu’elles s’en occupent. Et pour pouvoir se permettre de donner cet argent, on travaille (beaucoup) plus, pour gagner (un peu) plus. On a encore moins de temps pour s’occuper de nos enfants. A leur tour, ils arrivent aux croisements de leurs vies. On n’a pas le temps de leur dire que les vrais choix ne sont pas «anglais ou allemand LV1», «première S ou L», «judo ou tennis», mais «vivre ou faire semblant». Les enfants apprennent en imitant. En nous imitant. Ils font donc semblant.
On vit enfin dans une maison qui n’est plus à moitié à la banque. Mais elle n’est pas non plus à nous : on y a passé tellement peu de temps.
On arrive à la retraite, 5 ans avant l’âge où nos enfants y auront droit. On en avait marre de travailler pour rien. On réalise que ne rien faire pour personne n’est que modérément plus enthousiasmant. On vieillit. On perd ses parents. On réalise que c’est nous le prochain, mais pas tout de suite. On a peur. Sans trop savoir si c’est parce qu’on est le prochain, ou parce que c’est pas pour tout de suite. On s’ennui. On aimerait dire à nos petits-enfants ce qu’on n’a pas eu le temps de dire à nos enfants, et qu’eux n’ont pas le temps de leur dire non plus, tout occupés qu’ils sont à continuer à nous imiter. Ils croient pourtant s’être «libérés du poids de la volonté de leurs parents». On l’a cru aussi ; comme nos parents l’avaient cru. Mais nos petits-enfants ont mieux à faire que de venir nous voir. Ils s’entrainent à faire semblant de vivre. Certains font même de grandes écoles, pour faire semblant mieux que les autres.
On finit par s’éteindre, discrètement ratatiné, comme une bougie, sauf qu’elle a brillé. On se persuade qu’on a vécu, pour oublier qu’on meurt. Les meilleurs, pour une fois, n’arrivent pas vraiment à s’en convaincre. Parce que ça demande du temps. Et du temps, ils n’en ont plus.
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Sortir de ce chemin qui ne mène à rien en passant par nulle part. Tous les skieurs vous le diront : faire du hors-piste est dangereux, mais infiniment plus exaltant. Voyager par les petites routes est plus long que par l’autoroute, et on se perd plus, mais on arrive plus heureux, d’avoir vu des endroits que plus personne ne voit plus, d’avoir trouvé son propre chemin. Certes on arrive au même endroit que les autres, mais on y arrive heureux.
J’aimerais pouvoir arriver à la mort heureux. Fatigué d’avoir lutté, de m’être battu, de n’avoir pas toujours suivi le chemin, de m’être parfois planté, de m’être fait taper sur le coin du nez par un rodeur de passage, mais heureux d’avoir tracé ma voie. Et de l’avoir aussi peut-être ouverte pour d’autres, tout en leur montrant qu’il ne s’agit pas de suivre toute ma voie, mais de s’appuyer dessus pour avancer, quitte à en sortir pour avancer mieux, ou au moins essayer.
Et dire à la mort quand elle viendra me chercher : «C’est un vivant que tu viens chercher». Et la suivre, en homme libre.
Laisser une trace sur l’autoroute, c’est rarement une bonne chose…
Coïncidence cocasse : dans Le Point, une publicité : « La vie offre bien plus qu’une Volvo. Exister plutôt que vivre. Chasser plutôt que séduire. Crier plutôt que se taire. Prendre plutôt que demander. Oser plutôt qu’obéir. » « Exister plutôt que vivre », ou le végétatisme comme argument de vente. Imparable.
— Mise à jour, le 25/11 —
Ce texte, écrit sous le coup d’un profond dégoût et d’un ras-le-bol généralisé, et sous l’influence – pas forcément néfaste – d’un débat sur un autre blog, est à nuancer. C’est d’ailleurs ce qui est en cours dans les commentaires, que je vous invite à lire : certaines questions y sont posées, qui méritent de l’être.
* « Mourir, cela n’est rien
Mourir, la belle affaire !
