Une amie m’envoie le texte suivant. Je n’ai rien à y ajouter, rien à y retrancher. Je vous le livre tel quel.
Comme chaque année, des milliers d’étudiants ont tenté de décrocher le sésame pour accéder aux fonctions d’enseignement, le fameux Capes. Étant moi-même candidate au concours, je tenais à dénoncer un recrutement écœurant qui ne laisse que peu de place à notre idéal d’enseignant.
Description d’un concours plus que contestable : le jury du CAPES détermine à l’avance un programme de révisions sur trois « questions » d’histoire, et trois « questions » de géographie (les sociétés coloniales des années 1850 aux années 1950, La France en villes…), auxquelles s’ajoute un module « Agir en fonctionnaire de l’état de façon éthique et responsable ».
En effet, le référentiel des Dix compétences du professeur étudié dans le cadre de ce module hiérarchise les compétences exigibles du futur professeur certifié :
1. Agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et responsable
2. Maîtriser la langue française pour enseigner et communiquer
3. Maîtriser les disciplines et avoir une bonne culture générale
4. Concevoir et mettre en œuvre son enseignement
5. Organiser le travail de la classe
6. Prendre en compte la diversité des élèves
7. Évaluer les élèves
8. Maîtriser les technologies de l’information et de la communication
9. Travailler en équipe et coopérer avec les parents et les partenaires de l’école
10. Se former et innover.
Il est déjà curieux de voir qu’au vu de cette hiérarchie, il est plus important pour l’état de disposer de bons petits fonctionnaires obéissants que d’enseignants maîtrisant la langue française.
Mais le scandale va plus loin. Lors des oraux d’admission au Capes, les candidats présentent deux épreuves : la première dite de « leçon » (trente minutes d’exposé sur un sujet tiré au sort suivies de trente minutes d’entretien) et la seconde dite « épreuve sur dossier ».
Cette épreuve sur dossier se déroule en deux temps :
– vingt minutes de réflexion et analyse sur un sujet en histoire ou en géographie (selon la matière non présentée à la leçon) à partir de trois documents, suivies de vingt minutes d’entretien ;
– dix minutes de réflexion et analyse sur un quatrième document se référant à cette fameuse compétence « agir en fonctionnaire de l’état de façon éthique et responsable ».
Cette année, le jury a poussé l’idéologie ambiante à son paroxysme. Le sujet posé à de nombreux candidats le lundi 16 juin posait ainsi deux questions à l’épreuve sur dossier en géographie :
– L’étude des discriminations, notamment de sexe et de genre, est-elle pertinente pour aborder les conflits en géographie ?
– En quoi les luttes contre les stéréotypes filles-garçons participent-elles à régler les situations conflictuelles ?
Outre l’absence de lien direct avec les compétences en géographie des futurs enseignants, les documents à l’appui étaient d’une rare objectivité : préface de l’ouvrage Genre et construction de la géographie, extrait du rapport remis en janvier 2014 à Najat Vallaud-Belkacem pour la lutte contre les stéréotypes du genre… Aucune place n’est laissée à la réflexion, dans la mesure où les questions et les documents sont trop orientés et partisans pour permettre un débat contradictoire.
Nous sommes nombreux à avoir eu ce sujet : c’est donc bien la ligne officielle de recrutement des profs et non un dérapage d’un examinateur un peu trop zélé.
C’est donc officiel. Le changement de civilisation promis par Mme Taubira et le changement des mentalités voulu par M. Peillon passent par l’école. École dans laquelle les professeurs seront cette année sélectionnés non en fonction de leurs compétences disciplinaires et pédagogiques, mais bien en fonction de leur adhésion à une idéologie d’État.
Mais heureusement, « la théorie du genre n’existe pas ». Me voilà rassurée.
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DF a dit:
Rien de neuf au fond: je pense que vous aussi, lorsque vous étiez aux études, vous sentiez dans quel sens devait aller le développement et la conclusion d’un tel sujet (dissertation, développement oral, commentaire composé, etc.)
Ainsi, dans un domaine différent et peut-être moins civilisationnel, ai-je eu, pour mon écrit de musicologie, le sujet suivant, en substance: « exécution musicale et recherche musicologique ».
