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Bernanos avait raison, Demain n'aura pas lieu, J'ai subi un viol auditif, La magie désuète de Noël, La vie intérieure ? Pourquoi faire ?, le Père Noël s'est suicidé
C’est bientôt Noël. L’occasion pour tout un chacun de retrouver son âme d’enfant et de s’émerveiller devant l’incroyable miracle de l’incarnation de consommer encore plus, de façon encore plus anarchique que d’habitude. Les commerçants le savent bien, et profitent de cette fragilité passagère du chaland pour le convaincre qu’il a encore plus besoin de couvrir ses proches d’amour, de douceur et de chaleur humaine de claquer de thunes pour être sûr que chacun passera la journée du 25 affalé sur un canapé pour tenter de digérer la dinde et le foie gras de la veille.
Ah, la magie désuète de Noël, avec ses crèches, ses santons, ses chorales ses quinzaines commerciales.
Depuis 15 jours, à chaque fois que j’ai lu le mot « Noël » dans un titre du journal où je bosse, il était suivi immanquablement des mots « commerce », « jeux concours », « tombola », « bénéfices », « courses de Noël »… Une seule fois, il ne s’agissait que d’une crèche vivante mobilisant bénévolement tous les habitants d’un petit village depuis plusieurs années, et proposée gratuitement à tous les passants. Même pas une petite ligne pour évoquer les retombées commerciales de la choses pour le village. J’ai appelé le journaliste, croyant à un oubli.

Petit jeu : la magie désuète de Noël se cache quelque-part dans cette photo. Saurez-vous la retrouver ?
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Et depuis 15 jours, à chaque fois que je vais de chez moi à mon lieu de travail ou inversement, soit 4 fois par jour, je suis accompagné, pendant les 10 minutes que dure le trajet, par de la musique et des annonces, diffusées par des hauts-parleurs judicieusement placés partout dans la ville afin que personne ne puisse y échapper autrement qu’en restant cloitré chez soi toute la journée. Ce qui est compliqué quand on a un travail et qu’on aimerait le garder.
Et là, je m’insurge, violemment.
Je refuse d’être contraint de subir ça : si je voulais, pendant ces trajets, écouter de la musique, j’aurais acheté un lecteur MP3. Je ne l’ai pas fait, parce que je veux pouvoir profiter de mes trajets pour laisser mes pensées courir au rythme de la vie qui passe autour de moi. Le chant des oiseaux, le bruit de la pluie sur le bitume, les pleurs d’un petit bébé, les rires d’un groupe de collégiennes, j’ai envie d’entendre tout ça, de profiter de ce moment de calme et de paix que mon emploi du temps m’offre quotidiennement. Et une quelconque union commercial décide de me priver de ça, m’imposant de la musique – qui se trouve en plus être de qualité variable, allant de l’indigent au détestable en passant par l’insupportable – et des pubs ?
Qu’on mette des pubs à la radio, je le conçois : il faut vivre. Et si l’auditeur ne veut pas entendre ces pubs, il a la liberté d’éteindre sa radio. Ou de ne pas l’allumer, ce que je fais en gros depuis ma naissance. Qu’on placarde des affiches dans les rues, je l’admets : on est encore libre de regarder ailleurs. Mais peut-on éteindre son cerveau quand on lui impose des pubs dans la rue ? Peut-on fermer ses oreilles ou écouter ailleurs ? Non.
Je crie donc au viol auditif. Et j’entends bien obtenir réparation. J’ai envoyé un courrier de lecteur au journal (celui où je bosse, habile, non ?) pour crier mon indignation, en profitant au passage pour traiter mes concitoyens, qui semblent supporter tout ça sans broncher, de veau, ce qui, en Normandie, pays de la vache s’il en est, n’est pas sans saveur. Et si rien ne se fait, j’irai personnellement me plaindre auprès du responsable de l’Union commerciale.
Ou peut-être acheter un lecteur MP3 et me mettre le dernier Opeth en boucle à chaque trajet. Inconvénient : en 10 minutes, j’aurai à peine le temps de finir un morceau. Et surtout, je ne pourrai plus laisser mon imagination divaguer, ou trouver un riff génial, ou m’agacer contre une connerie qui fournira la matière à mon prochain article, ou tout simplement penser au sens de la vie, ou tout ce genre de choses.
Bernanos, une fois encore, avait raison quand il disait qu’« on ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ».
Heureusement, tout ça est bientôt fini : http://www.dhnet.be/infos/faits-divers/article/192895/prive-de-decoration-de-noel.html
Une pince coupante, et hop.
Révolution ! ;o)
Mon statut de journaliste m’empêche un peu de faire ce genre de conneries. Malheureusement.
Pourquoi ?
Parce qu’il risque de se retrouver dans la rubrique faits divers de son propre journal.
Voilà, et parce que ça impliquerait le journal pour lequel je bosse, si j’étais retrouvé et condamné. Et ça, ça fait très mauvais genre, et je doute que mes patrons trouvent ça aussi rigolo que mes lecteurs.
Donc, tant que mes lecteurs ne me font pas manger chaque jour, je préfère garder mes patrons 😉
Comprends pas le raisonnement…
Pour un flic, un juge, un quelconque représentant d’une quelconque autorité publique, je comprends très bien, mais là, non : tes agissements personnels ne regardent que toi, tu n’es lié à ton journal (privé ?) que par un contrat de TRAVAIL qui n’a que foutre de ta vie privée.
