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L’affaire a fait grand bruit, l’article circulant à grande vitesse parmi les opposants à la loi Taubira : des élèves d’un lycée privé (donc dit « catholique ») de Toulouse ont été interdits de porter le sweat de la Manif pour tous, sur lequel on voit un logo représentant une famille « père-mère-deux enfants ». Avec à la clé menaces et intimidations de la part du directeur. Une affaire qui marque une étape dans cette tempête qui secoue la France dans la mesure où cette fois l’interdiction ne vient pas d’un « ennemi naturel », l’État contre lequel ce mouvement s’est levé, mais d’un supposé allié naturel : un établissement « catholique ».

Rappelons pour mémoire la précédente affaire ayant secoué l’enseignement privé : dans la Manche, l’Association des parents d’élèves d’un établissement réputé avait fait parvenir aux parents, en même temps que le bulletin de note de leur enfant, un argumentaire contre le « mariage » pour tous. Le but était simplement de permettre aux parents de se faire leur propre avis, et absolument pas de les appeler à s’inscrire pour la prochaine manifestation. Las, des parents et des élèves (et même des professeurs, je l’ai appris de la bouche même d’une de ces professeurs, favorable au « mariage » pour tous) s’étaient levés contre ce courrier. Le directeur de l’établissement avait logiquement soutenu l’initiative, et ça en était plus ou moins resté là.

Mais tout ça n’était qu’un échauffement, la vraie affaire, le vrai scandale, c’est celui-ci : il y a quelques jours, une photo a commencé à circuler sur Facebook (cliquez pour lire la banderole) :

LMPTAvec une description indiquant que ce sont des élèves qui ont attaché ça là-haut. L’exploit est beau, je partage et passe à autre chose.

Sauf que quelques heures après, je crois comprendre en lisant des commentaires qu’un des responsables a été viré, à quelques jours du début du Bac. Incrédule et inquiet qu’il soit interdit d’examen, je demande à un de mes contacts qui semble-t-il le connait de lui demander de m’écrire. Nous échangeons quelques mails. Ce que j’apprends va au-delà de ce que j’aurais pu imaginer.

Viré en une heure

Les responsables de cette action, élèves internes dans ce lycée, la planifiaient depuis une semaine et demie :

« Nous avions préparé le terrain en neutralisant les détecteurs de mouvement, assez facile, il suffit de placer un papier opaque devant et le fixer, et en déverrouillant les portes doubles de l’intérieur afin qu’après la fermeture nous puissions les ouvrir simplement en tirant dessus. »

En pleine nuit, entre lundi et mardi, ils passent à l’action :

« Au second étage il y a une trappe au plafond qui permet d’accéder a un vieil observatoire financé par un ancien aumônier du lycée (plus aux normes). Dans l’observatoire une porte qui donne sur le toit du bâtiment, c’est de là que nous avons déroulé la banderole « Tous nés d’un homme et d’une femme [NON] a l’extension de la PMA pour tous ». Nous en avons profité pour inscrire quelques slogans sur les tableaux jouxtant le télescope, comme « je ne veux pas que ma mère s’appelle Robert » ou encore « Gender=Never ».
Le matin la banderole était visible de tous, entre parents qui déposent leurs enfants, élèves, professeurs et gendarmes (notre lycée est voisin de l’école des officiers de Gendarmerie). »

Une action parfaitement menée.

Le matin, dès 8h30, l’un de ces élèves se voit accusé des faits, ce qu’il reconnait volontiers :

« J’ai rapidement avoué, assumant parfaitement l’acte et percevant le combat comme juste pour la vie, pour les enfants, pour la famille, socle de la société et de notre nation. »

Il est envoyé chez le proviseur, où ça se passe assez mal :

« Avec le plus grand énervement, il m’a dit être tolérant, républicain et démocrate, mais qu’en aucun cas nous devions lutter contre une loi qui était votée. Avec véhémence et malgré mes explications, il m’a accusé d’être un « fasciste », un « petit con d’extrême droite », que les gens comme moi c’était « à la porte » et qu’il ne tolérait pas cette opinion dans son établissement. »

Le lycéen a beau expliquer que la PMA n’est pas dans la loi – et donc pas encore votée – et qu’il a agit en partie en réponse à l’incroyable répression policière qui s’est abattue sur les opposants, rien n’y fait :

« Il a appelé mes parents, m’a demandé d’aller faire ma valise et m’a renvoyé. À 9h30, j’étais officiellement exclus de l’établissement. J’ai interdiction de remettre les pieds dans l’établissement jusqu’aux épreuves [du bac], je pourrai dormir a l’internat durant les épreuves officielles. Il m’a été refusé l’accès a l’internat et aux cours durant la semaine de révision. »

Une procédure entachée
d’irrégularités

Entendons-nous bien : je comprends très bien qu’un directeur d’établissement punisse des élèves ayant fait le mur dans la nuit pour entrer par effraction dans un bâtiment. En revanche, le fait que cette punition semble basée avant tout sur des raisons idéologiques me dérange, et ce d’autant plus que l’exclusion a été décidée au mépris des règles qui régissent ce genre de choses.

1. La lettre que ses parents recevront indique comme motifs d’exclusion :

lettreNotons que le point 1 est faux : personne n’a escaladé les murs extérieurs (« C’est totalement impossible, enfin pas de mon niveau… Très loin de mon niveau et de tous ceux qui m’accompagnaient! »), tout s’est déroulé à l’intérieur et sur le toit. Le 3 est limite : il ne s’agit pas d’une opinion politique au sens le plus courant.

L’élève est donc viré sur la base de motifs qui ne sont pas pleinement justifiés.

