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Jean-Marc Ayrault envisagerait de ne plus subventionner le Figaro. C’est le Canard Enchainé qui nous l’apprend (d’où mon conditionnel : il faut être fou pour prendre pour argent comptant une info du Canard), via Le Lab d’Europe 1 : « Le Figaro, qui reçoit une aide annuelle de 18 millions d’euros, n’en a pas besoin. Et, dans le cas contraire, Dassault, qui finance ses Rafales avec l’aide de l’Etat, peut payer », aurait-il déclaré.

Dans l’absolu, je suis d’accord : la presse ne devrait pas être subventionnée. Si un journal ne parvient pas à garder ses lecteurs, qu’il crève. En l’occurrence, 99% des journaux français crèveraient, et je n’en pleurerais pas beaucoup. XXI continuerait à publier, la Décroissance aussi, et Bonnets Rouges probablement tout autant, et ça me suffirait amplement. (Hélas, Charlie Hebdo et le Canard survivraient probablement aussi…) Et je ne dis pas ça parce que je ne suis plus journaliste : je le disais avant.

Le problème, c’est que cette déclaration est rendue publique deux jours après qu’on a appris que la TVA de la presse en ligne tombait de 20% à 2,1%. Une baisse demandée depuis longtemps par de nombreux journaux en ligne, certains, Mediapart en tête, se l’étant appliquée depuis plusieurs années. Complètement illégalement, donc, ce qui valait à ses éditeurs de faire l’objet d’un redressement fiscal.

Bizarrement, le gouvernement de monsieur Ayrault a demandé que cette baisse soit votée en urgence, ce qui sauvera probablement Mediapart de la ruine. Mediapart qui devra donc une fière bretelle à ce gouvernement que plus personne ne soutient, ce qui nous permettra de rire encore plus fort quand Plenel jurera qu’il est libre et indépendant. Quand tu dois la vie à quelqu’un, bizarrement, c’est plus compliqué de lui cracher ensuite à la figure. Même s’il le mérite.

Cette menace de Ayrault arrive aussi un peu plus de deux mois après que l’État a délivré l’Humanité d’une dette de 4 millions d’euros.

Vous me direz que c’est parce que ces deux journaux n’appartiennent pas à Dassault. Certes. Mais dans ce cas, qu’Ayrault attaque aussi le Monde, parce qu’on ne me fera pas croire que Pierre Bergé ne peut pas, lui, payer pour sauver son journal. De plus, l’Humanité appartient à 20% à un groupe composé de TF1, de la Caisse d’Epargne et du groupe Lagardère (Source : les infographies de l’Ojim). Ces gens ne peuvent-ils pas eux aussi payer pour sauver l’Humanité, qui est le journal le plus indemnisé de France ?

Bref, le timing est mauvais : quand on vote en urgence une loi pour sauver un journal et quand on offre 4 millions à un autre, on évite dans le même temps de suggérer qu’on veut arrêter de payer un autre journal, ou alors on évite d’en choisir un qui se trouve dans l’opposition. Les gens pourraient conclure des choses et ça jaserait…

* Ce titre est évidemment une allusion à ça.