Mais vieillir… Oh ! vieillir »
Jacques Brel
Il est beau celui là, je veux bien attendre 5 mois entre chaque article si c’est pour lire des textes pareils. En quelques paragraphes, le rêve d’une vie, l’envie de mieux, le désespoir d’en être toujours là. Et finalement assez positif malgré tout. J’aime beaucoup.
:’)
T’es con ou quoi ? Je chiale.
Pourtant, moi, j’ai choisi, j’ai pris la machette et crevé l’écran. Pourquoi je chiale, alors, comme une lopette ? Parce que c’est beau, et que mon coeur de midinette ne supporte pas la beauté.
Et, aussi, peut-être, je chiale pour tous ceux qui ne choisissent pas de vivre, ou qui font semblant, cachés derrière leurs beaux discours. Parce que c’est triste ; non, pire : c’est angoissant. Terriblement angoissant, et mon coeur de midinette ne supporte pas cette angoisse.
Pourtant, moi, j’ai choisi, j’ai pris la machette et crevé l’écran. Pourtant, je chiale. Allez comprendre…
Sinon, très bien ton choix de la Caravelle. Cette ligne… « Tu m’as fait bander, mon salaud ! »
En gros gavez vous de Sony et d’Universal, ou d’autres timbales, et plaignez vous que le monde vas mal. La gangrène c’est chacun de nous.
« La gangrène c’est chacun de nous. »
Et donc ? Tout va bien, on continue comme ça ?
hooo les dépressifs.
Mouais ; j’aime pas ce « on ». Oui, c’est très bien écrit, toussa toussa. Mais je trouve ça trop généralisé pour pouvoir être vrai ; et je pense que « on » se reconnaît plus dans les derniers paragraphes que dans le premier développement… C’est trop facile de dire « les gens », « on », « notre société » ; dès qu’on se penche sur individu il se montre tellement plus complexe que toutes les structures sociales dans lesquelles on voudrait l’enfermer !
C’est beau ce texte, oui ; ça dit quelque chose de notre société « en général », oui ; mais ce n’est finalement pas si réaliste dès lors qu’on se rapproche un peu de « on »…
Erreur : le dépressif ne veut même pas sortir de sa merde. Moi si 🙂
Merci Julie.
Je n’arrivais pas à définir ce que j’avais pensé de ce texte.
Vous l’avez fait pour moi!
Si tu te reconnais plus dans les derniers paragraphes, tu as de la chance : c’est que tu es sur ton propre chemin. Auquel cas je te félicite, et t’envie.
Après, évidemment que l’individu est complexe et particulier. Mais ça n’empêche pas de généraliser un tout petit peu. Sinon, plus personne n’écrit rien sur rien ; ou alors ne parle plus que de lui-même, ce qui n’a aucun intérêt.
Je n’ai d’ailleurs jamais prétendu parler de tout un chacun, ni de tout le monde. « On », ça pourrait bien être moi. Mais je pense (je sais, même) que beaucoup se reconnaissent dans ce texte, et que plus encore le devraient.
Merci pour le « bien écrit », ça reste le plus important pour moi.
En fait non ce n’était pas exactement ça.
L’angoisse de l’étouffement au milieu de ce qui font semblant et voudraient que vous fassiez de même, ça je comprends.
Mais la vraie liberté est elle de fuir ce qui font semblant ou bien d’être capable d’être vrai, de « vivre » au milieu d’eux, malgré eux?
« Sortir de ce chemin qui ne mène à rien en passant par nulle part. Tous les skieurs vous le diront : faire du hors-piste est dangereux, mais infiniment plus exaltant. Voyager par les petites routes est plus long que par l’autoroute, et on se perd plus, mais on arrive plus heureux, d’avoir vu des endroits que plus personne ne voit plus, d’avoir trouvé son propre chemin. Certes on arrive au même endroit que les autres, mais on y arrive heureux. »
Ou alors on arrive nulle part…
« CE qui font semblant » ??? 😉
La fin étant toujours la même, la mort, le risque de ne pas y arriver est minime…
Le problème de rester, c’est ce que j’essayais de montrer, c’est que la vie telle qu’on nous l’offre ne laisse pas d’autre choix. Je connais des gens qui se retrouvent à 50 ans avec un boulot de merde qu’ils ne supportent que parce qu’ils ont femme et enfants à nourrir. C’est très beau, en même temps que très désespérant, mais je n’en suis pas capable. Et je ne suis pas sûr que ce soit une mauvaise chose : un sacrifice peut être utile, ou pas. Subir une vie pourrie, qu’on ne peut que subir parce que justement elle empêche de vivre autre chose – c’est ce que je voulais laisser entendre -, c’est inutile.
