Étiquettes
Cro-Magnon fait rien qu'à généraliser comme un facho, Les gens qui généralisent sont tous des cons, Surtout pas d'amalgame
Mon dernier article a été l’occasion d’une vague de commentaires indignés sur Facebook, principalement de mères de familles, qui me reprochaient en clair de les traiter de crétines. Outre que j’avais bien précisé que ce n’était pas le cas, ça m’a confirmé dans mon intention d’entamer un petit guide méthodologique du débat. (L’occasion de créer une nouvelle rubrique.) A vrai dire, j’en avait déjà rédigé le premier article, qui traitait de la comparaison et de l’usage qu’on en fait en rhétorique.
Aujourd’hui, j’aimerais évoquer la généralisation. On l’entend souvent, cette remarque un rien agressive, dans n’importe quel débat sur n’importe quel sujet : « Non mais là tu généralises, c’est pas toujours vrai ». Ben oui, je généralise. Et je l’assume très bien. Pire, je m’en félicite.
Regardons un peu ce qui se passait si j’écoutais cette remarque et mettais en pratique ce qu’elle implique, en imaginant que nous débattons de l’opportunité d’aller faire des papouilles à un lion lors d’un safari. Mon postulat de départ serait le suivant : « Approcher un lion, c’est risqué, à moins qu’il soit dans un enclos et nous dehors. Ou l’inverse, à la rigueur ». Réponse immédiate, et inévitable : « Nan mais tu généralises, y’a des lions trop sympas, suffit de lire Joseph Kessel pour s’en convaincre ». Si mon interlocuteur est un geek, il prendra même soin de poster cette vidéo :
Subjugué par un tel argument, je vais m’empresser de partir en safari pour aller faire des papouilles au premier lion que je verrai. Et ce sera la fin de ce blog, ce qui serait dommage.
Généraliser est nécessaire, vital : on ne peut pas comprendre le monde si on n’accepte pas de tirer des conclusions générales de nos expériences. Nos ancêtres n’ont pas survécu autrement : quand la moitié de la tribu crevait dans d’atroces souffrances après avoir mangé un champignon, on concluait que ce champignon n’était pas bon. Si un membre de la tribu s’était amusé à dire « Nan mais les gars vous généralisez, et ça c’est limite facho, ça rappelle les heures les plus sombres de la préhistoire », eh ben l’autre moitié aurait crevé de la même façon après l’omelette aux champignons du lendemain.
Aujourd’hui, on meurt un peu moins de ce genre de choses (remarquons ensemble que c’est justement parce qu’on a généralisé comme des ordures pendant des siècles…), mais ça n’empêche pas qu’on doit continuer à généraliser, pour pouvoir appréhender le monde dans lequel on vit. Tenez, par exemple : l’homme et la femme, dont on dit qu’ils sont différents. « Ouais, mais moi mon tonton Robert il a une voix aigüe et pas de barbe, alors je vois pas pourquoi tu oses dire que les hommes sont poilus et ont la voix grave ». Et hop, la théorie du genre est là. Bravo, mon cher « nan-mais-faut-pas-généraliser »…
Dans mon dernier article, celui qui a provoqué la rédaction de celui-ci et qui n’est donc plus mon dernier article mais mon avant-dernier article (jusqu’au suivant…), on parlait beaucoup d’intelligence. On me reprochait en substance de ne l’avoir pas définie. Eh bien… je ne la définirai pas non plus maintenant. Mais, au regard des lignes que vous venez de lire, je voudrais préciser deux choses qui pour moi sont preuves d’intelligence.
La première est cette capacité de sortir de soi-même. Le crétin se suffit à lui-même, sur le plan intellectuel : il est son propre monde, tout tourne autour de lui, tout se ramène à lui. Qu’on évoque devant lui la souffrance d’un peuple lointain qui meurt de faim, lui constate qu’il n’a pas faim, et conclut que la faim n’existe pas. Par pitié, lors d’un débat, ne rapportez pas tout à vous : ne concluez pas à la fausseté d’un raisonnement parce que vous ne le vérifiez pas, ou parce que vous connaissez des gens qui ne le vérifient pas. Sortez de vous-mêmes, de votre petite expérience forcément limitée (qui est pourtant évidemment importante ; mais ne fait pas à elle seule un monde), pour aller plus loin, voir plus haut, plonger plus profond. Si en plus le débat en question porte sur l’intelligence, ça vous permettra accessoirement de ne pas être pris d’office pour un crétin.
