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Homme libre toujours tu chériras la mer, La grande marche des Veilleurs, Le silence est un cri qui pousse vers l'intérieur, ouvrir la voie à la machette
Ma femme et ma maman se liguent assez souvent pour me le rappeler : je suis un immense pessimiste. De nature, certainement, et ma raison me pousse volontiers à l’être encore plus : ainsi, je suis rarement déçu.
Et pourtant, aujourd’hui je le dis haut et fort, et sans le moindre doute : nous avons déjà gagné cet immense combat contre la modernité que nous menons depuis de longs mois. Et je le dis en ayant bien conscience que le « mariage pour tous » est passé, que la recherche sur l’embryon aussi, que la PMA ne va pas tarder et que la GPA suivra obligatoirement. Où est donc notre victoire, alors, si tout ce contre quoi nous luttons s’impose sans (gros) coups férir ?
Elle est sur le plus long terme, parce que ce combat prend place non dans l’immédiat mais dans la durée. Ce qu’il est d’ailleurs très important de bien comprendre, parce que l’accepter et agir en conséquence est déjà une victoire sur cette culture de l’immédiateté qui est une des nombreuses causes de nos ennuis. « Un enfant si je veux, quand je veux », sachant que le « quand » ne peut être qu’un « surtout pas tout de suite », ou un « tout de suite à tout prix ». Avec les résultats qu’on sait. Passons, nous en avons déjà parlé ici, et revenons à nos moutons, ou plutôt à nos Veilleurs. Oui, parce que pour moi le signe le plus évident que nous avons gagné, ce sont les Veilleurs, qu’ils soient debout ou assis.
Bernanos écrivait : « On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas tout d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ». Quoi de plus vrai à l’heure où un grand nombre de municipalités font tourner de la musique dans leurs rues, où la télévision allumée en permanence ne sert plus qu’à « vendre du temps de cerveau disponible », où chacun se balade avec un casque sur les oreilles, où les supermarchés finiront bientôt par ouvrir le dimanche ? Comment serait-il possible de développer une vie intérieure quand tout est fait pour que la vie extérieure soit une course permanente, sans le moindre temps mort ?
Et pourtant, malgré cette conspiration universelle, des jeunes gens, issus de cette génération dont on dit qu’elle est lobotomisée par les écrans, par les jeux vidéos, par Internet, ont choisi de faire silence. Pas d’arrêter de parler ou d’éteindre la musique. Non, de faire silence.
Certains, assis par terre, pour écouter pendant plusieurs heures une voix leur lire, sans trémolos, dans effets de manche, sans pathos, simplement leur lire des textes. Issus de cette génération qui prend Koons pour un artiste, ils acceptent qu’on leur parle de Beau ; issus de cette génération qui divorce à 60%, ils acceptent qu’on leur parle d’engagement et de fidélité ; issus d’une génération qui croit que tout se vaut, ils attendent qu’on leur parle d’une Vérité.
Et d’autres, dans la position de l’homme libre, pour rester sur place au milieu de nos villes, attendant qu’un autre jeune que la plupart ne connaissent pas sorte de prison. Eux se lèvent pour la Justice, pour la liberté, pour la Vérité. Issus de cette génération qui ne tient pas en place, ils attendent, immobiles, parfois pendant plusieurs heures ; issus de cette génération individualiste, ils donnent de leur temps pour un inconnu, Nicolas, et pour des inconnus, des milliers d’enfants à naître ; issus de cette génération qui n’ose pas s’engager, ils acceptent de se mettre à nu face aux regards des gens qui passent, regards qui ne sont pas toujours amicaux et qui pèsent lourds lorsqu’on est seul debout.
Là aussi, qu’importe le résultat immédiat : si la libération de Nicolas est une petite victoire, il reste encore un très long chemin à parcourir, où d’autres iront probablement en prison pour avoir osé se lever. Peut-être, encore une fois, ne verrons-nous pas la victoire, et nos enfants ne la verront-ils pas non plus. Peu importe, la victoire est quand même certaine, parce que nous avons retrouvé le sens du silence, nous avons retrouvé la force de l’homme debout.