Vi je sais, j’ai vu ça juste après avoir posté.
« Subir une vie pourrie, qu’on ne peut que subir parce que justement elle empêche de vivre autre chose – c’est ce que je voulais laisser entendre -, c’est inutile. »
La question pour moi se pose alors plus sous ces termes : « est ce que je vais subir ma vie ou bien vais je en prendre mon parti »
« Je connais des gens qui se retrouvent à 50 ans avec un boulot de merde qu’ils ne supportent que parce qu’ils ont femme et enfants à nourrir. »
Et alors? Finalement est ce que ce n’est pas un but en soi qui en vaut largement un autre (comme « se faire plaisir » par exemple) que de faire vivre une famille…
N’y a t il pas finalement dans le fait de ne voir son quotidien que comme quelque chose que l’on subit un réflexe très enfantin (pour ne pas dire immature mais le terme risquerait d’être pris comme étant insultant ce qui n’est pas du tout mon but… et puis je connais votre susceptibilité! 😉 ). Je m’explique : enfant, nous vivons dans l’attente du « quand je serai grand »; en grandissant on attend le moment où on sera enfin étudiant et « indépendant »; les études s’éternisent, vivement la vie professionnelle; et une fois dans le monde du travail, passé les 6 premiers mois qu’accompagnent un sentiment de griserie d’être enfin un adulte, la routine reprend rapidement le dessus et pour finir on compte les jours qui nous séparent des congés payés à défaut de pouvoir compter ceux qui nous séparent de la retraite pas tellement parce qu’on a besoin de repos mais parce qu’on est avide de changement… etc…
Où est ce que je veux en venir? Tout simplement que cette angoisse de l’enfermement est peut être inhérente à notre nature quelque soit notre état, non seulement en âge (pour reprendre mon exemple) mais cela s’applique quelque soit notre activité.
Reprenez votre image du hors-piste : pourquoi est-il si exaltant? Justement parce qu’il permet de sortir de la piste. Si vous ne faites que du hors piste vous vous y habituerez et finalement l’exaltation des débuts retombera aussi vite que celle que vous ressentiez dans vos début sur des skis où les pistes balisées suffisait amplement à satisfaire vos besoins d’émotions.
Et si « vivre » c’était tout simplement accepter l’idée que oui la vie est pleine de faux semblant, de bassesses, de petitesses… mais si on accepte de l’affronter, de la prendre à bras le corps en faisant l’impasse sur tout ce qu’elle a d’insignifiant, de décevant, finalement derrière on y découvre tellement de choses qui valent le coup qu’on les vive.
En fait ce qui me gène dans votre texte c’est ce sentiment qui en ressort, de volonté de fuite, sentiment qui m’a souvent séduit mais contre lequel je lutte.
Parce que les petitesse et les faux semblants de la vie, on les emporte ou qu’on aille quoiqu’on fasse.
Alors mieux vaut leur faire face.
Et le plus souvent c’est alors que l’on commence à « vivre »
Je précise.
« Je connais des gens qui se retrouvent à 50 ans avec un boulot de merde qu’ils ne supportent que parce qu’ils ont femme et enfants à nourrir. » Ce n’était nullement une critique. Évidemment que mieux vaut ça que l’inverse, avoir un taff rigolo et bien payé et en profiter tout seul, volontairement, par égoïsme assumé. J’ai un profond respect pour les personnes auxquelles je pensais en écrivant cela, ne serait-ce que parce que ce sont surtout des gens de ma (future-belle-)famille. En un sens, j’aimerais même en être capable. Mais non, je ne peux pas. J’ai déjà fait des croix sur nombre de mes rêves, notamment en acceptant de ne plus vivre que pour moi, et je ne regrette rien. Mais ça, je sais que je le regretterai. Et j’espère que je le regretterai, si je ne fais rien pour l’éviter.