Cependant, je rejoindrai mon cher « nan-mais-faut-pas-généraliser » sur un point, et ce sera le deuxième signe extérieur d’intelligence que je pointerai ici : s’il est nécessaire et vital d’être capable de généraliser, il est tout aussi nécessaire et vital d’être capable de comprendre que des exceptions existeront toujours. Généraliser à fond et jusqu’au bout ne conduit qu’à l’absurdité : si j’étais le généralisateur compulsif que certains semblent penser que je suis, je nierais qu’un lion puisse faire autre chose avec un humain que le bouffer tout cru. L’expérience me prouve le contraire ? Très bien : c’est une exception.
Celle dont on dit – à tort – qu’elle confirme la règle. Non, l’exception ne confirme pas la règle, elle se contente de prouver que la règle est une règle : une succession de cas isolés dont on ne peut tirer aucune conclusion ne connait pas d’exceptions.
_____________________________________
Ce texte n’est pas libre de droit. Si vous voulez le partager à vos lecteurs, un lien suffit. Le copier/coller tue l’information (plus de détails ici) et est passible de poursuites. Je n’hésiterai pas à faire valoir mes droits, qui que soit le copieur.
Deux petites choses :
– à propos de l’exception et de la règle, un vieil article d’un vieux blog :
http://vchewbaka.free.fr/dotclear/index.php/2008/11/04/69-l-exception-confirme-la-regle
– à propos de la théorie du genre : elle n’est pas tellement la négation d’une généralisation – c’est ce que l’on veut nous faire croire – que la généralisation d’une négation que l’on pourrait énoncer ainsi : « un homme n’est pas toujours un homme, une femme n’est pas toujours une femme ».
Merci pour l’article, je l’ai cherché (rapidement) sans le trouver. Je le mets en lien.
Je ne voudrais froisser personne mais je vois mal comment on peut être croyant d’une religion particulière si l’on suit votre premier précepte. En matière de « sortir de soi-même, de sa petite expérience forcément limitée », on ne peut qu’être interpellé par la diversité des croyances du monde, s’interroger sur l’origine de la sienne propre, et, en toute honnêteté, arriver à une attitude éminemment agnostique.
Sortir de soi ne veut pas dire arrêter d’être soi. Au contraire : normalement sortir de soi aide à savoir mieux qui l’on est, et savoir qui l’ont est aide à mieux sortir de soi.
Encore une fois, on retombe dans un relativisme forcené, qui finalement, sous des airs de compréhension de tout, s’ôte tout moyen de rien comprendre. Exactement de la même façon que vouloir énoncer toutes les exceptions à une règle finit par empêcher de comprendre la règle, d’ailleurs.
D’accord, mais lorsqu’on évoque devant vous la croyance d’un peuple lointain qui prie un Dieu particulier, et que vous constatez qu’il est différent du vôtre, n’en concluez pas que ce Dieu n’existe pas. Par pitié, lors d’un débat, ne rapportez pas tout à vous : ne concluez pas à la fausseté d’une croyance parce que vous ne la partagez pas, ou parce que vous connaissez des gens qui ne la partagent pas. Sortez de vous-mêmes, de votre petite expérience forcément limitée (qui est pourtant évidemment importante ; mais ne fait pas à elle seule un monde), pour aller plus loin, voir plus haut, plonger plus profond.
Vous direz ça aux pères de l’Églises, aux intellectuels cathos, aux théologiens, aux philosophe, hein ?
Parce que, quand même, « aller plus loin, voir plus haut, plonger plus profond » n’implique pas forcément de conclure autre chose que ce qu’on pensait avant… On peut faire tout ça et conclure qu’on avait raison de penser ce qu’on pense. Jusqu’à la prochaine remise en question, qui elle même pourra confirmer à nouveau. Et l’expérience de s’enrichir, de devenir plus solide, d’être plus fiable.
C’est le seul but du débat. Il n’y en a pas d’autre.
Certes, mais prendre du recul et sortir de soi-même, c’est se poser des questions comme : d’où viennent mes croyances ? Quelle part y prend le confort intellectuel, le désir de faire plaisir à mes proches, ou d’être reconnu au sein de ma communauté ? Quand je vois la façon dont se forment les croyances d’autrui, puis-je retrouver les mêmes mécanismes chez moi ? Comment distinguer le réel de l’illusion, même partagée ?
