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Accuser sans preuve n'est pas mon genre, C'est habile Bill, Les éditions Milan s'engagent pour l'égalité garçon-fille, Prudence est mère de toutes les vertus
Depuis quelques jours, cette photo tourne sur Facebook et Twitter :
Régulièrement, elle est accompagnée d’un appel à la prudence, mais aussi parfois d’un appel au boycott pur et simple des éditions Milan.
Bien entendu, ça me fait bondir. En effet, il est écrit « en octobre », or nous sommes encore en septembre. Donc ces magazines ne sont pas encore sortis. Comment peut-on appeler à boycotter un éditeur sans avoir lu les journaux qu’on juge litigieux ? Comment peut-on les juger litigieux uniquement sur la foi d’une publicité ?
Bien sûr, le langage utilisé sur cette publicité est exactement celui de l’époque : il faudrait « s’engager » à « sensibiliser les enfants ». Bien entendu, ça peut laisser deviner que le contenu des journaux lui-même sera lui aussi totalement dans l’air du temps. Ça incite sans conteste à la prudence : pour ceux qui sont abonnés, il peut être judicieux d’ouvrir et de lire ces journaux avant les enfants, afin de voir ce qu’il y a dedans. Il y aura alors trois options :
1. C’est vraiment exactement ce qu’on craint, à savoir une promotion des théories du genre, consistant à dire que garçon ou fille c’est pareil, et qu’on peut bien choisir l’un si la nature nous dit qu’on est l’autre. Dans ce cas, écrire à Milan pour gueuler et se désabonner, tout en faisant tourner l’info pour appeler à la mobilisation, sera probablement la solution.
3. C’est en fait totalement inoffensif, et même plutôt bienvenu : ça rappelle que garçons et filles sont aussi dignes de respect les uns que les autres, même si parfois on ne comprend pas bien l’autre sexe, qu’il nous énerve ou qu’il nous semble inintéressant. Dans ce cas, on écrit à Milan pour leur dire tout le bien qu’on a pensé de leur journal.
2. C’est limite, ça lorgne un peu trop du côté de l’indifférenciation, tout en rappelant ce qu’on a rappelé en 3. Dans ce cas, on pourrait décider 1. d’écrire à Milan pour leur dire qu’on les trouve un peu limites ; 2. de laisser nos enfants les lire, tout en profitant de l’occasion pour parler avec eux de tout ça, en fonction de leur âge évidemment.
Mais dans tous les cas, on ne gueule pas avant d’avoir lu la moindre ligne. Pour plusieurs raisons.
1. Si finalement il se trouve que c’est la solution 3 qui est la bonne, on aura désabonné son enfant d’un journal de qualité, en retirant par la même occasion leur moyen de subsistance à des journalistes. La presse est déjà suffisamment en crise comme ça.
2. Si c’est la solution 2 qui s’avère, alors on a raté une bonne occasion de discuter de tout ça avec son enfant, et de faire savoir à une rédaction que les parents s’inquiètent encore de ce que lisent leurs enfants.
3. Si c’est la solution 1, alors on aura bien fait. Du moins pourra-t-on le penser.
Et en fait non : parce qu’en gueulant sans avoir rien lu, on aura fait passer l’idée non pas qu’on est un parent soucieux de ce que lit son enfant, mais bien qu’on est un crétin qui juge sans avoir rien lu, voire – pire – un salaud qui refuse l’égalité garçon-fille. Égalité qui, nous l’avons vu, peut être comprise de plusieurs façons, dont certaines sont exactement ce pour quoi nous combattons. Dans tous les cas, on passera pour un abruti borné qui réagit au quart de tour et condamne sans preuves. Et ce quel que soit le contenu réel du journal, d’ailleurs.
Je ne pense pas que ce soit le meilleur moyen de parvenir à nos fins…
Prudence donc avant de lancer des appels au boycott : contentons-nous pour le moment de lancer des appels à la prudence et à la vigilance, puis, quand nous recevrons ces journaux, lisons-les et tirons les conclusions qui s’imposent. À ce sujet, si certains d’entre vous reçoivent l’un ou l’autre de ces journaux et souhaitent me le faire parvenir, qu’ils n’hésitent pas à m’envoyer un mail à
fikmonskov-arrowbase-gmail-point-com
soit pour me demander mon adresse postale pour m’envoyer le journal, soit pour m’envoyer des photos (de bonne qualité) des pages qui pourraient poser problème.
