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Avortement : quelle liberté pour la femme en recherche ?, C'est habile Bill, Le cordon de BigFlo & Oli, Méthodologie du promoteur du grand n'importe quoi
Cette vidéo commence à circuler pas mal dans les réseaux « cathos », et plus largement « pro-vie ». Je l’ai reçue une fois par mail, je l’ai vue partagée 3 ou 4 fois sur Facebook par des anonymes et autant par des « personnalités » largement suivies, et elle est même apparue sur un agrégateur de contenus bien connu.
« Les paroles méritent d’être écoutées », indique celui-ci. C’est vrai. Elles méritent aussi d’être lues, ce qui n’a apparemment pas été fait.
Les voici.
J’aurais pu être un grand artiste, un prix Nobel ou un bandit
Naître dans tes bras, voir dans tes rides à quel point j’ai grandi
Tes battements d’cœur me font imaginer ton sourire
Je vivrai dans ton monde main dans la main avec tes souvenirs
Laisse-moi t’appeler « maman », c’est pas souvent, c’est vrai
Je veux une place au soleil dans ton jardin secret
Pourquoi t’as pas voulu de moi ? Tu dois avoir tes raisons
Y’avait sûrement pas assez d’place dans notre petite maison
Sèche tes larmes, j’suis qu’une graine qui n’a pas pris racine
J’me connais pas et, toi, maman, dis-moi comment tu m’imagines
J’étais trop pressé, c’était p’t-être trop tôt
À mon souvenir, accroche sur l’mur un cadre sans photo
Décris-moi la vue de ta chambre, chante pour m’réconforter
Parfois, je ris en imaginant le nom que j’aurais porté
La mort, la vie : j’y connais rien, quand j’y pense, je m’y perds
J’le verrai jamais mais, s’te plaît, maman, fais-moi un petit frère
Retiens juste mon amour, profite, va faire un tour
Tu serais peut-être bien plus triste si j’avais vu l’jour
J’aurais p’t-être claqué la porte et tout foutu en l’air
Gâcher nos vies en un éclair, d’ailleurs, où est mon père ?
La mer, les fleurs, le soleil, les amis, les anniv’ ratés
La tristesse, la peur : je ne connaîtrai jamais
Ça fait quoi d’respirer ? Parle-moi, j’veux pas te voir en pleurs
Tu ne m’as pas gardé dans ton ventre, mais laisse-moi une place dans ton cœur
Maman, comment c’est, dehors?
L’amour fort que nous nous portons
Je suis ni vivant ni mort
Mais je sens encore le cordon
Mon enfant, tu sais que j’t’adore
Et je te demande pardon
Je n’ai ni raison ni tort
Et je sens encore le cordon
D’abord, maman, on t’aime, ça, faut qu’tu le saches
Je pense tous les jours à toi en m’regardant dans la glace
Tu me ressemblerais, j’entends ton rire dans mes rêves
Et je ressens un grand vide quand le matin se lève
Mais tu ressemblerais à ton père, ce lâche nous a abandonné
Faut dire qu’à cette époque, on était tous un peu paumés
Et ça m’a fait d’la peine, son sang coulerait dans tes veines
Et, moi, je l’aimais comme je t’aime
Je suis jeune, j’ai toujours pas une thune
J’ai toujours pas fini mes études, et je suis seule
J’étais pas prête à t’accueillir, j’ai du mal à m’en sortir
Et depuis qu’il n’est plus là, c’est encore pire
Entre les cahiers et les couches, le loyer et les cours
J’me serais noyée dans mes journées, broyée par les coups
J’ai dû faire un choix, sans toi, au bord de la falaise
J’ai préféré ne pas être mère qu’en être une mauvaise
Je nous vois dans un parc, la boue sur les chaussures les éclaboussures, à avoir peur du temps qui passe
Tu me tiens par la main, tu me parles avec les yeux
Je n’entends plus personne, je ne sens que nous deux
Et j’voulais pas que tu galères, que tu connaisses mes fins de mois
Et puis ton père serait sûrement souvent bien plus absent que toi
On se retrouvera à la prochaine
Je ne t’ai pas donné la vie pour pas tu n’aies pas à vivre la mienne
Premier problème : certains voient dans ce dialogue enfant/maman une preuve que l’enfant n’est pas considéré comme « un amas de cellules », et donc une bonne raison de partager la chanson.
