Les Suédois trouvent que la démocratie n’est pas si indispensable que ça. Oh, comme c’est vilain ! Pour faire réfléchir les Suédois, d’autres Suédois ont décidé de lancer une émission de téléréalité pour montrer à quel point la dictature c’est moche, pour que les Suédois réalisent que la démocratie c’est cool.
Oui, parce qu’entre dictature et démocratie, il n’y a rien. Que dalle. Adolf ou Hollande, pas d’alternative.
Le concept est particulièrement osé. Les yeux bandés, les oreilles bouchées, huit jeunes Suédois âgé de 18 à 24 (quatre filles, quatres [sic] garçons) ont été conduits, puis enfermés dans un hôpital désaffecté où ils se retrouvent obligés de vivre pendant huit jours, privés de leur liberté individuelle, sous l’autorité d’un dictateur invisible.
On frémit. Milgram n’a qu’à bien se tenir.
Au cours de leur journée, les candidats sont contraints de réaliser des tâches répétitives et sans intérêt (comme classer par couleur des trombones). Dans le même temps, le téléspectateur peut voir sur son écran des images des conditions de travail dans les goulags ou les mines de diamants africaines.
Ah quand même. Classer des trombones par couleur. Quelle horreur ! C’est vraiment dictatorial, ça. Pour rappel, classer des trombones, c’est ce qu’on faisait avant Internet quand on s’ennuyait profondément dans son travail de vendeur de stylos-bille, de visseur d’écrous sur une chaine automobile ou de monteur d’émissions débiles pour la télévision. C’est dire si ça évoque à coup sûr la dictature.
Et puis franchement, comparer ça au goulag ou aux mines d’Afrique, c’est tellement une preuve qu’on ne prend pas les téléspectateurs pour des abrutis. Si bien que quand les producteurs précisent que
Le but est évidemment de faire réfléchir le public
… on a vraiment envie de les croire.
Mais le plus drôle n’est pas là. Le plus drôle est dans ceci :
Dès leur arrivée, les huit candidats ont notamment dû choisir cinq objets de la vie quotidienne qui leur paraissaient être indispensables à chacun pour la durée de cette étrange expérience. Leur décision impliquait de considérer les besoins de chacun.
Ils ont donc commencé leur expérience par… une prise de décision démocratique. Un départ totalement cohérent, dont le résultat est néanmoins riche d’enseignements :
Ils ont préféré le maquillage au papier toilette.
Pas de doute, les producteurs ont atteint leur but. Non ? Vous trouvez qu’ils ont plutôt réussi à montrer que la démocratie consistait surtout à prendre ensemble des décisions qui laissent chacun dans sa merde ?
Vous êtes caustiques…
(Source)
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Il y a encore mieux que l’expérience de Milgram,
celle de Stanford bat tout les records !!! obligé de l’arrêter en cour tant elle commençait à ressembler aux 120 journées !
« Vous trouvez qu’ils ont plutôt réussi à montrer que la démocratie consistait surtout à prendre ensemble des décisions qui laissent chacun dans sa merde ? » : certes, mais jamais sans la couche de maquillage qui la rend appétissante…
Il faut croire que je suis caustique, par moments.
En y réfléchissant, est-ce que toutes les télé-réalités ne sont pas des simulacres de dictature ?
– des personnes sont plus ou moins enfermées ou du moins voient leur liberté réduite
– sous la coupe d’un pouvoir totalement arbitraire (« la prod » !)
– qui peut leur faire faire n’importe quoi (jeux débiles, privation de ceci ou celà, …)
– et qui a droit de « vie ou de mort » sur eux (élimination, mise à l’écart, … et même résurrection !)
– celui ci étant souvent non en fonction de ce que font les candidats mais de ce qu’ils sont !
« Hunger games » raconte vraiment une dictature futuriste. Dans le jeu télévisé de télé-réalité qui anime ce roman en 3 tomes, les jeunes participants doivent s’entre-tuer. Leurs noms sont tirés au sort dans un récipient. Parallèlement, les habitants souffrent de la faim, vivent dans des districts comme en Ukraine sous la famine de 1932-33 et doivent fournir leurs productions à l’état. Ils sont surveillés en permanence et ont la télévision obligatoirement allumée chez eux à certaines heures. Et comme en Ukraine sous l’époque soviétique, ils ne choisissent pas le logement qui leur est attribué.
Une famille peut recevoir des denrées, par exemple pour un mois, à condition que l’ado de la famille ajoute son nom sur un papier dans le récipient. Ce qui multiplie ses chances d’être tiré au sort pour les Hunger Games. On est loin du classement des trombones ! ^^
ACBonCoin, c’est très juste, et c’est ce qui rend la « démonstration » encore plus ridicule.
Sophie, à mon avis il n’est pas besoin d’aller si loin. C’est justement tout le problème : si une dictature, c’est quand « les gens ont froid et porte des bonnets en fourrure » (OSS 117), on s’évite toute réflexion de fond.
Pour moi, Hunger game est du même niveau que ce dont je parle dans mon texte : du vent, de la poudre aux yeux, de la diversion.
« 1984 » montre une autre dictature, bien plus réalisable celle-là, sans rien de tout ça. Au contraire : tout le monde y est pleinement heureux et personne ne manque de rien.
C’est ça, la dictature dont on se rapproche le plus aujourd’hui. Et c’est ça qui me fait peur.
Euh ms’ieur Fik c’est plutôt « le meilleur des mondes » où tout le monde il est heureux à grand renfort de sexe, drogues et loisirs … parce que dans « 1984 » c’est quand même pas folichon !
Ah ben oui, dites.
Bon, je me tais.
La confusion sur le titre n’enlève rien à la justesse de l’analyse (sans vouloir être fayot).
Nous tendons vers « Le meilleur des mondes », sans aucun doute :
– dissociation totale des fonctions sexuelles (ramenées à un loisir) et reproductrices
– paradis artificiels : drogues, consommation
– mépris total des (rares) opposants
etc.
Si si, soyez fayot, vous avez beaucoup à vous faire pardonner 😉
C’est évident, on s’en approche de plus en plus. Une pensée m’est venue hier à ce sujet, elle sera l’occasion d’un petit article dans le WE.
@philippe
on peut aussi faire le parallèle avec l’expérience et le film « la vague » où un prof a reproduit les mécanismes de soumission et d’intimidation nazis sans que les élèves s’en rendent compte
À propos de la Vague : https://fikmonskov.wordpress.com/2012/12/14/une-impression-vague-et-desagreable-et-recurrente/
Ça rejoint un peu ma réflexion en cours, d’ailleurs.