Et ces questions valent bien évidemment aussi pour les pères de l’Eglise.
Qu’est-ce qui vous permet de croire que nous ne nous les posons pas, ces questions ?
Pour une fois , vous me faites rire ! D’abord pour ce propos sur les mères de famille .
Vous me faites rire ! Tout simplement parce que vous avez commenté ainsi un de mes propos » La caricature ,n’honore pas son auteure » . L’auteure de la généralisation était bien moi pour montrer que exiger qu’on remplace une fête chrétienne par une musulmane ou juif était absurde. En France il semble patent qu’au nom de l’égalité , il faille traiter chaque religion sur le même pied d’égalité . Mais si on renverse le propos en exigeant des autres qu’ils remplacent une de leur fête par une chrétienne cela parait impossible , étrange ou absurde …. Le but de cette généralisation avait donc pour but de manifester que le propos était absurde …Vous mélangez alors généralisation et caricature, honneur et auteure . Par ailleurs être mère de famille ou père de famille est plus signe d’un progrès dans l’amour, le sens des responsabilités que signe de régression dans l’intelligence et la compréhension des choses ! Un peu de respect vous honorerait :! Un autre signe de l’intelligence est de savoir garder une certaine humilité …. Néanmoins , croyez bien que généralement, j’apprécie la pertinence de vos propos ! 😉 !
@ Fikmonskov : Si vous vous les posez déjà, alors c’est pire que ce que je craignais 😉 N’hésitez pas à vous les re-poser à l’occasion !
Voilà, faisons comme ça. En échange, promettez-moi d’arrêter de prendre les gens pour des cons, et on sera bons amis.
Allez, adieu.
Tiens, à propos de débat 😉
http://vchewbaka.free.fr/dotclear/index.php/2009/03/07/85-debat-d-opinions-ou-debat-d-idees
@Fikmonskov
Trois remarques :
– Vous illustrez à merveille votre propos et par là le biais de votre raisonnement. Car si le champignon vénéneux se révèle toxique dans certaines conditions, il ne l’est pas forcément dans d’autres (cuit, par exemple). De même, le lion de votre vidéo n’a pas l’air franchement dangereux, parce qu’il a été domestiqué très tôt. Dès lors, en généralisant, vous faites comme si vous aviez découvert une règle et vous reléguez tout ce qui ne rentre pas dans votre case mentale au rang d’exceptions, le tout au mépris d’une authentique compréhension des phénomènes en jeu et avec des conséquences très concrètes : si je reprends l’exemple de votre champignon vénéneux, en généralisant à l’emporte-pièce, votre tribu se prive peut-être d’une ressource alimentaire précieuse. En clair, votre erreur, c’est bel et bien de généraliser de façon simpliste, au lieu de contextualiser, c’est-dire de préciser les conditions dans lesquelles ce que vous énoncez se vérifie (exemple en physique : l’eau bout à 100°C… sous 1 atmosphère, autrement dit dans des conditions de pression habituelle). Et contextualiser, c’est justement sortir de soi-même en remettant en cause l’absolutisme des théories qu’on se donne intuitivement au profit du relativisme (quelle horreur !) des faits qu’on découvre rationnellement.
– Par suite, dire « les hommes et les femmes sont différents », c’est formuler une proposition qui n’apporte aucune information pertinente, mais permet en revanche de valider à peu de frais un préjugé machiste. Quand on creuse un peu la question, on se rend compte rapidement que s’il existe bien des différences sexuelles, elles ne sont pas absolues, mais relatives ; relatives à des prédispositions biologiques, à des attitudes éducatives, à des environnements culturels, etc. tous ces éléments entrant en interaction les uns avec les autres. L’on peut alors sereinement renvoyer dos à dos les gardiens de la « loi naturelle » et les furieux du « queer ».
– Enfin, je crois l’avoir déjà dit mais je me répète : il est fautif de parler de « théorie du genre », pour la bonne et simple raison que ça n’existe pas. Ce qui existe, ce sont des *études de genre*, réalisées par divers auteurs qui ne sont pas forcément d’accord entre eux, ni ne défendent nécessairement les mêmes intérêts politiques. Ces études présentent d’ailleurs un intérêt certain… pour peu qu’on ait l’honnêteté intellectuelle d’en prendre connaissance. Ce que vous dénoncez régulièrement (dénonciation que je partage, au passage), c’est l’*idéologie* du genre, qui désigne tout autre chose que les études de genre, à savoir le détournement de ces dernières à des fins d’ingénierie sociale.