« J’suis qu’une graine qui n’a pas pris racine », « accroche sur l’mur un cadre sans photo », « Parfois, je ris en imaginant le nom que j’aurais porté », « La mort, la vie : j’y connais rien », « Je suis ni vivant ni mort ».
L’enfant n’est effectivement pas « un amas de cellules » dans ce texte. Mais c’est encore pire : il n’est rien, il n’existe pas. Il n’a ni nom ni image ; il ne connait même pas la vie. Nous sommes face à un enfant qui n’a même pas vécu, et donc certainement pas face à un enfant mort. [Ce qu’il est pourtant, de fait.] Nous sommes face à une idée d’enfant, à un concept d’enfant.
Je ne suis pas sûr que ce soit mieux d’être un concept qu’un amas de cellules. Au moins celles-ci sont-elles vivantes.
Deuxième problème : pourquoi l’enfant parle-t-il à sa mère ? Avant tout pour lui donner des excuses. Et quelles excuses : « Pourquoi t’as pas voulu de moi ? Tu dois avoir tes raisons, Y’avait sûrement pas assez d’place dans notre petite maison », « J’étais trop pressé, c’était p’t-être trop tôt », » Tu serais peut-être bien plus triste si j’avais vu l’jour, J’aurais p’t-être claqué la porte et tout foutu en l’air, Gâcher nos vies en un éclair, d’ailleurs, où est mon père ? »
On peut se laisser tromper par certaines phrases, comme « Parle-moi, j’veux pas te voir en pleurs » ou « s’te plaît, maman, fais-moi un petit frère, Retiens juste mon amour, profite, va faire un tour », et lire dans ce texte un pardon donné de l’enfant avorté à sa mère, et un appel à continuer à vivre malgré la culpabilité.
Mais de pardon, de fait, point : l’enfant ne fait que justifier sa mère, avec les arguments habituels, « ça aurait été trop dur », « c’était pas le moment », etc. Et la mère elle-même, s’adressant à son enfant, ne fait que se justifier, tout aussi faiblement : de « Mais tu ressemblerais à ton père, ce lâche nous a abandonné » à « J’ai préféré ne pas être mère qu’en être une mauvaise », ce sont 12 vers de justifications, copiées-collées de celles qu’on lit en permanence quand on débat sur le sujet.
Et la seule fois où elle demande pardon, elle enchaîne sur « Je n’ai ni raison ni tort ». De quoi alors demande-t-elle pardon ?
Ce qui amène un troisième problème : cette chanson prétend parler d’amour, de l’amour de l’enfant pour sa mère et inversement. « Retiens juste mon amour », « Tu ne m’as pas gardé dans ton ventre, mais laisse-moi une place dans ton cœur », « L’amour fort que nous nous portons », « Et, moi, je l’aimais comme je t’aime ».
Mais quel est-il, cet amour qui pousse la mère à supprimer celui qu’elle aime ? Quel est-il, cet amour qui passe son temps à chercher des excuses au mal ? Un amour vrai aurait exigé une vraie demande de pardon, et un vrai pardon donné. Nous en sommes bien loin.
Pour ces trois raisons – et sans doute quelques autres que j’oublie parce que j’écris cet article un peu vite –, je ne comprends pas comment des catholiques ont pu partager cette chanson sans le moindre commentaire invitant à la prise de recul. Si cette chanson peut être un outil pour lancer une discussion sur le sujet, il est injustifiable de la partager nue, sans analyse. D’autant moins qu’effectivement les paroles peuvent tromper un auditeur distrait ou prompt à s’enflammer pour ce qu’il croit être une chanson partageant ses vues.