Au bout d’années d’études et face à un professeur bien engagé dans les recherches musicologiques, difficile de défendre l’avis que la musicologie n’a rien apporté à l’exécution musicale, que les interprétations « réorchestrées » d’un Leopold Stokowski valent tout autant, voire mieux que celles des baroqueux les plus pointus simplement parce qu’elles me paraissent plus fougueuses… etc. Voire de balancer que la recherche musicologique est devenue un corset qui castre la musique au lieu de la vivifier…
Parfois, après coup, je me dis que j’aurais quand même dû avoir le monstrueux culot de prendre le contrepied de la réponse attendue…
Skandal a dit:
A reblogué ceci sur No One Is Innocent….
Letoutou a dit:
Un conseil de vieux routard de l’enseignement : faites semblant pendant 20 minutes en disant au jury ce qu’il veut entendre, pour pouvoir enseigner l’inverse à des générations d’élèves. Le jeu en vaut la chandelle, et 20 minutes c’est vite passé.
Pingback: La théorie du genre s'est aussi invitée au Capes de géographie 2014!!! | Délit d'im@ges
Noix Vomique a dit:
En fait, ces sujets du CAPES sont le reflet d’une mode: car la géographie est sujette à suivre les modes et, tenez-vous bien, il existe actuellement une mouvance queer en géographie.
Ainsi, des géographes, thésards et chercheurs, viennent de découvrir -ô surprise- que la géographie était sexuée et que la vision du monde qu’elle reflétait était celle d’une société patriarcale. Évidemment, ils voient là le signe d’une discrimination. Ils font donc des études, comme celle-ci où ils concluent le plus sérieusement du monde que « les différences de genre entre les chercheurs sont gommées sur le terrain au profit d’un statut neutre du chercheur, en fait plutôt masculin, dans une performance de genre« .
Le postulat scientifique de cette géographie est le suivant: les lieux n’auraient de sens que parce que des corps s’y trouvent. Or ces corps sont l’expression de personnes « genrées » et sexuées, etc. Au final, on est dans l’idéologie: la géographie queer ne cherche rien d’autre qu’à déconstruire la norme hétérosexuelle qui imprègne les différents territoires, blablabla.
Vous l’aurez deviné: les travaux d’un géographe comme Christophe Guilluy sont autrement plus passionnants.
carosalut a dit:
Bof, c’est comme d’habitude, quoi… Moi j’ai voulu passer le concours d’instit quand les IUFM existaient encore, le sujet de français consistait à faire la synthèse de trois documents disant à des degrés divers que le français est une langue « de l’élite », à réformer, voire à mettre en phonétique. Après une licence de lettres, devoir écrire que le français est une langue quasiment impossible à comprendre et à enseigner, non merci ! Ça a été la cerise sur le gâteau, après une année à souffrir leurs bêtises (restons polie) en silence. Ils ont eu mon opinion, pas ma « synthèse ». Et moi je n’ai (surtout) pas eu ce concours.
PMalo a dit:
C’est rigolo, je viens de lire 2 fois en une heure le nom de Christophe Guilluy, que j’ignorais auparavant.
Ici, et dans le livre « Nos limites » de Gaultier Bès & Co (fondateurs -parmi d’autres- du mouvement des Veilleurs).
A lire d’urgence, et à mettre en parallèle avec l’excellent « Décroissance ou décadence » de Vincent Cheynet (en rupture de stock, réédition en cours !), à lire et relire et potasser d’urgence itou.
Non, ce n’est pas hors-sujet : on est en plein dedans.
Fikmonskov a dit:
Je récupèrerai « Nos limites » cet été, en attendant je suis de front dans Rabhi et Del Vasto.
Ça secoue un peu 🙂
PMalo a dit:
Lequel, de Lanza ?
Fikmonskov a dit:
Les quatre fléaux.
PMalo a dit:
Ah oui, en effet, c’est pas le plus soft… !
Fikmonskov a dit:
Tant mieux. Le soft m’emmerde.
PMalo a dit:
Rabhi est beaucoup plus soft… que dois-je en conclure ? 😉
Fikmonskov a dit:
Que c’est joli et sympa, ce qu’il dit. Mais je ne me prends pas beaucoup de claques.
PMalo a dit:
Il a le mérite de faire passer très simplement des choses pas évidentes, et avec une bonté confondante.
Lire ses livres peut être un bon début pour une prise de conscience, mais ça reste en effet très léger, à la surface, dans le sentiment plus que dans l’analyse.