Un question c’est un faux;fuyant pour ne pas donner de réponse n’est-il pas ?
Marie-Aliénor : vous n’avez pas généralisé, c’est-à-dire tiré une conclusion d’une série de faits liés entre eux, vous avez caricaturé, c’est-à-dire que vous avez pris une situation énoncée dans un contexte donné et l’avez transposée dans un contexte complètement différent, exigeant que les conclusions soient les mêmes. (Pour mémoire, je vous accusais de caricaturer sous un lien vers un article sur la proposition de déplacer deux jours fériés correspondant à des fêtes chrétiennes sur des fêtes musulmanes et juives. Vous suggériez qu’on fête Pâques et Noël en Arabie Saoudite, ou un truc du genre. Je persiste : c’est une caricature, qui n’apporte absolument rien à ce débat très complexe.)
Pour le reste de votre commentaire (qui n’est pas sous le bon article), vous aurez une réponse dans la journée : je vais publier un article précisant celui sur les femmes intelligentes, et vous verrez que vous l’avez très très mal compris. Je vous rassure, vous n’êtes pas la seule : aucune mère de famille de mes lectrices, DJM mise à part, ne semble l’avoir compris…
Agg :
– sur votre histoire de champignon, je ne répondrai que par ma conclusion : « Cependant, je rejoindrai mon cher « nan-mais-faut-pas-généraliser » sur un point, et ce sera le deuxième signe extérieur d’intelligence que je pointerai ici : s’il est nécessaire et vital d’être capable de généraliser, il est tout aussi nécessaire et vital d’être capable de comprendre que des exceptions existeront toujours. Généraliser à fond et jusqu’au bout ne conduit qu’à l’absurdité : si j’étais le généralisateur compulsif que certains semblent penser que je suis, je nierais qu’un lion puisse faire autre chose avec un humain que le bouffer tout cru. L’expérience me prouve le contraire ? Très bien : c’est une exception. » Une généralisation ne se fait qu’après une série d’événements semblables, et une série d’événements différents alors qu’ils auraient dû être semblables conduira logiquement à nuancer la généralisation… Vous m’accusez d’absolutisme, alors que j’avais justement bien pris soin de préciser qu’une généralisation intelligente laisse toujours la place à l’exception… qui peut donc devenir une autre généralisation.
– « c’est formuler une proposition qui n’apporte aucune information pertinente, mais permet en revanche de valider à peu de frais un préjugé machiste » Pas du tout. L’information est pertinente, je crois avoir montré pourquoi ici : https://fikmonskov.wordpress.com/2011/09/22/lenfer-cest-quand-lautre-nest-plus-autre/ Si on ne comprend pas qu’homme et femme sont différents, on ne comprend pas la moitié de l’humanité. C’est un vrai problème. De plus, c’est vous qui voyez un préjugé machiste dans cette assertion, pas moi.
– « elles ne sont pas absolues, mais relatives ; relatives à des prédispositions biologiques » Prédispositions biologiques… Que ne faut-il pas lire ? Vous faites exactement ce que je dénonce : vous minimisez l’importance de la différence sexuelle, alors qu’elle est fondamentale. Même si, encore et toujours la même chose, elle connait des exceptions, certains hommes ayant plus de caractères féminins que certaines femmes, et inversement.
– Ok pour « idéologie du genre ». Le problème étant que quand on dit ça, on se tape un Agg-bis pour nous dire qu’il n’y a pas d’idéologie, que c’est n’importe quoi et qu’on délire complètement 😉
« aucune mère de famille de mes lectrices ne semble l’avoir compris… »
Hey je proteste!!!
Vous êtes sûr que vous avez bien lu mon commentaire ? 😉
J’ai été trop vite, où vous l’avez corrigé???
(Ou alors l’explication donnée hier en MP est décidément la bonne!)
