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C'était mieux avant, C'est habile Bill, C'est la crise, Jules Ferry fait demi-tour dans sa tombe
Jules Ferry, en rendant l’école obligatoire – et donc gratuite -, avait un seul but : que tous les jeunes Français puissent bénéficier des mêmes apprentissages, et donc arriver à l’âge adulte avec les mêmes connaissances. Idéalement, ce système devait permettre à un fils de paysan de prétendre aux mêmes places qu’un fils de bourgeois.
C’est cet idéal d’égalité qui a été le fil rouge de toute l’évolution de l’école, de Ferry à aujourd’hui.
Au début, ça marchait plutôt pas mal, et jusqu’à pas si longtemps que ça, avoir son bac était un honneur, et surtout une chance incroyable pour la suite. Certaines familles pauvres tuaient le veau gras quand un de leur fils revenait avec le précieux diplôme. Et ce diplôme pouvait mener ledit fils jusqu’à des sphères dont ses parents n’auraient même pas pu rêver pour eux-mêmes. Certains fils de paysans devenaient ainsi fonctionnaire, c’est dire. (Oui, parce qu’à l’époque être fonctionnaire c’était la classe.)
Seulement voilà, un beau jour, il y a quelques décennies, nos génies de l’Educ’Nat’ ont découvert que tout le monde n’avait pas le bac, et que c’était pas normal parce que c’est discriminant pour les cons et les branleurs. Ils ont d’abord commencé par créer des programmes, afin d’être sûr que tous les professeurs apprenaient globalement les mêmes choses à leurs élèves. Une première étape plutôt bien vue : aidons les profs à apprendre les bonnes choses à leurs élèves, ça aidera les élèves à voir leur bac. Oui, parce que si un prof s’amuse à apprendre à ses élèves à compter en système binaire, ça les aidera pas à avoir juste à 11+11, logiquement.
C’est après que ça se gâte. En effet, malgré ces programmes, certains élèves continuaient à ne pas réussir le bac. Nos géniaux décideurs ont donc décidé de rendre le bac plus facile, afin que plus de monde puisse, à l’aide du bac, accéder aux hautes sphères de la société. Manque de pot, nos amis de l’Educ’Nat’ n’étaient pas économistes : ils auraient peut-être réussi à faire le parallèle entre ce qu’ils préconisaient et l’idée géniale de faire marcher la planche à billet. Et compris que le résultat serait finalement le même : dévaluation du bac et perte complète de valeur d’icelui.
C’est exactement ce qui est arrivé. Avec le même effet de cercle vicieux que pour la monnaie : puisque le niveau baissait, et qu’il ne fallait pas que le nombre d’admis baisse, il fallait baisser le niveau du bac afin d’avoir toujours le même pourcentage d’admis. Ce que fait baisser le niveau d’année en année. Et ainsi de suite.
Et finalement, de même qu’on finit par prendre une valise de billets pour aller acheter une baguette en cas de dévaluation de la monnaie, on se retrouve obligé de multiplier les diplômes pour avoir un minimum de valeur sur le marché du travail. Seulement, puisque le niveau du bac a baissé, le niveau des universités a suivi, logiquement. La solution est donc de sortir du publique pour aller dans le privé. En clair, de payer pour apprendre quelque chose qui a de la valeur sur le marché du travail.
Et payer cher. Et donc exclure ceux qui n’ont pas les moyens de payer.
C’est ainsi que, sans jamais lâcher le fil rouge de l’égalité, nos géniaux penseurs de l’Educ’Nat’ ont réussi à recréer le système de castes que l’école était censée éliminer et à faire baisser de façon dramatique le niveau de connaissance, de culture, d’intelligence et de savoir-faire de tout un pays, et ce de façon profonde et durable.
Et en plus, à remplacer une caste supérieure qui donnait son sang pour servir la France et protéger ses vassaux par une caste supérieure qui est payée à vendre de la merde à ses inférieurs (écoles de commerce) ou à leur faire accepter le système sans trop l’ouvrir (Sciences Po, Ena, écoles de communication)
Jules, reviens, ils sont devenus cons !
L’objectif de Jules Ferry c’était surtout de piquer l’enseignement à l’Église catholique, qui avait déjà inventé l’école pour tous depuis bien longtemps… 🙂
(Du point de vue de la gratuité avant Ferry :
Ça dépendait de l’enseignement – les hautes études littéraires sans doute pas, l’alphabétisation si. Après, ce n’était sans doute pas uniformisé à l’échelle nationale : ça dépendait de quelle congrégation tournait dans le secteur. Mais enfin, le mythe de Jules Ferry qui invente l’école gratuite pour tous n’a jamais été inventé que pour sous-entendre qu’avant ça tout le monde était ignare car pris dans les griffes de l’obscurantisme.