Si problème il y a, je me ferai un plaisir de démonter Milan à grands coups d’articles assassins, puis de lancer un appel au boycott. Mais en connaissance de cause, avec des preuves. C’est toujours mieux, non ?
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Une autre bonne raison de se méfier de ce genre de polémiques est exposée dans cet article : ici. Il démontre assez que nos adversaires n’hésitent pas à lancer des fausses rumeurs ou des faux scandales… pour en masquer d’autres, réels eux. Dans le cas des éditions Milan, il pourrait s’agir d’une diversion pour masquer par exemple la sortie d’un hors-série exposant les théories du genre en décembre… quand la polémique sera retombée. Il sera alors facile de faire éclater la vraie polémique avec l’argument « Ils ont déjà gueulé en octobre, pour rien. Ils ne font guère que gueuler tout le temps, ne les écoutez pas ». Et hop, ça passe tout seul… Lisez l’article, il est un appel impérieux à la prudence, en toutes circonstances…
Pertinent.
Mais non mais non, Fik. Un petit garçon n’a que faire d’histoires d’égalité ; aux âges tendres qui sont le « coeur de cible » de ces publications, il se construit même en professant un mépris envers les filles (constaté par tous les parents attentifs). Il ne faut surtout pas intervenir contre cette phase de développement. Il fait ce que la nature lui dicte et ce n’est que bien plus tard, une fois sa virilité affermie, qu’ils se rapprochera tout naturellement des filles.
L’égalité, c’est pour les ados, pas avant. Et ça doit s’assortir d’avertissements contre le porno. Là oui.
Merci pour ce billet plein de bon sens Fik! Je me suis fais exactement les mêmes réflexions en voyant passer cet appel au boycott. Se battre contre 1 (potentiel) ennemi sans connaître ses armes est parfaitement stérile et relève de la politique de l’autruche: personnellement, je vais m’empresser de les acheter dès leur sortie, et les éplucher avec attention, le plus objectivement possible. Et puis, ne nions pas qu’un travail sur l’égalité de traitement, sur la notion de respect, entre les filles et les garçons doit se faire dès le plus jeune âge, car, objectivement, il y a un vrai soucis de ce côté là (j’ai moi-même 2 garçons et 2 filles de 23,21,18 et 15 ans): il ne fait pas toujours bon être 1 jeune fille de nos jours… Dernière chose, trop de boycott tue le boycott, trop de pétitions tuent la pétition: utilisons notre énergie à travailler sur le fond, de façon calme mais (très) déterminée non?
Alae : ce que vous dites est vrai mais n’empêche pas qu’on peut apprendre même au très petits qu’une fille n’est pas moins respectable qu’un garçon. Après, ce sont les modalités de ce respect qui change : pour les âges dont vous parlez, ça peut en effet consister simplement à les laisser tranquilles dans leur coin, et à faire ce qu’on veut dans le sien.
Béatrice, en effet nous ferions aussi mieux de ne pas nous éparpiller. Et taper sans savoir, effectivement, c’est s’éparpiller.
Fik, désolée, je ne suis toujours pas convaincue. Encore me faudrait-il savoir si le sentiment de supériorité que les petits garçons cultivent (et qui ne fait aucun mal aux petites filles) n’est pas nécessaire à leur construction psychique. Le « j’en veux pas, c’est pour les filles », le mépris envers la marelle et le saut à la corde sont des attitudes trop généralisées chez les petits bouts d’hommes pour ne pas correspondre à un besoin inné réel. Ma question : hors jugements « moraux » sur le mépris (c’est pas beau, nous sommes d’accord), est-ce qu’il a une fonction précise dans la construction précoce de l’individualité ? Si oui, à quoi est-ce que nous exposons les petits garçons en leur niant le droit au mépris au nom d’un supposé « laboratoire sociétal » ? (sachant, en plus, que ce mépris ne s’adresse pas à leurs sœurs ou cousines – qui sont traitées à égalité avec eux à la maison – mais aux « quilles » de la cour d’école ?)
@Béatrice, nous sommes en voie de « suédisation » de la société. Là-bas, « l’égalité de genre » a envahi TOUTES les sphères de l’activité humaine. Il n’y pas un article de presse, une loi, un essai sociologique qui n’en fasse pas mention. Ils en mettent jusque dans la soupe !
Endormons-nous et nous serons soumis au même régime démentiel.
Encore une fois il n’y a pas de contradiction entre nos deux positions… Je parle de situations violentes, qui arrivent de plus en plus tôt dans les écoles. Pour le reste nous sommes d’accord, mais ça n’empêche pas pour autant de rappeler aux garçons qu’ils n’ont pas tous les droits uniquement sous le prétexte qu’ils sont plus forts physiquement. On appelle ça de l’éducation, en fait.