Ah non, vous n’avez lu que ce que vous vouliez bien lire. Comme toutes les mères de famille 😉
(Je plaisante, évidemment. J’ai corrigé, comme un fourbe. Mais c’était trop tentant 😀 )
Pingback: Le jour où un article polémique n’a pas déclenché la polémique que j’attendais… mais une autre que je n’avais pas du tout prévue | Le blog de Fikmonskov
@Fikmonskov
– Sur la généralisation : je ne suis pas sûr que vous ayez saisi mon objection. Si je reprends votre exemple, le champignon n’est pas vénéneux « en général » et comestible dans le cadre d’une « exception », mais vénéneux ou comestible selon certaines conditions qu’il s’agit de mettre au jour. Appliquée de manière systématique, cette méthode s’appelle la science et permet d’augmenter nos savoirs positifs. Et je ne vous « accuse » de rien, je constate simplement un raisonnement fautif que je vous invite à corriger. Pour ce faire néanmoins, vous devez accepter le relativisme, sinon vous restez dans l’idéologie.
– Sur les différences hommes/femmes : le relativisme vaut également. Ce que vous faites, vous, c’est partir de l’observation du comportement d’une femme (par exemple celui de votre fiancée) pour le relier immédiatement à une causalité sexuelle (elle agirait ainsi *parce que* c’est une femme), au mépris des conditions d’émergence de ce comportement. En l’occurrence, si vous vous penchiez sur les études de genre, vous découvriez que les comportements qu’une certaine psychologie naïve attribue à une causalité sexuelle relèvent de bien d’autres déterminants. Cela n’altère en rien les différences entre individus, mais cela donne un tableau beaucoup plus complexe et nuancé que l’appréhension à la truelle que vous livrez. Et puis, je ne vois pas en quoi les différences sexuelles seraient plus « fondamentales » que les autres différences humaines : rassurez-vous, l’autre demeurera à jamais autre, en vertu de son existence même, pourquoi vouloir essentialiser telle ou telle de ses caractéristiques ?
– Sur la terminologie du genre : haha, je comprends, mais pour le coup vous avez des arguments pour défendre cette notion d’idéologie du genre et l’usage de cette expression vous ferait gagner en finesse d’analyse par la distinction qu’elle réalise.
– « Pour ce faire néanmoins, vous devez accepter le relativisme, sinon vous restez dans l’idéologie. »
Nous n’avons clairement pas la même définition du relativisme. Le relativisme consiste à dire que tout se vaut. C’est une idéologie, qui avance masquée souvent même aux yeux de ses défenseurs.
– Pour le champignon, il se trouve que certains sont vénéneux de toute façon, mais là n’est pas la question. Encore une fois, on généralise non pas à partir d’un élément mais de plusieurs qui se ressemblent. Sinon il y a autant d’exceptions que d’événements, ce qui fait qu’il n’y a plus de généralisations. Pour les femmes, c’est pareil. Je connais plusieurs femmes. Je n’en connaitrais qu’une que je ne pourrais généraliser. Mais il se trouve que j’en connais plusieurs, qui ont presque toutes des comportements similaires. Donc je généralise, même si je constate aussi des exceptions. Et constatant ces comportements similaires, je cherche le dénominateurs commun à toute ces personnes. Le seul est qu’elles sont des femmes. J’en conclus donc qu’elles agissent ainsi parce qu’elles sont des femmes. Et que sur beaucoup de points, elles n’agissent pas comme moi, ni comme l’immense majorité des hommes que je connais.
– « vous découvriez que les comportements qu’une certaine psychologie naïve attribue à une causalité sexuelle relèvent de bien d’autres déterminants » Des déterminants qui pour autant n’empêchent que leur point commun à toutes est d’être des femmes, et que c’est quasiment le seul. (Elles sont pour la plupart européennes. Mais si j’en conclus quoi que ce soit, je suis raciste.)
– « mais cela donne un tableau beaucoup plus complexe et nuancé que l’appréhension à la truelle que vous livrez » Encore une fois, évidemment. Seulement, si je voulais livrer une analyse prenant en compte toutes les nuances de chaque personne… ce serait complètement impossible. Donc, effectivement, et vous ne me l’apprenez pas, je généralise. Ben oui, dites, c’est fou ça.
– « Et puis, je ne vois pas en quoi les différences sexuelles seraient plus « fondamentales » que les autres différences humaines » Trouvez-moi une seule autre différence qui divise l’humanité en deux, de façon excessivement claire et vérifiable, quasiment sans aucune exception, et j’admettrai que les différences sexuelles ne sont pas si fondamentales que ça.