Lui rendit l’école obligatoire, là d’accord. (mais enfin il n’y a que le gouvernement qui puisse rendre l’école obligatoire).
Tout ça pour dire que Jules Ferry n’a pas inventé l’école, quoi, et que la république anticléricale n’a inventé ni l’instruction ni l’enseignement, que le but était quand-même aussi, énormément, d’uniformiser les esprits, de les former « à la laïque », arracher les enfants à l’influence religieuse. Ils ne s’en cachaient pas, d’ailleurs, et qu’on devrait arrêter de partir du principe qu’on a tout inventé dans les 200 dernières années.
Mais, sinon, pour le reste, oui, effectivement, d’accord sur le tout – l’enseignement telle qu’il est organisé actuellement est particulièrement inégalitaire.
Je n’en rate pas un, et rien à faire, c’est toujours avec le même plaisir que je lis tes articles ! Celui-là est particulièrement bon ! Tout se tient !
Beau raisonnement Fik, je me coucherai encore moins bête…
Très bon billet, et en plus placer « icelui », merde, quel talent!
10+1=11, en binaire comme dans toutes les autres bases 😉
C’est pas sympa de venir m’humilier devant tous mes lecteurs après m’avoir rabaissé devant tous mes amis Facebook…
C’est corrigé 🙂
bon article, reste plus qu’à savoir comment remettre l’égalité au sein de l’école. Interdire l’école public? Interdire les différents cursus?
« privé » je voulais dire
Ce n’est pas au sein de l’école qu’elle n’est pas, l’égalité. Au contraire, je dis que c’est à force de mettre trop d’égalité dans l’école (au lieu d’y mettre de l’équité et de la justice) qu’on a remis une inégalité implacable dans la vie pro.
Pour changer ça, il faut virer l’égalitarisme de l’école, remonter le niveau du bac, redonner aux instit’ la possibilité d’apprendre des choses à leurs élèves…
Et ça ne passera sûrement pas par l’interdiction du privé. Au contraire, ça passerait volontiers par une aide accordée au privée, pour justement que chacun puisse y aller, riche ou pauvre. Or, la politique actuelle fait tout pour que l’école privée soit réservée aux riches.
LA concurrence entre privée est publique peut être saine et productive. J’ai même entendu un directeur d’école publique à la retraite, fervent laïcard pendant toute sa carrière, remercier l’école privée du coin de l’avoir toujours poussé à être meilleur.
@ l’auteur …
mon cher Fik, tu m’as habitué à produire des raisonnements plus structurés et mieux appuyés que celui ci. Je ne nie absolument pas les difficultés du système scolaire actuel, ni même les problèmes de niveau rencontrés lors de certains examens, comme le bac.
Je crois en revanche que tu te plantes sur le diagnostic. Il n’y a pas eu de volonté bisounours d’arrêter je ne sais quelle discrimination vis à vis des cons et des branleurs. Le bac n’est pas devenu un droit à donner à tous dans l’esprit des responsables des politiques. Ils sont partis d’un constat simple : dans un monde où les pays en voie de développement commençaient à acquérir une base industrielle suffisante pour produire des biens manufacturés simples à bas coût, il devenait nécessaire pour un pays comme la France d’augmenter le niveau d’éducation de sa population.
Je ne suis pas un gamin, mais pas encore un dinosaure. j’ai passé mon bac en 1985 et pour ma génération, seuls 20% des élèves arrivaient à ce niveau là. Largement insuffisant pour produire la masse nécessaire d’esprits bien formés capables de la créativité indispensable à la mutation technologique que la France devait favoriser. Je te sais curieux, tu trouveras les sources de mes propos facilement sur Internet et je t’engage à t’intéresser à la force de frappe qu’est en train d’acquérir un pays comme la Chine par le simple nombre des ingénieurs qui sortent de ses universités chaque année.
