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Du passé table rase est faite, La fin d'une civilisation, Reconstruire sur des bases solides
Ce texte répond à mon article de propositions pour l’avenir, que je vous invite d’abord à lire en cliquant ici, si ce n’est pas déjà fait.
(Je vous invite également à lire les autres articulets du genre de celui-ci, dont vous trouverez les liens en cliquant ici : ils se répondent tous un peu, tant il est vrai que, comme souvent, tout est lié, et même imbriqué.)
Dans ce texte, je raconte ma vie telle que je l’imagine dans dix ans. Une vie quasi-autarcique, mais pas complètement.
J’ai déjà évoqué la chose dans « la vie en communauté » : il n’est pas question de se couper du monde. Au contraire, le fait de vivre à plusieurs ne sert qu’à se soutenir les uns les autres pour s’ouvrir sur le monde. Cette ouverture est nécessaire, parce qu’on ne peut pas vivre renfermés sur soi-même.
D’abord matériellement : deux ou trois familles ne peuvent à elles seules produire tout ce dont elles ont besoin. Et si on veut en plus sortir un maximum du système monétaire, alors il faut avoir des liens assez forts avec d’autres producteurs pour pouvoir avoir recours au troc.
Mais aussi, de façon plus large : l’idée de tout ça n’est pas de se barrer à la campagne pour créer son petit paradis et laisser le monde crever dehors. Au contraire. Permettez-moi une petite digression.
Je pense que notre civilisation est en train de mourir. Une civilisation, c’est un être vivant : ça nait, ça grandit, ça atteint son âge d’or, puis ça régresse et meurt. Aucune civilisation n’est éternelle. Et malheureusement, une civilisation meurt rarement dans la paix : ses ennemis l’attaquent d’autant plus fort qu’elle décline, et ses enfants, sentant venir sa fin, se disputent son compte en banque, accélérant d’ailleurs sa mort.
Nous ne pourrons pas éviter ça. Le croire serait illusoire et dangereux. Nous pourrons peut-être à peine retarder sa mort, ou la rendre plus paisible, encore que j’en doute assez. Ce que nous pouvons faire en revanche, c’est préparer la naissance de la suivante.
D’où l’ancrage local : nous devons – comme toujours selon nos capacités, nos talents – créer un maillage solide capable autant que possible de résister à la déflagration et sur lequel on pourra ensuite reconstruire. Bien entendu, il faut que ces bases soient cohérentes avec ce que nous pensons être bon et beau.
Ça peut évidemment se faire de plusieurs façons : là aussi chacun doit réfléchir à ce qu’il peut faire. Tout le monde n’est pas capable d’ouvrir une école, comme je l’écrivais dans mon article, ou de récupérer la mairie du village du coin, comme je l’envisage aussi. La majorité se contentera de créer des liens avec les voisins, ce sera déjà une très bonne chose.
Tout ça devra se faire dans le même esprit que la vie en communauté : il faudra se garder de la tentation de ghettoïser, pour au contraire s’ouvrir au maximum. Si les lecteurs de ce blog – et son auteur, évidemment – sont globalement des personnes « bien nées », instruites et curieuses – sinon vous ne seriez pas en train de lire un blog politique et sociologique -, ils ne doivent pas oublier qu’ils ont autant à apprendre du paysan du coin que le paysan du coin n’aurait à apprendre d’eux.
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Voilà, le cycle des propositions est globalement bouclé : je crois avoir dit le plus important. Bien entendu, la réflexion est quotidienne, elle évolue à chacun de vos commentaires. Je vous conseille d’ailleurs plus que jamais de lires les commentaires de tous ces articles : ils précisent certaines choses et lancent d’autres pistes.
Peut-être rédigerai-je un articulet du genre de celui-ci pour préciser les erreurs dans lesquelles il serait facile de tomber, et qu’il faudra pourtant éviter.
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Pingback: "Mais toi, tu proposes quoi ?" Très bien : rêvons un peu et proposons joyeusement ! | Le blog de Fikmonskov
Yep !
Avant que d’être un moyen d’adoucir le crash, l’ancrage local est d’abord une nécessité de bon sens sur tous les plans…
Je me méfie toujours du bon sens : on le retourne assez facilement.
Ma phrase peut certes paraître gratuite.
Mais je peux développer.
N’hésite pas 😉
Pour prendre une mairie, il faudrait trouver un petit village. L’école me paraît facile à créer, encore qu’il faudrait une maison (pour plusieurs niveaux scolaires).
Est-ce que c’est quelque chose de ce genre que tu imagines, un peu comme dans La petite maison dans la prairie, ou chez les Hamish mais en plus ouvert au monde ?
Vivre dans un village me tente moins, en revanche je pense qu’il est nécessaire de vivre pas trop loin d’un. L’école fait partie de mes grands questionnements : j’aimerais pouvoir le faire à la maison, et sinon je pense qu’il est vraiment nécessaire d’avoir le contrôle là-dessus.
Pour le reste, c’est là : https://fikmonskov.wordpress.com/2014/05/17/mais-toi-tu-proposes-quoi-tres-bien-revons-un-peu-et-proposons-joyeusement/ 😉
Ce que vous nous dites de notre civilisation mourante, vous n’êtes pas le seul à le dire et je crains fort que vous n’ayez raison. Mais en ce qui me concerne, je ne serai pas de ceux qui bâtiront celle d’après. Je n’ai pas ça en moi. Cette civilisation qui meurt, c’est celle dont je fais partie, et je m’attarderai dans ses décombres jusqu’à ma propre fin : heureusement, les hommes aussi sont mortels.