– « pourquoi vouloir essentialiser telle ou telle de ses caractéristiques ? » Parce qu’encore une fois c’est le seul moyen, quand on arrive devant quelqu’un qu’on ne connait pas, de déjà comprendre un minimum qui elle est, pour ne pas avoir à tout reprendre à zéro. Si on s’interdit d’essentialiser, on se doit pour être cohérent de reprendre entièrement tout à zéro quand on rencontre quelqu’un, comme le fait le très jeune enfant au moment précis où il découvre qu’il y a lui et les autres.
@Fikmonskov
– Sur le relativisme : il consiste simplement à acter le caractère relatif de la réalité. Cela dit, vous avez raison, certaines personnes partent de ce constat pour en déduire que tout se vaut. Je vous accorde que c’est une sottise, mais c’est malheureusement ce qui se passe quand on nie la complexité des faits au profit d’une idéologie…
– Sur le champignon : sans vouloir chercher la petite bête, j’attire votre attention sur le fait que son caractère « vénéneux » ne fait pas partie d’une hypothétique essence, mais qu’elle est relative à celui qui le définit ainsi, ici, un être humain. Même un champignon impropre à toute consommation humaine peut être parfaitement comestible pour d’autres animaux. Il n’est donc pas vénéneux dans l’absolu, mais vénéneux *pour nous*. Et puis, qui sait si la toxine qu’il contient et qui constitue une menace en cas d’ingestion ne se révèle pas utile dans d’autres cas (exemple du curare) ? Bref, au lieu d’asséner une « vérité absolue », il paraît plus prudent de formuler une vérité relative, en précisant son cadre de référence.
– Sur les femmes : pour que votre méthode soit valable, il faudrait que vous l’appliquiez sur un échantillon représentatif de femmes. Or dans la vie courante, c’est rarement le cas. Vous évoluez, comme la majorité d’entre nous, dans un milieu semi-fermé, fruit pour partie de vos origines et pour partie de vos propres choix, dans une logique d’affinités électives. Ce que vous appelez « exceptions » est peut-être la « règle » pour une autre personne évoluant dans un milieu différent. Par ailleurs, il ne suffit pas d’isoler des régularités pour pouvoir les imputer à la variable qu’on a choisie d’étudier, il faut encore démontrer qu’il existe un lien de causalité entre les deux. En l’occurrence, vous ne démontrez rien du tout : vous vous contentez 1) d’accumuler des exemples de régularités féminines pour ensuite 2) affirmer triomphalement que ces régularités féminines s’expliquent par… la féminité. En clair, vous nagez en pleine circularité. Je m’arrêterais là, afin de ne pas faire trop long, mais ces quelques remarques devraient déjà vous inciter à plus d’humilité quant à vos conclusions et, si vous aspirez à la vérité scientifique, à réviser votre épistémologie.
– Sur le caractère fondamental des différences sexuelles : ce n’est pas parce que des différences sont plus saillantes que d’autres qu’elles sont nécessairement plus importantes. Il existe aussi des différences raciales, objectivables à partir de différences anthropométriques, qui permettent, si l’on a l’esprit de classification, de diviser l’espèce humaine en plusieurs sous-groupes : je ne crois pourtant pas vous avoir lu sur le sujet. L’on peut aussi diviser les humains à partir de leurs préférences sexuelles : vous obtiendrez également des sous-groupes tout à fait valables. En fait, on peut diviser les humains d’innombrables façons, à partir des innombrables critères qu’il est possible de retenir pour les définir. Vous vous focalisez sur le sexe biologique, c’est votre droit, mais n’y mêlez pas la raison, qui n’a rien à voir là-dedans. C’est sans malice que je vous dis cela, mais l’épopée humaine montre que la volonté de division ontologique – soit le passage des faits à l’idéologie, encore une fois – va rarement de pair avec de bonnes intentions. A un niveau tout à fait anodin, il est probablement beaucoup plus confortable pour un homme de renvoyer une femme (amie, sœur, épouse, etc.) dans les cordes de sa prétendue féminité lorsqu’un de ses comportements le déconcerte ou lui déplaît que de faire l’effort de compréhension requis. Et inversement bien sûr : certaines féministes sont devenues spécialistes dans l’art d’essentialiser les hommes, sans comprendre l’incohérence flagrante de ce petit procédé – ou faisant mine de ne pas le comprendre.