2. Le lycéen apprendra dans la journée que, avant qu’il soit emmené chez le proviseur, sa chambre a été fouillée en présence du responsable de l’internat, à la recherche de preuves. « Preuves » qui ont été trouvées : des autocollants LMPT, dont certains avaient été collés par les élèves dans la nuit dans l’établissement.

Si la preuve est en elle-même plus que discutable (j’ai dans la poche de ma veste des autocollants du Printemps Français, ça ne me rend pas responsable de l’action des Hommen à Roland-Garros que je sache), la méthode utilisée pour l’obtenir est totalement indéfendable. Si encore il y avait une menace réelle et avérée pour la sécurité des élèves et des professeurs, ça pourrait se comprendre. Dans le cas d’une banderole, on cherche un peu plus la justification. Si la police elle-même est soumise à l’usage de mandat de perquisition, ce n’est pas pour rien.

3. Enfin, le site « Service public » détaille les conditions d’une expulsion d’un établissement scolaire, collège ou lycée :

Sans titreUne expulsion définitive ne peut donc se faire sans conseil de discipline, selon l’Éducation nationale. Or :

autorité

Extrait de la lettre envoyée en début d’année aux parents d’élèves de l’établissement en même temps que le règlement intérieur, et signée par le proviseur.

En excluant cet élève sans conseil de discipline, ce lycée n’a pas respecté son contrat passé avec l’État. Et, plus grave à mes yeux, il s’est aussi coupé de l’Église, sous l’autorité de laquelle il se plaçait de fait, Église dont le pape François parlait du « mariage » gay en ces termes :

« Il ne s’agit pas d’un simple projet législatif (celui-ci est un simple instrument) mais d’une movida du Père du mensonge qui prétend embrouiller et tromper les enfants de Dieu.« 

Deux cas représentatifs
d’un malaise plus général

Cette affaire est grave, et il ne s’agit hélas pas d’un cas isolé. Si la violence des événements n’est heureusement pas courante, en revanche le travail de sape dont ils sont la preuve est à l’œuvre dans un grand nombre d’établissements dits « catholiques ». Vous avez peut-être déjà tiqué au début de l’article sur cette formulation, établissements dits « catholiques » ? Le problème justement est que beaucoup de ces établissements qui portent l’étiquette « catholique » se contentent largement de cette étiquette.

Ainsi l’établissement où j’ai passé tout mon primaire vient-il de remplacer le catéchisme par un cours de « culture religieuse ». Les parents qui voudraient que leurs enfants suivent le caté – à la paroisse et non plus dans l’établissement – devront rédiger une lettre en ce sens ; jusqu’à maintenant, c’était l’inverse, c’était le caté qui allait de soi, et il fallait écrire pour en dispenser son enfant. Cet établissement reste un établissement « catholique ».

Et ma femme, future enseignante dans le privé sous contrat, apprend en cours qu’il faut parler non pas de religion, de spiritualité, de foi, mais de « fait religieux ». Dans le cours mis à sa disposition en Powerpoint, le christianisme et le judaïsme sont regroupés sur un diaporama de 12 diapos ; l’islam, seul, occupe en 59 diapos ; et le diaporama sur la laïcité fait 56 diapos…

Le tableau de l’enseignement est bien noir (et je pourrais continuer des heures, j’ai la matière… Mais ce n’est pas sujet aujourd’hui. Et autant y aller par étapes…). J’ai cependant entendu parler d’une école où la catéchiste en chef refusait d’avoir le moindre contact avec le curé de la paroisse la plus proche. Des parents d’élève, l’apprenant, ont appelé le diocèse pour faire part de leur surprise. L’établissement a perdu son étiquette « catholique » pour deux ans. Et de nombreux élèves ont donc été inscrits ailleurs.

Ce qui prouve deux choses :

– les évêques n’ont probablement pas conscience du fait que les établissement « catholiques » ne le sont souvent que de noms, ce que confirme ma femme : un prêtre est venu leur parler pendant deux heures, à elles futures institutrices (oui, il n’y avait que des femmes. Oui, c’est sexiste…), et ne tarissait pas d’éloges sur l’enseignement privé, leur rappelant à maintes reprises que la composante spirituelle de leur enseignement ne pouvait pas être négligeable. Manifestement, il ne savait pas en quoi consistaient les cours que ces demoiselles devaient subir…

– quand les évêques ont connaissance de ce genre de faits, ils peuvent agir. Pour information, le lycée dont il est question ici dépend de l’académie de Créteil et est rattaché au diocèse de Meaux. J’aurais voulu le préciser plus tôt mais je n’ai pas pu. Mais ici c’est bien aussi, je trouve.

Et pour finir, l’anecdote qui tue : avant de partir, notre lycéen a eu l’occasion de discuter quelques instants avec l’infirmière scolaire des raisons de son départ. Elle n’avait aucune idée de ce que le slogan « Non à l’extension de la PMA pour tous » pouvait vouloir dire… La preuve, s’il en fallait une, que beaucoup n’ont pas la moindre idée de ce pour quoi nous nous battons, et qu’il faut donc continuer à détailler les raisons de notre combat. Même si c’est dur…

Allez, je ne résiste pas au plaisir d’une deuxième anecdote : dans le courrier de début d’année déjà cité plus haut, le proviseur de ce lycée écrivait ceci :

libresJ’ai pas mal échangé ces derniers jours avec ce jeune homme : je le crois pleinement responsable de sa liberté, j’affirme que sa volonté est en pleine forme, et les faits nous prouvent qu’il sait déjà s’engager avec foi et espérance.

Beau boulot, monsieur le proviseur !