Et d’ailleurs, nos ennemis l’ont bien compris, probablement inconsciemment : que ce soit à Rennes, à Paris, à Montpellier, à Angers ou ailleurs, ils sont régulièrement venus nous faire face. Et toujours, à chaque fois, en faisant du bruit : instruments de musique, hurlements, sirènes, parfois même bande son de films pornos, tout était bon pour briser et salir ce silence. Et le pouvoir, qui envoie régulièrement les CRS disperser les Veilleurs Debout (après avoir essayé de faire cesser les rassemblements des Veilleurs), le sait aussi. Il a peur. Et il a raison : parce que ce silence nous permet de faire grandir notre vie intérieure, il nous permet de fortifier et d’affirmer notre engagement, pas aux yeux du monde, mais d’abord en notre for intérieur. Personne ne reste debout plusieurs heures face à un bâtiment public, aussi beau soit-il, s’il ne croit profondément au combat qu’il mène ; personne ne supporte les cris de haine de ses opposants, ou même leurs regards, s’il ne croit vraiment servir la Vérité et le Bien.
C’est vrai pour les Veilleurs, ça l’est encore plus pour les Veilleurs Debout : la solitude et le silence complet obligent beaucoup plus le Veilleur Debout, qui n’est pas tenu par l’esprit de groupe des Veilleurs.
C’est pourquoi je ne saurais trop vous conseiller d’aller veiller debout, ne serait-ce qu’une heure ou deux, sans casque sur les oreilles (certains le font, c’est pour moi un gâchis intégral) ; et si vous prenez un bouquin, accordez-vous au moins une heure sans, à simplement regarder autour de vous… et au-dedans de vous.
Vous y verrez des choses beaucoup plus belles et plus fortes que dans n’importe quel livre.
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Bravo pour ce magnifique article !
> C’est pourquoi je ne saurais trop vous conseiller d’aller veiller debout, ne serait-ce qu’une heure ou deux, sans casque sur les oreilles (certains le font, c’est pour moi un gâchis intégral)
Je suppose que veiller debout, c’est un peu comme faire un retraite ? Il faut permettre à sa personne le risque de l’être et du présent ?
Note : je n’ai pas fais l’expérience des veilleurs debouts, mais déjà longtemps avant que ces veilleurs ne se lèvent, quand j’étais dans cette grande ville qui s’appelle Paris, j’avais pris l’habitude de veiller dans la rue, parfois dans l’attente, parfois dans la patience, parfois dans l’incertitude, parfois dans le doute, parfois dans l’écoute, parfois dans la présence, quasiment toujours dans le silence, ma seule propriété.
De trois à cinq heures par semaine, parfois le double, pendant deux ans d’affilée. J’ai reçu souvent, j’ai appris beaucoup, je suis devenu, énormément.
Apprendre aux gens à sortir de l’illusion du monde et proposer l’expérience de la réalité, c’est permettre à chacun de s’extraire de la décadence. Certains se réveilleront en touchant le fond… mais ce sera trop tard. Ils n’auront plus qu’à contempler, depuis la fange, la cathédrale dressée que par leur chute ils auront libéré.
Cette cathédrale peut sembler souterraine aujourd’hui, mais quand le monde s’affaissera, ce sera pour ceux qui tiraient vers le bas le drame de sa révélation.
Très bon papier. Merci pour ça.
Et tout à fait d’accord. Ce n’est pas la manifestation pour tous que ça devrait s’appeler, mais Silence pour Tous. Là on nous entendrait (sic).
Je me suis toujours qu’une immense foule qui avancerait en silence, sans slogans, ce serait infiniment plus fort que n’importe quel hurlement ou vocifération… Merci pour ce billet !
Bravo, l’ami !
Je suis entièrement d’accord : nous avons déjà gagné. La culture nihiliste tourne désormais à vide, en boucle sur elle-même et si elle attire encore des idiots utiles ou des gogos, ceux-ci sont de moins en moins nombreux. C’est peau de chagrin.
Pour s’en rendre compte, il suffit de lire les commentaires sous la plupart des articles de la presse en ligne : les gens en ont assez, tout simplement assez des mensonges, de l’arrogance et de l’autosatisfaction des bobos, qu’il soient de cette droite néolibérale relayée par des organes comme Le Figaro ou de gauche. Ce genre de colère, une fois allumée, ne s’éteint plus.