Alors bien sûr, il y a le risque que ce soit une fuite. J’y pense aussi. C’est une des 3 grandes choses qui font que je ne suis pas encore parti. (Vous me permettrez de garder les autres pour moi…) Mais (attention, je vais être taquin) votre raisonnement n’est-il pas lui aussi une fuite ? Immobile, mais non moins réelle ? Le changement radical fait peur, et certains pourraient se trouver toutes les bonnes raisons du monde de ne pas faire le pas 😉 Sérieusement, derrière le « c’est çuikidikiyè », il y a une vraie question. Que je me pose aussi.
Oh putain.
Il y a plein de questions trop importantes pour les laisser passer. Et peut-être que ma petite expérience (2 ans environ depuis que j’ai « crevé l’écran ») peut être utile. Deux ans, ce n’est rien, rien du tout ; mais il faut bien passer par là, et on peut commencer à tenter de prendre un peu de recul : on a eu le temps de passer par des hauts et des bas, le temps de « désidéaliser » les choses, le temps d’en voir de belles et de moins belles, de se tester un peu aussi, et de savoir si on a fait une connerie ou pas. Et pourtant, deux ans, c’est rien. Mais faut bien passer par là ; autant que ça serve à d’autres.
Je reviendrai.
@ Fik
Je n’avais pas pris ça comme une critique…
Quant à votre « c’est çuikidikiyè » je ne sais pas tellement quoi lui répondre que ce que j’ai déjà dit.
Effectivement il peut y avoir une forme de fuite dans l’acceptation fataliste et « commentfaireautrementesque » d’une situation de faits contraire à nos envies, nos ambitions, nos rêves.
Mais ce que je redoute, c’est le côté plutôt que de me prendre en main et d’assumer mes responsabilités, et d’affronter la vie avec ce qu’elle a de décevant, je m’enferme dans la réalisation d’un rêve qui n’est qu’une forme de romantisme adolescent au risque de lui sacrifier d’une part ses devoirs, d’autre part ce qui en réalité vaut vraiment le coup (attention entendons nous bien je en fais de procès d’intention à personne et je ne prétends pas que ce soit votre état d’esprit ni ce que préconise votre texte) et qui finalement sera à son tour rattrapé par ce que la vie a de décevant.
@PMalo
Attention, je ne dis pas que « crever l’écran » est forcément une fuite, mais que si « crever l’écran » n’est qu’une réponse face à une déception vis à vis de ce que nous offre la vie, sans des fondements plus profond alors elle devient une fuite.
Pour être plus concret et en reprenant l’image fréquente de « tout plaquer et partir élever des moutons dans le Larzac » je suis à 200% pour s’il s’agit d’une personne armée pour le faire, une personne qui ne se laisse pas enfermer dans les dictas contemporains de la réussite, de la productivité et de la consommation parce qu’il sait que lui sa vie la souhaite autr, mais également une personne qui a une réelle envie et en connaissance de cause de vivre au contact avec la nature en faisant ce métier, une personne qui a mesuré ce que sa demande comme éventuels sacrifices à sa (future) famille. Mais tout partir pour élever des moutons dans le Larzac uniquement parce que le quotidien que l’on connaît ne nous parait pas assez satisfaisant et exaltant et qu’on a vaguement idée qu’avec un retour au réel on « vivra » enfin… ça pour moi c’est une fuite. Et c’est vouer à l’échec.
On part pour quelque chose. Mais partir pour partir est à mon sens vouer à l’échec.
DJM, vous avez complètement raison. Complètement. J’y reviendrai.
Pareil que PMalo, sauf que je n’y reviendrai pas, n’ayant rien à rajouter 🙂
Rhô la bande de dépressifs.