Tout ce que j’espère, c’est arriver, peut-être, à constituer une sorte de legs, pour ceux qui viendront après, si tant est qu’ils veuillent sauver des morceaux de notre culture comme le moyen âge a sauvé des morceaux de romanité. Peut-être d’ailleurs qu’ils n’en voudront pas, ceux d’après. Mais je ne le saurai pas, et après tout ce sera leur affaire.
Il me souvient d’un vieil historien qui soutenait que l’établissement du Moyen-Âge dans le Midi s’était fait sur ces bases. Quand la société fut délivrée de l’invasion sarrasine et du despotisme carolingien qui l’avait vaincue, elle manifesta sa soif d’autonomie, d’indépendance individuelle sinon d’horreur pour la « collectivité ».
C’est ainsi qu’en l’an 900, la Septimanie renaissante ne redevint ni gauloise, ni romaine mais wisigothe, au sens où les sols jusqu’au fond des vallons, jusqu’en haut des montagnes, furent redivisés en autant de parcelles que d’ayant-droits, la société entière étant de nouveau attachée à la glèbe dans un maillage de droits et devoirs respectifs réglant la condition de chacun comme au temps d’Alaric.
Le fief avait le pas sur la ville, à l’inverse de la société romaine. Cette force ancrée au sol, nourrie de la sève de la terre, finira dans des cathédrales puis se corrompra…
Je crois que vous êtes dans le vrai, à seulement lire les projections de tous ordres. Sans aller jusqu’aux « fermes blindées » de Soleil Vert, je crois que la dimension de sûreté doit être prise en compte dans le futur. C’est déjà pour cela que les communautés doivent être étoffées.
Continuez à partager ce projet sur votre blog. Merci.
Mat, si les faits vous placent dans cette position de recréer la civilisation suivante, vous n’aurez pas vraiment le choix 🙂 Et j’essaie justement de montrer que ça ne se fera pas seulement à grands coups d’éclats et d’événements historiques, mais aussi par des petites actions quotidiennes à la base. C’est à mon avis une énorme source d’espérance 🙂
CaptainLuck, merci pour ce résumé historique, qui renforce cette espérance : si de la terre sont sorties les cathédrales, alors retournons encore plus vite à la terre 😉 J’ai déjà partagé le plus gros de ce projet, le reste arrivera par plus petites touches, en même temps que ça avancera.
Captain Luck : je vois le Mont Alaric de ma fenêtre 😉
L’étude de la fin de l’Empire Romain et de la renaissance qui s’ensuivit pour arriver à un « optimum civilisationnel » aux XII et XIIIe siècles est en effet passionnant.
Durée : 7 ou 8 siècles… 😉
Assez en phase avec pas mal de vos propositions comme j’ai déjà pu le dire.
J’ai néamoins un peu de mal avec le concept de sortie du système monétaire.
La mise en place de la monnaie a été un progrès fondamental sur le troc et en disant cela, j’ai bien le sentiment d’enfoncer une porte grande ouverte. Le troc à la marge pourquoi pas ? Mais le proner de manière massive me parait absurde. En admettant qu’un grand nombre de gens (ce qui m’étonnerait fort) se mette à vous suivre, ce serait probablement une régression avec une raréfaction des échanges.
Si vraiment, vous ne voulez pas payer d’impot, il existe maintenant des dons déductibles qui vous permet de financer justement autres choses que l’état. Pour la TVA, le travail au black, assez facile justement si on est bien ancré localement peut éviter de payer une bonne partie de la TVA. Mais dans ce cas, on a quand meme bien un échange monétaire meme si il se fait sous la table.
Que l’état obèse et le système financier, tel qu’il est, courent à leur perte, on est d’accord, que l’on s’intéresse à d’autres moyens d’échanges (création de monnaie locale, bitcoin – je n’ai pas encore compris comment fonctionnait ce truc, mais peu importe -), ok. Mais proner le troc ca me parait tout simplement la meme chose que quelqu’un qui dirait renoncer à la roue.
J’ai parlé de sortie partielle, donc rien qui ne s’oppose à ce que vous dites 🙂
C’est paradoxal cette histoire de sortir, même partiellement, du système monétaire. Outre le recul que serait effectivement une généralisation du troc, un « noircissement » à grande échelle de l’économie (par le troc où des monnaies alternatives) mettrait à mal l’impôt qui me parait, à l’heure actuelle, le seul réellement juste (même si beaucoup pensent exactement l’inverse) : la TVA. Pas de problème si l’on pense qu’il faut supprimer totalement l’état : ce n’est pas mon cas. Le faire maigrir, certes. Mais sans état qui rendra la justice, assurera la police et la défense nationale, gérera le service public au bon sens du terme (c’est à dire notamment les activités non suffisamment rentables pour qu’elle puissent être privatisées). La TVA est facile à collecter, simple à comprendre, elle est proportionnelle au niveau de vie et donc forcément aux revenus, elle pénalise l’importation … mais elle nécessite que les échanges soient enregistrés, comptabilisés.
Merci pour cet article (et les précédents): j’aime de plus en plus votre blog! 😉 pour ce qui est de la fin des civilisation, Marcel De Corte a écrit un très bel essai sous ce titre, difficilement trouvable, mais d’un noir et clair réalisme, d’un optimisme sans concession qui m’avait beaucoup éclairé. bonne continuation.
Pingback: Que faire de toutes ces histoires, une énième antienne de révolte ? Allez pourquoi pas… | djefbernier
On retrouve un thème et des réflexions analogues ici.
http://www.lecontrarien.com/2014/06/11