– Sur l’essentialisme : quand je vous dis que votre problème c’est l’absolutisme ! C’est une chose de simplifier le réel en s’appuyant sur des régularités individuelles établies à partir de tel ou tel critère afin de ne pas « repartir de zéro », comme vous dites, c’en est une autre de prendre cette simplification pour la réalité au point d’en faire une essence d’icelle et de jeter tout le reste aux oubliettes. Vous commettez la même erreur que ces scientifiques qui, *par commodité méthodologique*, réduisent l’esprit au cerveau et, après maintes dissections savantes, agissent comme s’ils avaient fait le tour de la question et déclarent d’un air satisfait que oui, oui, l’esprit *est* le cerveau.
Agg : J’aime beaucoup vos commentaires.
Vous apportez souvent les nuances nécessaires.
Mais… attention à ne pas prendre le contrepied systématiquement, quand justement vous apportez… les nuances nécessaires.
Cela dit, je ne suis pas d’accord sur tout. 😉
Je fais le commentaire symétrique pour Fik !
Fik, j’ai très bien compris le propos général de ces trois derniers articles.
Mais je crois que tu as toi-même cherché les embrouilles, en diluant beaucoup trop ce qui tenait en trois phrases.
Par conséquent, beaucoup se sont perdus en route, en s’arrêtant sur beaucoup de points secondaires *** que tu as toi-même mis en avant.
Tu as levé une quantité de lièvres impressionnante, ne t’étonne pas que ça courre dans tous les sens.
Par effet boule de neige, on arrive vite à un truc imbitable…
*** Secondaires dans CE raisonnement, mais très importants par ailleurs, et plutôt complexes.
Celui qui me gêne le plus, c’est cette histoire « intelligents » vs « cons ».
Il n’y a pas plus relatifs, comme notions ! Et prendre pour indicateur le QI pose d’énormes problèmes.
« Absolutiser » ou « essentialiser » la connerie ou l’intelligence, c’est très casse-gueule.
Ce n’est pas Agg qui me contredira.
J’ai pris « intelligent » et « con » dans leur acceptation la plus courante, celle qui consiste à considérer qu’est intelligent celui qui est capable d’appréhender le monde… dans son état actuel, donc effectivement totalement relatif. Parce que si j’avais voulu définir ces termes, j’aurais dilué encore plus et ça serait parti encore plus dans tous les sens.
C’est toujours le problème quand on rédige un article polémique : que faut-il prendre pour acquis et que faut-il redéfinir ? Parce que quoi que soit ce qu’on décide de ne pas redéfinir, il y aura toujours quelqu’un pour le regretter, et faire dévier le débat sur cette donnée là. Et si on décide de tout redéfinir, on en arrive à des tartines immenses… et avec toujours autant de choses non-redéfinies. « Plus on apprend plus on ne sait rien », c’est le cauchemar du blogueur 🙂
Yep, je suis bien d’accord.
Ce que je voulais dire, c’est que le propos de ton article tenait en 3 phrases, même avec toutes les précautions nécessaires (du genre : « il s’agit de statistiques », « avec toutes les nuances qui s’imposent », etc.)
Les gens auraient pu ensuite lever toutes les objections qu’ils voulaient -ça n’aurait pas manqué- mais TON raisonnement aurait été plus clair.
Là, tu pars un peu trop dans tous les sens, tu dilues, tu tends des perches, tu titilles ; le lecteur pas trop attentif est paumé, et il réagit sur des points secondaires sans réagir au sujet lui-même.
La preuve : encore personne n’a parlé du sujet que tu voulais soulever. 😉
« J’ai pris « intelligent » et « con » dans leur acceptation la plus courante » : cette phrase, tu aurais pu la mettre dès le début, mais en remplaçant « acceptation » par « acception ». 😉
« Parce que quoi que soit ce qu’on décide de ne pas redéfinir, il y aura toujours quelqu’un pour le regretter, et faire dévier le débat sur cette donnée là. Et si on décide de tout redéfinir, on en arrive à des tartines immenses… »
Bien d’accord. Tant qu’à être dans le raisonnement à la louche, autant faire dans le lapidaire.
J’aurais aussi braillé, bien sûr, mais au moins au aurait compris ce que tu voulais dire. Alors que là, on se perd en route. Tu nous perds en route, en fait.
