Une amie institutrice assistait ce matin à Une réunion de rentrée pour appréhender l’enseignement en REP (« réseaux d’éducation prioritaire« ). En gros, c’est les nouvelles ZEP. Oui, parce que si on ne change pas de jargon tous les cinq ans, ça marche pas. Enfin, ça marche encore moins bien.
Ses publications facebook nous ont permis de suivre la chose avec intérêt. Et de confirmer que l’Educ’Naz’ va mal, très mal.
Je vous les offre tels quels.
« Le maître-mot de la journée, c’est l’interaction. »
Magnifique. Ça commence fort.
« On a de la chance, on peut avoir des assistants prévention sécurité. »
Ouf. On est sauves.
« On a également des référents-formateurs pour les temps de concertation. »
Magique. Magique. Magique.
« Il faut amener l’élève. L’amener à ce qu’il devrait tendre pour devenir. »
Quelqu’un a du cyanure?
« Essayez d’identifier les leviers. »
« Faites des feedbacks, si vous ne vous sentez pas secure. »
« Être un facilitateur et un impulseur de confiance. »
Moment vérité: « Utilisez des codes-couleurs pour les parents qui ne parlent pas français ».
Moments « on vous prend pour des cons mais sur un malentendu, ça peut marcher « : -« Vous verrez que 99% des parents vont dans votre sens. »
-« Sachez que vous avez de la chance d’aller en REP. » [C’est sans doute pour ça que quasiment personne ne veut y aller et que quasiment tout le monde veut en partir]
-« On ne parle pas de réforme, on parle de refonte » [cf: la galinette cendrée, le bon chasseur et le mauvais chasseur?]
-« Moi je suis la pour vous dire ce qu’il faut pour que vous ayez envie. Un maximum d’envie . » [Johnny, on avait dit que c’était ta dernière .]
Moments « je vais quand même devoir dire un peu la vérité »:
-« Votre difficulté principale, mmmm, ce sera d’installer, mmm, votre autorité entre des élèves qui, mmm, eh ben ils n’ont pas forcément les mêmes codes que vous. »
-« Il y a encore, je dirais, certaines cultures, voilà, où, bon, disons qu’on donne encore pas mal de coups aux enfants, mmm. Alors il faut être, mmm, dans la bienveillance, mmm. Par exemple quand vous mettez une appréciation, n’oubliez pas qu’en face, comment dire, le parent n’est pas dans la même émotion que vous. »
Moments « je suis IPR [ndlr : Inspectrice pédagogique régionale] mais je viole le français a chaque phrase » :
-« Ce que je me suis aperçu, aussi »
– « Ça questionne votre envie d’apprendre et d’innover. »
– « Moi je passe beaucoup par la médiation du dialogue. »
Moment « je suis officier, tu es un pioupiou en bas de l’échelle alimentaire. J’ai foiré totalement ma stratégie, mais tu vas mourir pour une si belle cause que je suis sûre que ça te console de crever bêtement » :
– « Ça fait 30 ans que l’éducation prioritaire existe. Ça n’a pas marché donc la nation compte sur vous »
SIC. Et personne n’a bronché. Personne. Même pas sur le mot nation. C’est donc à cet instant précis, chers auditeurs, que j’ai décidé de me casser et de rendre l’antenne, au grand dam de mes petits collègues.
« Bon, je n’étais pas ravi d’être nommé dans ce college, Parce que, bon, en fait la moitié de l’établissement avait brûlé pendant les émeutes, et puis, bon, j’étais nommé comme TZR mais j’ai du attendre octobre pour avoir une classe et puis, bon, on m’avait aussi demandé de veiller à la discipline Parce qu’il y avait eu des sortes de viol, enfin, des sortes d’agressions sexuelles, quoi. »
Des viols, kwa. Mais bon, « agressions sexuelles », ça sonne moins invasif, moins chanmé. Et puis ça fait rire les intervenants de la table ronde.
Parce qu’une agression sexuelle, dans l’absolu, c’est marrant, nan ?
« La dame, là, elle a une question.
-Oui, je voudrais savoir si être professeur principal en REP+, c’est très différent de l’être en collège normal.
-Votre chef d’établissement vous donnera une fiche, normalement, a la réunion de pré -rentrée. »
J’aurais pu lui dire, moi, ce que j’ai vu du boulot de PP en REP+. De cette PP obligée d’assister à une réunion avec un imam local, qu’on avait convoqué pour expliquer à des parents que leur islam fanatique n’était pas le bon (laïcité , dans le cul, Lulu).