Allez, pince coupante et couic ! 😉
Connaissant mes patrons, je suis sûr que ça ne serait pas si simple.
Sont-ils obligés de le savoir ?
Comprends pas. Peut-être que je ne sais pas tout.
Si je me fais choper, oui, ils le sauront : ça passera forcément à la rubrique « Tribunal », sans même compter que tout se sait dans les petites villes de province, et que mes patrons font partie des notables…
Et si je fais ce que tu proposes, je serai forcément recherché, et manifestement ils cherchent bien, les policiers, dans la région…
Quoi, pour un coup de pince coupante « symbolique » (franchement, ça se répare en 2 secondes ! et ça coûte moins cher qu’une vitre d’abribus à remplacer !), des recherches et un passage au tribunal ? – ça, ça m’étonnerait : au pire, une GAV symbolique itou et un petit rappel à la loi pour la forme.
Pfiou, ils rigolent pas, chez vous dans le Nord !
Ne serais-tu pas un peu parano ? 😉
Si j’étais toi, je supprimerais même cet échange de commentaires, hein, sait-on jamais : la police du net cherche peut-être de dangereux terroristes. Tu risques gros, Fik !
Souviens-toi de Julien Coupat !
(Avec ça, si t’es pas recherché ! 😉 )
Inapte 🙂 Il y a quelques mois, à minuit, j’ai surpris une voiture de police en pleine course-poursuite… d’un chien errant. Si si. Et on a régulièrement dans le journal des articles de gens qui sont jugés pour le bris d’une demi-douzaine d’essuie-glace, ou pour avoir taggué 2 voitures.
Donc je pense que si je sabote leur sono (et je ne pense pas si je le fais que je ne saboterai qu’un haut-parleur, ça serait assez peu remarqué), ils porteront plainte, et la police aura le temps de chercher, quitte à laisser un chien errant errer quelques jours de plus. Et manifestement, elle trouve souvent.
C’est pas Paris, ici, les flics ont même le temps de s’occuper des querelles de voisinage…
Que faisais-tu à minuit dans la rue entouré de chiens errants ? C’est louche…
Non mais que fait la police ?!
De ce côté, on est plutôt peinards, dans mon coin : il y a une énorme gendarmerie à 2 km de chez nous, et on ne les voit absolument jamais.
(On aimerait d’ailleurs les voir parfois un peu plus, mais ne nous plaignons pas !)
Je rentrais de région parisienne. Qu’est-ce qu’on ferait pas par amour…
La prochaine fois qu’un groupe pseudo-folklorique non identifiable me joue Hello Dolly dans le métro, moi aussi je hurle au viol.
Bien que je comprenne ce point de vue, je considère que ça n’est pas la même chose : quand un groupe joue, c’est encore des humains qui jouent pour d’autres humains, et pas des commerçants qui veulent lobotomiser des consommateurs.
Mouais, à moitié humain seulement : en général ils trainent une sono pourrie qui assure le fond musical, l’élément humain se résumant à un joueur de trompette asthmatique et éventuellement un secoueur de tambourin/quêteur. Kif-kif, mon frère, et au viol ils ajoutent la prise d’otage : dans un métro, tu peux même pas te barrer. Franchement, je serais prête à les payer pour qu’ils se barrent, et que je finisse mon System of a down en paix.
J’ai habité 18 mois (soit 2 Noëls) en plein centre piétonnier d’une ville du Sud-Ouest, avec un haut-parleur sous les fenêtres de ma chambre. Ce n’est pas uniquement du 1e au 31 décembre qu’ils diffusaient de la daube (et en boucle la daube, bien sûr !!), mais aussi tous les samedis et du 15 juin au 30 septembre, de 10h à 19h. A se flinguer.
Ben c’était pas l’assoc des commerçants du quartier les responsables… Le président était le mari de la chocolatière en dessous, alors j’avais des infos de premier choix. Non non, c’était la Mairie !! Et voilà où passent les impôts locaux à Dax !!
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/12/22/97001-20111222FILWWW00372-chants-de-noel-elle-s-attaque-a-la-sono.php
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Je me rappelle encore le jour où notre cher lycée a eu l’excellente idée de subventionner une « radio » du lycée en installant des baffles sur la cour : à chaque récréation, nous avions droit à l' »animation » d’une bande de jeunes en folie nous passant ce que d’aucuns osent appeler de la musique.
Impossible de discuter, même au fond de la cour.
Ça a duré une semaine, pendant laquelle je suis allé demander tous les jours, à toutes les récréations, que l’on coupe cette énorme connerie.
Le premier week-end qui a suivi cette installation, tout a été désinstallé… par une bande qui a embarqué tout le matos. Il ne restait que les fils.
Pendant une semaine, je suis allé chanter les louanges des voleurs : ça a été, je crois, la seule fois de ma vie que j’aurais été prêt à payer des cambrioleurs pour un boulot bien fait 🙂
«le rire d’un groupe de collégiennes»
Méfie-toi, ça peut te causer des ennuis ça… 🙂
J’y avais pensé en l’écrivant, et m’étais accusé d’avoir l’esprit tordu. Je ne suis donc pas le seul 😉
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