Ajoutons à ça l’inventivité des épiphénomènes de la Manif pour tous (veilleurs, veilleurs debout, Hommen, drapeaux dans le Tour de France, Antigones, Mères veilleuses, etc) et nous tenons là le début d’un mouvement de masse qui finira par l’emporter.
Le vieux monde ultralibéral, post-soixante-huitard, néo-fric, néo-narcissique, néo-dégueulasse va s’écrouler comme l’arbre pourri qu’il est. Ce n’est qu’une question de temps.
Si je puis me permettre deux petites remarques :
– Je n’aime pas le « ma maman » du début, qui me paraît furieusement moderne, au pire sens du mot. Un homme bien élevé a le sens de la pudeur, n’affiche pas en public ses sentiments, et donc se garde d’un vocabulaire niaisement affectif. Je n’écris et ne dis jamais « ma maman » ou « mon papa », mais toujours « ma mère » et « mon père ».
– « personne ne supporte les cris de haine de ses opposants, ou même leurs regards, s’il ne croit vraiment servir la Vérité et le Bien. » => Sans le dire explicitement, cette phrase suggère que la Vérité et le Bien se situent du côté des veilleurs, ce qui constituerait une faute de raisonnement. En effet, un martyr ne prouve que la force de sa conviction, pas la validité objective du contenu de cette conviction. Comme l’a dit cyniquement Wilde (de mémoire) : Se faire tuer pour une idée ne prouve pas que cette idée soit vraie. La phrase précédente (« ce silence nous permet de faire grandir notre vie intérieure, il nous permet de fortifier et d’affirmer notre engagement, pas aux yeux du monde, mais d’abord en notre for intérieur ») pourrait aussi être interprétée comme une sorte de dérive sectaire : plus le monde nous rejette et plus nous sommes convaincus d’avoir raison contre le monde.
Pour ce qui est de la perspective globale de l’article (« Peut-être, encore une fois, ne verrons-nous pas la victoire, et nos enfants ne la verront-ils pas non plus. Peu importe, la victoire est quand même certaine, parce que nous avons retrouvé le sens du silence, nous avons retrouvé la force de l’homme debout. »), je reste plus que sceptique… Une victoire repoussée à plus d’un siècle de délai ? Mouais… Qui vivra verra ! (sauf s’il est aveugle).
– « ma mère », je ne peux pas. Je n’arrive pas à le lire sans entendre la voix atrocement vulgaire d’un ado attardé qui parle de « sa mère » comme d’une tyran qu’il méprise plus que tout. Désolé.
– « Sans le dire explicitement, cette phrase suggère que la Vérité et le Bien se situent du côté des veilleurs, ce qui constituerait une faute de raisonnement. » C’est ma conviction profonde, je ne prétends pas le prouver dans cet article. J’ai d’ailleurs bien écrit « s’il ne CROIT vraiment ».
– « pourrait aussi être interprétée comme une sorte de dérive sectaire : plus le monde nous rejette et plus nous sommes convaincus d’avoir raison contre le monde. » Je ne vois pas comment.
– Mais les ados attardés qui méprisent leur mère plus que tout sont très rares ! Etant professeur de lycée, je côtoie des dizaines d’adolescents en permanence, et je peux vous dire que dans cette génération, la grande majorité a des rapports globalement très bons avec ses parents (trop bons à mon avis, mais c’est un autre problème). Il est dommage que cette voix minoritaire résonne si fort à vos oreilles qu’elle vous rende sourd à la connotation niaiseusement affective de « ma maman », connotation bien plus fréquente et prégnante, que tout ce que vous êtes et pensez devrait vous aider à percevoir. On a là un symptôme exemplaire de la « civilisation du prénom » dont parle Renaud Camus. Il est curieux que même les héritiers de la « bonne éducation catholique » traditionnelle se laissent gagner par ce détestable usage contemporain. A mettre en rapport avec le non moins odieux « ok » ?