De fait, cette chanson propage le pire de notre époque, sur ce sujet comme sur d’autres (le relativisme forcené des deux personnages – « Je suis ni vivant ni mort » / « Je n’ai ni raison ni tort », qui se répondent – est une des plaies de notre temps). La partager imprudemment relève à mon avis de la faute grave.

Sur le même sujet, une œuvre d’art infiniment plus juste – et plus belle : « The child that was never born », de Martin Hudáček.
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Ajout le 7 mai :
Pour moi cette chanson n’est pas un dialogue enfant (mort) / (non-)mère. C’est une dialogue entre la mère et elle-même, qui se cherche des justifications et les fait dire à son enfant pour se rassurer. C’est une auto-justification égoïste de la mère, qui a besoin « d’entendre » son enfant lui dire qu’elle a bien fait.
Parce qu’un enfant ne pourra jamais dire tout ça.
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Ajout (bis) le 7 mai : une belle chanson sur l’avortement, belle et juste.
L’enfant, là aussi, parle. Mais pour dire quoi ? Pour pardonner à ses parents, et dire qu’il les aime quand même. Aucune excuse, aucune justification des parents (le scandale est raconté, comme un scandale, pas comme un détail pas si grave que ça) : juste un pardon final, déchirant.
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Ce texte n’est pas libre de droit. Si vous voulez le partager à vos lecteurs, un lien suffit. Le copier/coller tue l’information (plus de détails ici) et est passible de poursuites. Je n’hésiterai pas à faire valoir mes droits, qui que soit le copieur.
OK, ce n’est pas une chanson pro-vie. Mais concrètement, je ne vois pas bien ce que ça va changer pour ceux qui l’écoutent, s’ils sont déjà convaincus d’un côté ou de l’autre. Ca fait une différence pour les indécis, c’est un outil de propagande supplémentaire, mais pour les autres ?
Merci, j’espère que ça fera éclairera ceux qui ont peut-être partagé un peu vite dette chanson. A y regarder de plus près, ce texte est pleins de petits trucs qui trahissent une vision en effet complètement relativiste et désintéressée de l’enfant.
« J’ai dû faire un choix, sans toi, au bord de la falaise
J’ai préféré ne pas être mère qu’en être une mauvaise »
Quel choix ! Déjà, c’est un non choix puisqu’il y a d’office une bonne décision et une mauvaise qui mène à la falaise ! Donc si je comprends bien accepter cet enfant est comparé à une chute mortelle si ce n’est à un suicide. Et puis, le choix visiblement n’est pas de donner ou non la vie, encore moins de laisser vivre ou de tuer, mais d’être mère ou non… C’est donc la mère l’unique sujet, l’enfant ne compte pas, ou uniquement dans l’imagination ou en tant que ce cause de sa possible maternité. Si l’enfant comptait tant que ça, la question ne se poserait pas : quel enfant éduqué dans des conditions difficiles vient dire à ses parents un jour « tu aurais du m’avorter, t’as été une mauvaise mère » ? Plutôt abandonner cet enfant plutôt que d’être une mère imparfaite ! Je crois que plus que la vie difficile que cet enfant pourrait avoir, c’est sa propre faiblesse que cette mère ne peut accepter. C’est à la fois égoïste et orgueilleux (ce qui n’enlève rien à la souffrance de la situation), et c’est on ne peut plus contemporain !
Laure, si c’est partagé par des pro-vie convaincus et suivis par beaucoup d’autres moins calés, ça peut induire ceux-ci en erreur.
De plus, la masse des indécis est à mon avis la plus importante : les convaincus, d’un côté ou de l’autre, sont minorités. Ce sont donc ces indécis qu’il faut toucher.
Walkelin, c’est effectivement un des points que je n’ai pas pu aborder, ayant écrit ce texte au boulot, donc trop vite.