De ce PP chargé de surveiller une élève qui taillait des pipes dans les WC contre de la beuh sonnante et trébuchante.
De cet autre PP qui est allé enseigner à l’étranger, parce qu’il en avait marre qu’on n’exclut pas un élève qui se masturbait tranquillou, après déjà 2 conseils de discipline.
Mais nan. On te donnera une fiche, ma poule. Une fiche. Des formateurs-médiateurs. Des référentiels. Des mutualisations-ressources. Des actions pédagogiques. Des évaluations diagnostiques.
Et si jamais ça ne marche pas, fais comme une de mes collègues qui, un soir, a avalé trop de comprimés et a fini en clinique. Mais elle avait du mal assurer au niveau du pilotage local des apports des académies, faut croire.
« On m’a dit, faut pas aller enseigner en ZEP, y a que des Noirs et des Arabes. Mais les gens qui me disaient Ca, ils ne m’avaient pas bien regardée. » [une enseignante d’origine quelque chose]
Très rassurant pour ceux qui ne sont pas d’origine quelque chose.
Je crois que ça se passe de commentaire.
Et votre amie « institutrice » n’a pas eu le bon sens de se lever dans grand éclat de rire ? Vous pensez vraiment qu’on peut prendre ce tas d’idioties pour la réalité d’une réunion de travail ? Je suis instit dans une REP, j’ai moi aussi participé à une réunion de pré-rentrée et, faites moi confiance, les problèmes que nous avons évoqués étaient autrement abordés !
Je trouve cela crédible pour ma part. Ça me rappelle un peu Zoé Shépard.
de passage : « …Je suis instit dans une REP, j’ai moi aussi participé à une réunion de pré-rentrée et, faites moi confiance, les problèmes que nous avons évoqués étaient autrement abordés ! .. »
Audiard : « J’ai été bistrot, militant socialiste et ancien combattant, alors c’est vous dire si des conneries j’en ai entendues! »
Bon je vous présente mes excuses pour cette mise en boite qui peut s’assimiler à un coup bas.
Plus sérieusement,vous, peut-être, avez encore le courage et mordant de faire ce que vous suggérez. Mais je ne jette aucunement la pierre à ceux qui se taisent au fond de la salle et font ensuite au mieux dans cette pétaudière innommable qu’est devenue l’éducation nationale.
C’est louable de vouloir défendre encore l’institution dont vous êtes membre, mais je la crois perdue à cause de décennies de marxisme culturel.
@de passage : Cette amie pleine de bon sens, qui est en fait prof au collège, mais, dans le fond, cela ne change pas grand chose, s’est effectivement levée à la fin de cette matinée. Mais pas pour rire, il n’y a franchement pas lieu. Pour partir. Et elle n’a pas caché qu’elle n’était pas prête à avaler n’importe quoi et perdre son temps d’avantage à cette prétendue réunion de travail.
Elle n’est pas de ceux qui se taisent, c’est clair. Et elle n’est pas non plus de ceux qui vivent dans le monde des bisounours.
Et comme elle ne se tait pas et ne vit pas dans un conte de fée, elle partage très régulièrement les aberrations dont elle est témoin.
Elle se bat pour relever le niveau d’une institution, peine perdue, elle se bat du moins pour les élèves dont elle a la charge.
Elle ne se gargarise pas de ces horreurs par plaisir ou pour se faire mousser, et encore moins pour ne pas allier l’action à la parole.
Euh… Fik, juste que l’institutrice en question est prof de lettres classiques. Pour le reste, rien à ajouter.
Nicolas : « Je trouve cela crédible pour ma part. »
C’est gentil de me faire confiance à ce point 😉 C’est complètement réel, je peux l’affirmer, déjà parce que cette amie n’a pas l’habitude de raconter des conneries, ensuite parce que ma femme a subi le même genre de choses.
Et vous n’êtes pas le premier à le dire, d’ailleurs… Après je ne suis pas sûr que ce genre de réunions bidons soit spécifique au monde de l’enseignement en REP… Ils sont nombreux les « crétins diplômés » dont personne ne connaît vraiment l’utilité, qui font des simulacres de réunions sérieuses lorsqu’ils ne sont ni en congé ni en arrêt.
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A reblogué ceci sur No One Is Innocent…et a ajouté:
Ne vous demandez plus pourquoi notre école est si mauvaise…