Votre discours est en fait exactement ce que je critique : un discours sans nuances, qui répond à une déni du réel par un autre déni du réel, inverse.
Très juste. A garder en mémoire pour ne pas céder à la tentation du buzz contreproductif.
Sans vouloir vous contrarier:
– un il n’y a pas d’appel au boycott mais à écrire aux éditions (si c’est bien le même site qui parle d’un salon d’une certaine couleur)
– deux les éditions Milan basées dans ma ville natale où ils ont un magasin assez complet sont hélas assez dramatiquement coutumières du fait sur certaines publications en ce domaine…et j’attends du coup avec impatience un article!!!
http://www.julie-magazine.com/ voir la dernière couverture…
Clausener-Petit, Magali. Garçons et filles : tous égaux ?. [Livre]. Éditions Milan, 2002 le bonheur total
Ce qui ne les empêche pas de féminiser à l’extrême avec un discours pour adulte les petites filles dans d’autres magazines.
http://www.leblogdejulie.com/on-en-parle/et-si-barbie-avait-des-mensurations-normales/ …
http://www.leblogdejulie.com/on-en-parle/mannequin-julie-casting-magazin/
pour compléter les paradoxes de cet éditeur…
Alae, vous croyez vraiment ce que vous dites ? Que ca ne gêne pas les petites filles quand leur frère leur dit « t’es qu’une fille, t’es nulle, nos jeux c’est pas pour toi ? »
Parce que le résultat dans mon cas est que j’ai appris à devenir une fille bien après l’adolescence. Pour ne pas être « nulle », je suis devenue un vrai garcon manqué…
Marc, j’ai lu l’appel au boycott à plusieurs reprises, sinon je n’aurais pas écrit cet article.
pas d’accord.
L’appel au boycott (et la publicité qui se fait autour) est un AVERTISSEMENT lancé à l’éditeur bien plus cinglant qu’une prudente inertie qui le laissera déverser des milliers d’exemplaires qui seront vendus quand même.
l’appel au Boycott fait réagir, tout comme il a fait réagir le camembert « Le Bon mayennais » dans une affaire d’un clip douteux (http://www.indignations.org/profanations/index.php/2011/02/02/323-un-calice-profane-dans-un-clip-parodiant-une-messe-pour-la-mayenne)
L’attentisme ne fait rien de bon. L’appel tire un coup de semonce, auquel l’éditeur peut faire un bras d’honneur… ou marche arrière.
Et s’il n’y a rien de critiquable dans ces journaux ? C’est pas un tout petit peu risquer de perdre beaucoup, contre un gain potentiel faible ?
D’autant que, sans preuve de rien, le boycott ne sera pas suivi. Et ne le sera plus une fois que les preuves seront là, parce que les gens en auront marre des appels au boycott.
Les menaces de boycott, pourquoi pas. Mais les appels, non.
Sauf que…
Sauf que Milan presse est fier de participer à l’ABC de l’Egalité, le programme phare de notre ministre de l’Egalité et du lavage de cerveau
cf http://www.milanpresse.com/Actualites/Egalite-filles-garcons-Milan-presse-rencontre-la-ministre
Et alors ? Donc forcément ils vont dire des conneries ? Ben non, ce sont des êtres humains libres, qui sont peut-être capables de ne pas copier/coller un programme ministériel.
De toute façon, tant qu’on n’a pas lu, on ne peut pas être sûr. Ouvrir sa gueule avant d’avoir lu, c’est donner à l’adversaire un argument tout prêt contre nous : « Il parle sans savoir ».
C’est débile.
C’est même pire que ça, Fik. Ils ne disent pas « Il parle sans savoir », ils disent : « Il est contre l’égalité fille-garçon car il a réagi dès qu’il a vu un slogan en faveur de l’égalité fille-garçon » ( http://yagg.com/2013/09/19/genre-assez-damalgames-liberation/ ). Ils ne s’imaginent pas qu’on anticipe ce qu’il y a derrière. Ou bien s’ils le font, ils nous relèguent au rang de conspirationnistes et d’inquisiteurs ( http://tempsreel.nouvelobs.com/education/20130909.OBS6115/21h-theorie-du-genre-ce-qui-froisse-les-reacs.html ).
Bien entendu, c’était le sens de cet article. Merci d’avoir trouvé les preuves que j’avais raison de m’inquiéter 😉