Pour moi cette chanson n’est pas un dialogue enfant (mort) / (non-)mère. C’est une dialogue entre la mère et elle-même, qui se cherche des justifications et les fait dire à son enfant pour se rassurer. C’est une auto-justification égoïste de la mère, qui a besoin « d’entendre » son enfant lui dire qu’elle a bien fait.
Parce qu’un enfant ne pourra jamais dire tout ça, comme tu le fais remarquer.
Une bonne chanson sur l’avortement, c’est ça : https://www.youtube.com/watch?v=RoN6J-myj-4
L’enfant, là aussi, parle. Mais pour dire quoi ? Pour pardonner à ses parents, et dire qu’il les aime quand même. Aucune excuse, aucune justification des parents : juste un pardon final, déchirant.
Bien sur que l’enfant pourrait excuser sa mère la preuve j’aurais tout à fait excusé la mienne si elle avait choisit de m’avorter plutôt que de vivre la vie qu’elle a du vivre du fait de ma naissance car oui quand on eSt un enfant non désiré initialement on le ressent toutes sa vie malgré l’amour que notre mère nous donne on sait qu’on a gâché un peu sa vie et on se sent fautif qu’elle est du tant souffrir pour nous donner la vie…alors oui pour moi un enfant pourrait pardonner de ne pas être venu au monde car de toute façon qui veut reellement venir au monde dans un monde aussi fou que le notre je me le demande 😥
Le problème de votre commentaire, c’est que vous confondez les mots « excuser » et « pardonner ».
Excuser, c’est trouver de bonnes raisons à l’acte de la personne qui vous a fait du mal. Or il n’y a jamais de bonnes raisons de supprimer un enfant. Il y en a parfois de compréhensibles, mais de bonnes jamais.
Pardonner, c’est avoir conscience qu’on vous a fait du mal, et décider d’aimer quand même la personne qui vous a lésé.
Si on relis l’article et qu’on écoute les deux chansons, celle de Bigflo et Oli d’une part et celle des Frères Martineau d’autre part, on constate que dans la première la mère ne fait que se chercher des excuses, et que son enfant en fait de même. Dans la seconde au contraire l’enfant dit qu’on lui a fait du mal, le hurle de façon déchirante, mais dit aussi qu’il aime quand même ses parents qui l’ont supprimé.
C’est toute la différence. Je crois aussi très sincèrement qu’un enfant avorté peut pardonner à ses parents (c’est d’ailleurs ce que je vois dans la sculpture partagée en bas de l’article), mais en revanche qu’il est absurde et dangereux de croire qu’il puisse les excuser, c’est-à-dire considérer qu’après tout ce n’est pas bien grave si on lui a pris sa vie, ce qu’il a de plus infiniment précieux.
C’est exactement ce que je dénonce dans cet article.
Depuis quand les hommes se permettent de donner des jugements sur l’ivg (ah oui depuis toujours) alors que quand beaucoup y sont confrontés, ça veut pas garder l’enfant et assumer mais ça vient pas non plus au rendez vous pour l’ivg. A quand une chanson sur le détachement masculin à ce sujet? Des fois on dirait l’ivg c’est juste à cause des femmes, c’est elle qui porte tout le poids des jugements et de la souffrance aussi bien physique que psychologique. Et oui on peut aimer l’être qui se forme dans notre ventre et avorter parce qu’on a pas de situation et oui les accidents de contraception existent d’ailleurs c’est plus facile la contraception pour messieurs qui n’ont pas des hormones néfastes pour leur santé à avaler. La vierge marie c’est dans le nouveau testament en vrai on tombe pas enceinte par le saint esprit donc y’a deux responsables et non coupables comme vous avez l’air de le penser. Des fois vu la connerie de certains je me demande si plus de femmes n’auraient pas dû avorter tien 😀 Pas la peine de répondre je ne le saurai pas, je préfère pas être emmerdée par des croyants fous.