Pour en revenir à ton papier, tu serais plus avisé de dénoncer l’absence de moyens et de cohérence politique et programmatique qui est venu casser cette ambition française de la seconde moitié des années 80. Ecoles, collèges et Lycées en déshérence dans certaines zones scolaires … Les universités qui n’ont jamais eu les moyens d’accueillir et de former tous ces bacheliers (on s’est contenté de protéger les filières réservées des grandes écoles). Et que dire du matériel hors d’âge et surtout, d’une pédagogie qui n’a ni su, ni pu, et encore moins voulu utiliser le potentiel des nouvelles technologies. La faute des politiques d’éducation se situe bien plus là que dans un esprit bêtement égalitariste que tu veux dénoncer.
Il est vrai qu’il est plus simple de dénoncer cet égalitarisme chez nos politiques, cela permet en même temps de se rassurer à bon compte : ces crétins n’auraient jamais du être éduqués si loin, ils en sont incapables. Et puis, cela permet aussi de justifier le pognon qu’on continue à mettre dans les établissements prestigieux, en oubliant au passage qu’une petite caste de gens bien formés ne feront jamais l’ossature d’une économie contemporaine, pas quand on joue dans la cour des géants.
Cela dit, je ne pense pas que tu sois dans cet état d’esprit. Mais c’est ce que tu risques d’entrainer, avec de tels postulats.
Cordialement,
Manuel
« il devenait nécessaire pour un pays comme la France d’augmenter le niveau d’éducation de sa population. »
Sauf que justement, je pense que ça a eu l’effet contraire, puisque le niveau du bac baisse d’année en année. Bien entendu, les problèmes que tu évoques sont aussi responsables, mais ils n’entrent pas dans le cadre de mon papier, dont le but est de montrer qu’à force d’aller frénétiquement dans le sens de l’égalité, on finit par aboutir à l’effet contraire.
Tout le reste, je le sais, j’y réfléchis, je me renseigne… et j’en parle de temps à autres, mais je n’ai pas encore de vision suffisamment large et éclairée pour pondre un article là-dessus.
Enfin, ce blog est plus volontiers destiné à pointer du doigt des petites absurdités de notre monde qu’à proposer des solutions : je n’ai absolument pas cette prétention, et n’en ai de toute façon pas les moyens.
J’essaie de répondre à certains points de ton commentaire dans la journée, si j’ai le temps, mais je tenais à préciser ça d’entrée.
Bonjour monsieur Fik.
Je vous livre mon premier commentaire sur votre prose que je lis de temps à autre.
La dévalorisation du bac a effectivement été nuisible au système éducatif français car elle rallonge les études. En effet, les titulaires de ce précieux diplôme il y a 20 ans occupaient des postes aujourd’hui pris par des gens diplômés d’une licence. De même, la réforme LMD dans les universités a fait grimper les enchères des diplômes.
Je vous propose de résumer cette escalade sous la forme suivante :
Pour un poste équivalent :
Ancienne formation/nouvelle formation
BEP/Bac pro
Bac / Licence
Licence / Master
Master / Master plus un master spécialisé dans une école ou une université différente.
Finalement, c’est très logique, en réduisant le niveau du bac, on a reporté les connaissances manquantes sur les études supérieures. Il faut donc plus de temps pour ingurgiter les même connaissances, puisque l’on en apprend moins chaque année. Les dernière années d’études étant les plus chères (entre 4000 et 10000 euros pour un master spécialisé dans une grande école), on retrouve effectivement une inégalité flagrante.
Ceci dit, je ne suis pas d’accord sur la comparaison des rites d’initiations, qui avaient , en fonction des écoles parfois également un intérêt égalitaire justement, puisque tout le monde « subissant » la même chose, on passait de « fils d’untel » ou « pauvre ayant étudié » à fier membre à part entière de l’école dont on faisait parti et dont on ne devait souvent l’intégration qu’à soi même, ce qui reste plus ou moins vrai dans le cadre du concours des grandes écoles ou tous les étudiants passent les mêmes épreuves.
Cordialement,
Gauthier
Je ne critique pas les rituels d’initiation en eux-mêmes, je pense aussi qu’ils sont bons, voire nécessaires. Je critique ce qu’ils sont devenus : un moyen pour les anciens d’humilier les nouveaux, de les rabaisser plus bas que la merde qu’ils vont devoir apprendre à vendre.
J’ai vu il y a quelques années la vidéo de résumé d’une école de commerce réputée dans la ville où je faisais mes études, avec quelques camarades hilares. Personnellement, je suis sorti de la pièce au bout de 3 minutes de vidéo… C’était insoutenable.
En un mot : intégration, oui, désintégration, non.
Mouais, pas forcément faux mais un peu simpliste tout ça.