Tout cela oscille entre le » je perds ma jeunesse et mes rêves en rentrant dans l’âge adulte », ce qui serait quand même vachement dommage, et le » la société sont tous des pourris, moi je serai mieux: minoritaire », ce qui est déjà mieux, mais pour le coup, utopiste, quand on imagine simplement le nombre de gens qui sont passé par ce rêve et relativement, le nombre de personnes qui, au seuil de leur vie, peuvent se vanter d’avoir construit quelque chose, de s’être battu.
Non, je pense que le réel sens que l’on doit donner rétrospectivement à sa vie passée, c’est dans des moindres mesures: d’avoir donné la vie, d’avoir offert du bonheur à quelques personnes, d’avoir cru en une cause, d’avoir aimé queqlu’un tout une vie… A préciser.
Néanmoins, j’aime beaucoup 🙂
Désolée, c’est bourré de fautes… =/
C’est beau, c’est très beau, et pourtant à te lire, il y a qqch qui m’a gêné, un truc qui coinçait…. Et finalement dans votre débat vous avez tous plus ou moins mis le doigt dessus. Et si finalement, la clef, c’était d’arrêter de se regarder le nombril, et de se donner complètement et totalement ici et maintenant à ceux qui nous ont été donnés comme prochains ??
Peu importe que ma vie entière soit un cliché, un stéréotype, et que quiconque se penchant sur mon berceau ait pu me prédire ce destin si semblable à celui de toutes les femmes de ma famille. Essayer d’échapper à ce stéréotype par des « nan mais j’ai des tas de projets pour fuir cette vie de con abrutissante, vous verrez plus tard que je serai différente » n’est pas la solution. Crever l’écran pour moi, ça a été dire un grand oui, et surtout tenter de le redire chaque jour, à ce que je suis, à ce que je fais, et plonger toujours plus profond dans cette vie de con abrutissante.
Alors non, je ne fais pas de hors-piste du tout, en arrivant en bas de la piste je ne verrai pas de belle trace dans la poudreuse. Je me contente de suivre les pistes balisées et damées qu’on a tracé à ma place, et mes traces se confondront avec celles des milliers d’autres imbéciles qui auront fait comme moi. N’empêche que j’aurai essayé de m’appliquer à chaque virage, sur chaque prise de quart, et si au final personne ne se souviendra de cette humble descente, j’aurai donné le meilleur.
Tout le monde n’a pas un « destin ». Mais ce n’est pas pour cela que tout le monde fait semblant…
(HS : Wahoo !! « des gens de ma (future-belle-)famille » !!!)
« plonger toujours plus profond dans cette vie de con abrutissante. »
Désolé, je peux pas. J’aimerais, en un sens. Mais je peux pas.
(HS : héhé 🙂
@ A. : Il y a du vrai dans ce que vous dites.
Bref, le but dans tout ça, c’est de trouver sa… vocation. Et trouver sa vocation, ce n’est pas fuir ; au contraire. (Je ne dis pas que j’ai trouvé, je dis que j’ai avancé ; que j’ai des pistes, qui ne sont pas communes, mais là n’est pas l’essentiel : ce sont mes pistes,. Et que je cherche encore.)
Le problème de la « réaction », c’est qu’elle réagit. Elle ne fait que réagir.
Fik, agit.
Ne plus réagir, c’est un signe qu’on est mort, certes ; il y a toujours une part de réaction. Mais ne faire que réagir, c’est montrer qu’on est dépassé, qu’on a perdu la main.
La réaction est toujours seconde : action puis réaction. Bref, agit.
Concrètement, ça veut dire quoi ? Parce que si je me base sur ma première impression, je me lève de mon lit, je fais mon sac et je me barre. Ce serait agir, il me semble. Au contraire, rester dans mon lit, puis aller au taff demain comme aujourd’hui, hier et lundi prochain, est-ce agir ? Comment est-ce agir ?
Et s’enfermer dans une routine, quelle qu’elle soit, n’empêche-t-il pas d’agir ?