Voui, j’en avais tellement conscience que je l’ai précisé dans l’article qui suit :
« Je reconnais, après plusieurs relectures attentives, que cet article n’était pas des plus clairs. Je m’en confesse : je l’ai écrit rapidement, juste après une discussion avec ma femme sur le sujet, en mêlant de façon peu clair humour et sérieux. Je reconnais aussi avoir trop insisté sur des points secondaires, et pas assez sur ce qui me semblait important. Pour ma défense, il semble cependant que j’ai bien fait d’insister un peu sur ces points secondaires, tant ce qui me semblait évident ne l’était en fait pas du tout pour beaucoup de monde. »
@PMalo
>> Merci pour vos fleurs. 🙂 Je reconnais avoir un fort esprit de contradiction. Mais c’est parce que l’enjeu me semble important. En l’occurrence, je partage tout à fait le rejet par Fikmonskov de l’idéologie du genre. En revanche, je ne partage pas les raisons de ce rejet. Aussi, lorsque j’interviens, ce n’est pas tant pour le plaisir de contredire que pour apporter, comme vous le dites, les nuances qui me paraissent nécessaires, afin de donner un tableau plus réaliste, par intégration de la complexité. Pour moi, il n’y a pas à choisir entre l’idéologie de la loi naturelle et l’idéologie du genre, parce que les deux pèchent par absolutisme. Je préfère les faits, même si cela implique des conclusions moins définitives. Et une telle démarche peut même avoir des conséquences politiques : d’expérience, j’ai rencontré peu d’interlocuteurs qui, après quelques patientes explications, ne ramènent pas leur position première, toute métaphysique, à une position plus conforme avec la réalité empirique, dans sa multiplicité mouvante. Après, je crois qu’il y a quand même un amour très français pour les idéologies, les systèmes, au mépris d’un pragmatisme de bon aloi. De nombreux sujets abordés sur ce blog pourraient être traités beaucoup plus sereinement qu’ils ne le sont actuellement dans notre pays, tant par les politiques que par les citoyens.
Clairement, ce qui me gène, c’est que vous voyez en moi un idéologue, et ce à chaque commentaire, alors qu’il me semble que je ne cesse de prouver le contraire.
Et à la longue, ça finit par brouiller l’écoute 😉
@Fikmonskov
>> Disons pour être exact que je vous considère comme un idéologue contrarié : vous avez votre petite idée sur tout un tas de sujets – ce qui transparaît clairement quand on vous lit – mais vous avez aussi l’honnêteté intellectuelle de prendre en compte ce qui contredit votre préjugé, ce qui est tout à votre honneur. Seulement vous n’allez pas jusqu’au bout, préférant, par crainte sans doute de n’avoir plus rien à quoi vous raccrocher, adopter la position de repli que je résumerais par cette expression : « oui mais quand même ». Ce « oui mais quand même » vous dispense de tirer toutes les conclusions utiles à un approfondissement de l’analyse et vous permet de conserver une pseudo-certitude. Ce n’est pas un reproche : nous autres humains avons tous tendance à fuir la dissonance cognitive comme la peste parce qu’elle n’est pas confortable pour nos cerveaux limités. Mais l’on peut y remédier par une ascèse intellectuelle et ainsi apprendre à tolérer l’incertitude et intégrer la complexité du monde.
C’est beau ce que j’écris, non ? Et j’ai même pas picolé ! 😀
Bonne soirée.
Vous devriez picoler : bientôt vous n’aurez plus le droit 😉 Je vous remercie de bien vouloir me reconnaître un peu d’honnêteté intellectuelle, et j’en resterai là. Pour aller picoler, eh oui 🙂
Pingback: Najat Vallaud-Belkacem a raison : non, la théorie du genre n’existe pas ! | Le blog de Fikmonskov
Pingback: Vive les stéréotypes ! | Des hauts et débats
Pingback: Les Shadoks, le refus de la différence et le « vivre-ensemble | «Le blog de Fikmonskov
Je ne suis pas d’accord. L’expérience peut contredire des généralités. Je pense de toute façon qu’il faut mettre en avant le cas par cas. La généralisation, c’est un art trop politique.
« Je ne suis pas d’accord. L’expérience peut contredire des généralités. »
Je ne dis rien d’autre. « s’il est nécessaire et vital d’être capable de généraliser, il est tout aussi nécessaire et vital d’être capable de comprendre que des exceptions existeront toujours. » C’est dans mon texte.
« Je pense de toute façon qu’il faut mettre en avant le cas par cas. »
Dans ce cas, vous vous interdisez de réfléchir à rien. Et vous vous interdisez même de rien faire. C’est un choix.
« La généralisation, c’est un art trop politique. » Absolument pas. C’est une nécessité pour survivre, tout simplement.