Très « féminin », j’ai envie de dire -il a d’ailleurs un nombre de groupies hystériques assez impressionnant…
J’aime bien en lire un de temps en temps. Ça repose.
Fikmonskov a dit:
Le Bac d’économie : http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2014/06/d%C3%A9montrez-que-la-famille-est-un-frein.html
Anne-Marie Béneix a dit:
J’ai 72 ans et ne suis pas enseignante mais voici ce que je viens d’écrire à l’instant.
Deux texte de Robert Margerit :
« Georges Dormond avait eu, a seize ans, l’une des deux grandes révélations de sa vie en feuilletant ….. Il serait ce cavalier, il le décida en un éclair. Il traverserait Toulouse avec cette allure superbe. De son mépris et de sa gloire , il écraserait ses camarades ; et toutes les jeunes filles – qui l’intéressaient si fort – seraient à ses pieds…..
L’érotisme est un transfert du matérialisme à la spiritualité, du réel au surréel ; une transformation du facile, du banal, en impossible. »
Si je les écris c’est pour que vous compreniez de quel monde vous sortez et pourquoi c’est si difficile. Le mépris est son attribut, son seul but est sa gloire, il n’a jamais envisagé qu’il pouvait se tromper, jamais envisagé qu’autour de lui d’autres humains pouvaient avoir d’autres intérêts, jamais su que la vanité était son moteur. Que votre père ressemble à son père, c’est normal et navrant. Mais à vous appartient le monde de demain où seront inversées les priorités, à savoir que
Nous sommes responsables de nos choix et acceptons d’être contestés. Nous savons que tout vivant est fragile, dépendant, vulnérable et que nous sommes là pour l’aider à vivre (pas pour le mettre à leur usage comme ils cherchent à vous l’inculquer), que la terre a trop supporté de douleurs et de souffrances sous tous les cieux et en tous temps et que nous posons maintenant des limites à l’outrecuidance des inconscients.
Ce n’est pas trop pour les filles que j’écris mais plutôt pour les garçons. Ils ont à faire une vraie et profonde révolution mentale et psychologique. Abandonner le comportement et la façon de penser masculin. C’est parce que c’est une nécessité que je souhaite leur montrer la pauvreté intellectuelle, spirituelle, émotionnelle de leur père, et grand-père. Il ne faut rien regretter du passé et se réjouir du changement d’époque. Pour moi, il est scandaleux de croire qu’on peut « évaluer »(n°7)un être humain. C’est parce que les structures s’en croient capables qu’il y a tant de stéréotypes, de préjugés, de peurs.
La preuve : les hommes se croient supérieurs, alors qu’ils sont simplement aveugles. C’est vrai que lorsqu’on se prend pour référence, les autres n’existent pas.
Ce matin, je vois l’affiche de Ben (un fond noir sur laquelle l’écriture ronde dessine « j’écris donc je suis ») j’ai une furieuse envie de rajouter « inconscient ». Mais peut-être pour un homme suffit-il d’être sur terre pour imposer sa loi. Un galeriste est sur le pas de sa porte. Je l’apostrophe et lui parle des affiches provocatrices de Ben. Il me répond que c’est un artiste. Et les frères Dardenne qui montrent qu’un homme sait manipuler une femme pour la faire travailler, n’est-ce pas des artistes? Qu’est-ce que c’est « 2 jours et 1 nuit » ? sinon la prostitution de celle qu’on dit aider, aimer. Mettre « au travail » comme on dit « au turbin », la société est si monolithique qu’il n’y a plus de fantaisie, plus d’espace pour choisir son chemin. Il nous reste une pensée unique qu’il faut casser, émietter pour permettre aux enfants de respirer.
AFNOU a dit:
@ Anne-Marie Béneix
Je ne vais pas commenter point par point votre commentaire. Je me conterais de le trouver détaché du réel et très symptomatique des idées des hommes et femmes politiques actuels : l’égalité passe avant tout et surtout devant la liberté. Si cela doit passer par la contrainte, par la rééducation, par l’arrachement, on y passera. Le dieu égalité vaut tous ces sacrifices…
comitecedif a dit:
Merci d’en parler, il est effectivement aberrant que la condition pour devenir enseignant soit la défense de ces saloperies de théorie : https://comitecedif.wordpress.com/2014/11/20/a-source-des-delires-du-genre/