Comme tu le dis chez Péli, se contenter de blablater ne sert à rien. Alors quoi ? Comment pourrais-je continuer à dire que ça va mal, et ne rien faire pour aller contre ? Comment pourrais-je dire que la vision actuelle du travail détruit l’homme, en continuant à prendre mon métro tous les jours pour aller me poser devant mon écran d’ordi, duquel je ne peut pas sortir mon nez puisque c’est mon outil de travail ?
Alors ? J’arrête de dire que ça va mal, pour éviter la contradiction ? Non plus.
Alors quoi ?…
Et l’article suivant apporte ceci de plus au problème que j’ai peur pour mes enfants : je veux pas qu’ils se bouffent ce discours de merde – et tant d’autres : je débats sur Facebook sur l’avortement en ce moment même – dès leur entrée en maternelle. Je veux pas ça, parce que j’y pu y échapper, et qu’eux ne le pourront pas.
Alors quoi ?
Aaaah saloperie de travail!!
Je voudrais avoir le temps de répondre…
Je confirme : saloperie de travail, j’aimerais bien lire votre réponse 🙂
Complètement d’accord avec le texte. Problème : tu n’imagines même pas à quel point tu vas souffrir. Alors, ok, quelque part, souffrir c’est vivre. Et il vaut mieux souffrir qu’être enfermé dans son confort bien douillet, bien reposant.
Mais avec la souffrance viendra la tentation du désespoir. Qui va être très forte face aux échecs. Très. Parce que le don rend beaucoup plus fragile, vulnérable. Mais seul le don donne une véritable raison de vivre. Rien d’autre.
Or le don se traduit, très concrètement, comme on le dit plus haut, par sa vocation, que ce soit une vocation religieuse, la construction d’une boite, d’une famille, la mise en place d’un projet humanitaire. La réacosphère n’a de sens que si ceux qui la composent proposent, construisent, prennent des risques, s’engagent, prennent la suite de ceux qui ont tout construits il y a 20 ans après la vague soixante-huitarde. Sinon, on sera tous d’accord pour dire que ce n’est que de la branlette intellectuelle sans intérêt.
Et oui, cette vocation peut être désespérément banale. Ou pas. Mais comme le dit A., renouveler ce don total tous les jours est une aventure de toute une vie qui vaut bien l’Everest et toutes les conquêtes spatiales. Ça vaut pour tout le monde, aussi bien le cosmonaute que l’humble mère de famille.
C’est exactement pour cela que Ste Thérèse a été nommée Patronne des Missions. Parce qu’elle avait mis tant de grandeur dans son quotidien le plus banal (pour rappel, une de ses consoeurs disait à quelques jours de son décès qu’on ne pourrait rien dire sur elle à son éloge funèbre, tant elle était discrète; on connait la suite) qu’elle a converti sans nombre, et fait énormément de bien pour les âmes. « On peut se sauver en ramassant simplement une aiguille par terre », disait-elle. Ce qui veut dire que le plus important n’est pas de faire de grandes ou de petites choses, le plus important, c’est d’aimer Dieu et de se donner. Complètement et totalement.
Ce qui ne va clairement pas sans souffrance.
Heureux de vous retrouver ici, l’ami Poly !
D’accord avec votre commentaire, sauf cette phrase : « …prennent la suite de ceux qui ont tout construits il y a 20 ans après la vague soixante-huitarde. »
Pourriez-vous m’expliquer un peu ce que vous voulez dire par là ?
Je crains le désaccord très très très profond (on commence à se connaître, hein 😉 ), pas tant sur mai 68 que sur la suite…
Je parle des tradis, des écoles hors-contrat, des associations pro-vie, des politiques indépendants, des paroisses, bref, de tout ce qui fait le microcosme et le vivier catholique, qui permettent de se passer des services de l’Etat, etc.
« Tout construit »… Si je voulais être mauvaise langue, je vous demanderai : pour quel résultat ?
Mais ce serait mesquin. J’éviterai donc. Et puis on a le même âge, tous les deux, cher Poly ; tout cela, c’est l’affaire de la génération avant la nôtre. C’est le passé. On ne va pas ressasser de vieilles lunes qu’on n’a même pas connues, hein. Et le futur, vous y pensez ? Le passé n’évangélise pas.