– « Je ne vois pas comment. » => Bah, toutes les sectes se renforcent de l’hostilité que leur vouent le pouvoir et l’opinion dominante. Or il y a bien cette idée dans l’article : si le pouvoir nous attaque, c’est la preuve que nous incarnons le Bien et le Vrai. Pour ma part, je regarde tout combat politique comme un rapport de forces évolutif, sans me donner le ridicule de clamer « Dieu avec nous » (qui évidemment appelle un symétrique « Gott mit uns »). Si le pouvoir attaque mon camp, c’est parce que mon camp cherche à lui nuire, point. Pas besoin de mettre des majuscules ni d’invoquer des essences platoniciennes.
Cordialement.
– « Mais les ados attardés qui méprisent leur mère plus que tout sont très rares ! » Admettons qu’ils s’en donnent l’air. Mais les « Ma mère va encore m’tuer », « Ma mère m’fait trop chier t’as vu » et autres résonnent encore dans mes oreilles. Peut-être devrais-je écrire « Madame ma Mère », comme le faisait mon saint patron, mais on me trouverait snob.
– « Or il y a bien cette idée dans l’article : si le pouvoir nous attaque, c’est la preuve que nous incarnons le Bien et le Vrai. » Je ne crois pas avoir écrit ça. Bien sûr en revanche que les attaques de l’ennemi nous renforcent, mais c’est vrai pour tout le monde : dans la paix et la quiétude, on s’amollit, c’est comme ça.
On se rassure comme on peut… Il ne suffit pas de prétendre connaître la Vérité : il faut la connaître effectivement et, surtout, être capable de la justifier rationnellement. Relisez Pascal, qu’on ne peut pas soupçonner d’être irréligieux : la nature n’est qu’une première coutume, qui nous semble naturelle à force d’habitude. Vous prétendez dangereux, contre nature, destructeur, ce qui est simplement nouveau pour vous.
Oui, le relativisme est faux, et dangereux, tout comme certains aspects de la culture actuelle. Mais privilégier l’effort, le mérite, le long terme, la raison, les valeurs universelles, ce n’est certainement pas défendre un communautarisme catho de droite. Et oui! C’est vous, qui vous enfermez dans le communautarisme que vous décriez tant…
Vos « arguments » ne sont que des symptômes de craintes superstitieuses. Vous prétendez défendre des valeurs universelles quand vous vous tentez en fait d’imposer à tous vos préférences culturelles particulières. Simplement parce que vous avez peur des autres.
Ce n’est pas Jean-Paul II qui disait : ‘N’ayez pas peur » ? mdr
– « Il ne suffit pas de prétendre connaître la Vérité : il faut la connaître effectivement et, surtout, être capable de la justifier rationnellement. » D’une, personne ne peut connaitre la Vérité parfaitement : elle nous échappera toujours. On ne peut que prétendre la rechercher de toutes nos forces. De deux, nous justifions nos idées rationnellement, seulement vous refusez d’écouter nos arguments. Depuis plus de 6 mois que dure cette affaire, des centaines d’articles rationnels ont été écrits, par moi et par d’autres, pour expliquer notre position. Vous n’avez jamais voulu les lire, préférant nous traiter de cons superstitieux, ce que vous venez encore de faire.
Je suis impressionné.
Je comprends tout à fait la mise en garde à ne pas déclarer trop vite « dangereux, contre nature, destructeur, ce qui est simplement nouveau ». J’approuve tout autant ces paroles que les paroles qu’une autre avant vous avait dites « En effet, un martyr ne prouve que la force de sa conviction, pas la validité objective du contenu de cette conviction. ». J’approuve ! J’approuve ! J’ajouterai encore une mise en garde envers les biais de confirmations ! C’est très important en effet.
Par contre quand je lis « Relisez Pascal, qu’on ne peut pas soupçonner d’être irréligieux : la nature n’est qu’une première coutume, qui nous semble naturelle à force d’habitude. » je bondis !
La nature est naturelle, c’est une tautologie.
Si vous supposez qu’une chose n’est qu’un semblant de ce qu’elle est, vous brisez le langage, votre discours devient invérifiable et vous vous excluez de facto de la logique. Pour pousser la proposition dans l’absurde, on pourrait demander ce qu’il se passe si le semblant n’est qu’un semblant de semblant ou si l’absence est une absence d’absence.