C’était juste pour la beauté de faire un petit raisonnement ?
L’égalitarisme est une des bêtes noires des blogs réacs, tu ne peux donc pas t’empêcher de faire ton petit papier sur ce sujet ?
(Allez, je te taquine.)
Plunkett (bon, je sais, mais bon) fait aujourd’hui une note sur l’éducation.
http://plunkett.hautetfort.com/archive/2012/01/12/un-appel-contre-l-echec-scolaire-qui-perpetue-une-partie-des.html
A mon humble avis, il pose le problème d’une manière un peu plus complexe, et surtout en relation avec l’idéologie libérale-libertaire omniprésente de notre époque (omniprésente, c’est à dire au fond de tous les problèmes de notre société, éducation comprise), dont l’égalitarisme n’est qu’une sous-composante.
L’égalitarisme (l’égalité, réelle et donc bonne en soi, mais dévoyée en sa caricature***) que tu dénonces n’est qu’un des multiples moyens pour mettre en place cette société libérale-libertaire voulue par nos idéologues.
Le dénoncer ne sert à rien si tu ne va pas plus loin et ne t’attaques pas au fond du problème (je crois que je te le dis à chaque article…).
Ce serait comme critiquer le tournevis parce que l’étagère est bancale… peut-être que le tournevis est défectueux, certes, mais le plan, surtout, l’est.
*** « In medio stat vertus ». La vertu se trouve sur la difficile ligne de crête entre sa négation et sa caricature. Le bien se trouve entre deux maux.
Par exemple, la force est une vertu, qui n’est ni la violence (caricature), ni la lâcheté (sa négation).
Autre exemple, l’égalité est une bonne chose, qui n’est ni l’égalitarisme (caricature), ni la loi du plus fort (négation).
Certains disent que cette sentence latine fait le lit du relativisme, ou que ses partisans sont des adeptes d’un centre mou, sans consistance, ne sachant pas choisir, ménageant la chèvre et le chou ; erreur de perspective dramatique qui ELLE fait le lit de tous les extrémismes.
Dans quasiment tous les débats, on assiste au même schéma : les partisans de la caricature se battent contre les partisans de la négation, chaque faction ayant besoin l’une de l’autre pour exister, chacune justifiant sa posture par les excès de l’autre, par rivalité mimétique. Ces débats sont totalement stériles, et le gusse qui rapplique en tentant -tant bien que mal, le curseur est toujours extrêmement difficile à bien placer- de mettre la balance à la si difficile position d’équilibre se fait prendre à partie par les deux bords simultanément.
Les « réacs » et les « prog » sont l’archétype parfait de ce combat en miroir qui semoule à la surface des choses. Perte de temps, de salive, d’énergie, pour rien.
Encore une fois, je n’ai ni les moyens ni la prétention de pondre un article global sur le sujet. D’ailleurs, un article n’y suffirait évidemment pas. Je ne fais que relever une jolie contradiction de fait, qui s’ajoute à tout le reste, que j’évoque ici ou là, toujours par petites touches, parce que c’est ce que je sais faire. Je le regrette, mais c’est comme ça.
Pour le « stat virtus », rien à rajouter, j’espère simplement que tu ne crois pas me l’apprendre 😉
Non, non, je n’aurais jamais la prétention de t’apprendre quelque chose. ;o)
Pour le reste, je te suggère simplement une petite modification dans la forme, suite à ce que tu me dis : si tu sais que ce que tu dis n’est QU’un des aspects de la chose, pourquoi ne pas le dire en intro ?
Du genre : « L’éduc est en crise ; nous allons tenter aujourd’hui d’analyser un des aspects/facteurs de cette crise ; je ne prétends pas épuiser le sujet mais juste mettre en exergue une petite incohérence savoureuse. »
Ça éviterait les malentendus, non ? Parce que ta manière de présenter le truc, actuellement, ça fait un peu « eh ! les mecs ! j’ai trouvé TOUT le pourquoi du comment du merdier de l’éduc : c’est l’égalitarisme ! C’était le SEUL but du sieur Ferry, ça a été le fil rouge de TOUTE l’évolution blablablabla.. »
Donc, un peu de mesure, un peu de nuance, et ça ne passera que mieux !
Et en plus, donner le bac à tout le monde ne fout que la merde, l’Amiral le prouve avec brio : http://amiralwoland.wordpress.com/2012/01/25/cherche-soudeur-pour-le-noyer-dans-le-ble/
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Marvelous.