Je regrette tellement que ce petit milieu, ce si petit milieu, à force de ne fréquenter que le même petit milieu, de ne se propager que dans les mêmes petits milieux (par bonnes alliances de petits milieux), de ne représenter que le même petit milieu, ne soit devenu un milieu si petit. Si insignifiant. Si recroquevillé. Si crispé. Si hautain. Si renfermé. Si caricatural. Si bloqué. Si nostalgique d’un passé fantasmé.
Et si uniforme, socialement, culturellement, politiquement, sociologiquement.
Le monde change, très vite même, et bien que la vérité soit immuable, elle n’est pas immobile.
Alors, on se bouge, on se détend, on ose, on innove, on sort un peu de chez soi, on regarde un peu autour, et on envahit le monde, les « tradis » ?
Quitte à fréquenter des gens pas comme nous, fréquenter pour de vrai, hein, pas seulement au boulot ou au sport ?
Vous êtes un champion du monde quand vous vous y mettez, PMalo. Bon, je réponds demain, parce que maintenant, c’est dodo…
« Je regrette tellement que ce petit milieu, ce si petit milieu, à force de ne fréquenter que le même petit milieu, de ne se propager que dans les mêmes petits milieux (par bonnes alliances de petits milieux), de ne représenter que le même petit milieu, ne soit devenu un milieu si petit. Si insignifiant. Si recroquevillé. Si crispé. Si hautain. Si renfermé. Si caricatural. Si bloqué. Si nostalgique d’un passé fantasmé.
Et si uniforme, socialement, culturellement, politiquement, sociologiquement. »
Parce que ça c’est pas caricatural???!!!
« Si je voulais être mauvaise langue, je vous demanderai : pour quel résultat ? »
Plein de jeunes sortant de pas mal d’écoles ayant entendu parler d’autre chose que de la Star Ac’, étant même capable de définir ce qu’est la messe, bref, qui a reçu autre chose que le gloubi-boulga de l’Education Nationale.
« C’est le passé. On ne va pas ressasser de vieilles lunes qu’on n’a même pas connues, hein. »
C’est vrai que le Motu Proprio de 2007 sur le rite tridentin ou la veillée pour la vie de samedi dernier, c’est du passé TRES lointain.
« Et le futur, vous y pensez ? Le passé n’évangélise pas. »
A votre avis, on évangélise avec quoi, si ce n’est les outils qui ont été crées dans ces années-là ? En outre, pour pouvoir évangéliser le futur, il faut d’abord évangéliser nos propres gosses correctement, d’où l’importance d’écoles qui tiennent la route.
« Et si uniforme, socialement, culturellement, politiquement, sociologiquement. »
Bof, ceci prouve que vous ne connaissez pas si bien que ça ce milieu. A la FSSPX, le milieu est beaucoup plus modeste que chez tous les autres cathos. Cathos qui ne sont pas tous obsédés par les heures les plus sombres, etc.
« Alors, on se bouge, on se détend, on ose, on innove, on sort un peu de chez soi, on regarde un peu autour, et on envahit le monde, les « tradis » ? »
On ne vous a pas attendu pour bouger, mon cher. Des groupes d’évangélisation tradis, ça existe, des catéchumènes chez les tradis, aussi.
« Quitte à fréquenter des gens pas comme nous, fréquenter pour de vrai, hein, pas seulement au boulot ou au sport ? »
C’est vrai qu’il est bien connu que les cathos sont tous complètement autistes….
Pour avoir fréquenté ce milieu tradi de très près durant deux ans, je peux dire d’expérience que ce qu’en dit PMalo ne me semble pas complètement faux. Les mecs avec qui j’étais se voyaient en cours (dont vous en connaissez quelques-uns, Poly, apparemment), le soir après les cours, le WE aux scouts et à la messe… et regardaient quiconque était un peu différent dans la rue avec un regard hallucinant de mépris. Moi, jeune catho, tradi aux yeux de beaucoup, j’avais été choqué, et dégouté par ces attitudes. C’est d’ailleurs ce qui m’a fait m’éloigner de certaines choses (comme la communion, au hasard. Ça fait 8 ans maintenant…)
Donc le côté autiste et uniforme, je confirme, ça existe. Et je ne crois pas être tombé dans le seul exemple qui en existe… Ou alors c’est que je suis vraiment maudit.
En revanche, je pense néanmoins que ça peut avoir de très bons fruits. J’ai continué à fréquenter l’un de ces jeunes gens plusieurs années après, et en effet, ça fabrique aussi des garçons solides, intelligents, bosseurs, volontaires, généreux… Très bien, donc. Là aussi, je pense que la Vérité est entre vos deux visions. L’idéal étant de réussir à construire solidement, sans pour autant construire une armure imperméable qui empêche ensuite d’embrasser le monde (punaise, c’est beau).
Et là se pose aussi la question : faut-il d’abord consolider chez nous, ou faut-il déjà aller porter nos convictions à l’extérieur ? Personnellement (et la question se pose de façon très concrète pour moi, puisque j’envisage de finir ma vie avec une future instit’, qui doit choisir cette année entre le circuit publique ou le circuit hors-contrat), je pense qu’il est plus urgent de former des chrétiens solides, et que tenter de porter la contradiction au milieu du monde est, pour certains, prendre le risque d’être une goutte d’eau dans un océan…
« Les mecs avec qui j’étais se voyaient en cours (dont vous en connaissez quelques-uns, Poly, apparemment)… »
Il fallait lire « Les mecs avec qui j’étais (dont vous en connaissez quelques-uns, Poly, apparemment) se voyaient en cours… », évidemment. Sinon ça veut rien dire 🙂
Intéressant.
Pas le temps ni le désir d’en écrire plus, mais j’ai lu. Merci d’avoir écrit.
c’est génial ! c’est exactement ce que je pense de la vie. quand on s’embourbe dans le quotidien, la vie elle même ne devient plus qu’une hypocrisie. Un joli mensonge, envers les autres, envers soi-même, qu’on arrête pas d’envenimer. en croyant le rendre plus crédible. enfin, je ne vais pas me lancer dans une rédaction sur la superficialité des moeurs sociaux, parce que sinon j’en ai jusqu’à demain… mais en tout cas j’adore ! c’est vachement bien écrit. j’écris aussi (bien modestement, du haut de mes 13 ans) et le jour où j’arriverais à ça… enfin, c’est pas pour tout de suite. voilà, mon admiration sans bornes.WOUAHOU ! MAIS QUEL TALENT.
Beau texte. Mais sortir du cadre découle-t-il d’un choix ou d’une simple incapacité à s’y inscrire. Fuite en avant ? Fuite de côté ? Fuite au-dessus, en dessous ? Et si la fuite consistait simplement, en tentant de s’intégrer au modèle, à nier sa nature profonde ?
C’est en effet la question qui se pose, et qui a été posée. Il convient de ne sortir du cadre que par choix délibéré, et non par simple refus du reste. Dans ce dernier cas en effet, on resterait esclave du cadre, puisque n’agissant qu’en fonction de lui. Au contraire, il faut choisir d’en sortir non pour en sortir mais pour embrasser pleinement l’autre choix, en lui-même.
C’est le fameux dilemme des surréalistes, qui cherchaient à poser l’acte le plus superbement surréaliste, qui ne soit motivé par rien. Et finalement, ils en arrivaient à se dire que l’acte le plus surréaliste était le meurtre gratuit, sans aucun mobile ni objectif. Seulement voilà, ils se heurtaient au fait qu’ils avaient toujours un mobile : la recherche de l’acte surréaliste par excellence.
Nous sommes dans le même cas de figure : en sortant du cadre pour sortir du cadre, nous ne pouvons en fait qu’y rester, en creux.
Je tombe par hasard sur ton article, lequel m’a d’une certaine manière fait penser à ce petit court métrage.
Bien vu : il y a effectivement un bout d’influence 🙂