Relisez justement Pascal, c’est à dire avec justesse. Je vous le cite : « Je crains que cette nature ne soit elle-même qu’une première coutume comme la coutume est une seconde nature. »
Pascal ne remet pas en cause le naturel de la nature. Il ne s’interroge pas sur l’apparence naturelle de la nature, il ne pose pas là la question idéaliste « plutôt que la percevoir naturelle parce qu’elle est nature, plutôt que la nommer naturelle parce que je la perçois nature, n’est-ce pas que je la perçois naturelle parce que je la nomme nature ? ».
Pascal ici interroge l’ordre, et non le réel.
C’est la question de la précédence de l’être (la nature) sur l’acte (la coutume), ce n’est du tout pas la remise en cause de l’être comme vous le faites. Si Pascal remettait en cause l’être, il ne pourrait plus poser la question de la précédence de l’être sur l’acte.
La question de la précédence de l’être sur l’acte est une particularité de Pascal.
La question de la précédence de l’être sur l’acte est une question fondamentale. L’acte se réalise (devient être), et l’être supporte l’acte. Il semble donc que l’être précède l’acte et que l’acte précède l’être, mais ces précédences sont de natures différentes, et ces précédences peuvent être elles-mêmes ordonnées ce qui permet la décidabilité du problème.
C’est une question fondamentale. Par exemple quand les théoriciens du genre posent la question de l’indétermination sexuelle, ils affirment en fait leur échec à déterminer la précédence de l’être ou de l’acte, et tout simplement leur échec à déterminer la décidabilité de cette précédence.
Attention, je précise qu’ici la précédence n’est pas nécessairement temporelle, c’est une question d’ordre. La question de la précédence de l’être et de l’acte peut être posée dans des contextes non temporels, pour appréhender le divin par exemple : le prologue de Jean étant un excellent exemple d’étude de précédence de l’être ou de l’acte qui utilise le langage de la temporalité pour exprimer l’atemporalité.
Donc pour conclure, vous ne pouvez pas écrire que la nature puisse n’avoir qu’une apparence de nature, parce que d’une part ce n’est pas ce que Pascal a exprimé, et que d’autre part cette affirmation disqualifie le langage et la logique et donc tout raisonnement basé sur une telle affirmation est invérifiable de fait, parce qu’inexprimant. Une telle expression ne peut être raisonnablement étudiée parce qu’elle est inexprimante.
NB: Vous écrivez de Pascal qu’il « ne peut pas [être soupçonné] d’être irréligieux », je tiens à faire remarquer qu’une opinion ne peut avoir puissance ni autorité sur un raisonnement. Il n’est pas impossible à un athée d’exceller en théologie, par exemple. Ainsi, la religiosité ne Pascal n’appuie en rien son raisonnement. Si le raisonnement est faux il est faux, s’il est juste il est juste, quelque soit cette religiosité. En l’occurrence le raisonnement est juste, c’est votre interprétation qui ne l’est pas. La religiosité de Pascal n’étant pas apte à valider la logique de Pascal, elle est encore moins apte à valider votre incompréhension de la logique de Pascal.
NB: Vous terminez par ces propos : « Ce n’est pas Jean-Paul II qui disait : ‘N’ayez pas peur » ? ».
Au risque de décevoir, Jean Paul II disait cela dans le sens « Vous avez déjà gagné » ou encore « La vérité vous est déjà donné », qu’il faut comprendre comme l’ont compris Pascal (encore lui) ou Augustin d’Hippone : « Console-toi, tu ne me chercherais pas, si tu ne m’avais trouvé » ou encore comme l’a déclaré Paul de Tarse : « Ce que vous cherchez sans le connaître, la religion vous l’annonce ». La parole de Jean Paul II n’est pas « ferme les yeux, abdique ta conscience et abandonne-toi au chaos et tu verras bien ce qu’il en résultera », c’est justement tout l’inverse.
La parole de Jean Paul II est la proclamation la certitude d’un ordre (et donc d’une précédence décidable), et c’est parce que cet ordre est décidable qu’on peut agir aujourd’hui, avant même d’avoir formalisé cet ordre.
C’est ainsi que la raison permet la foi : la raison peut démontrer que la foi peut être raisonnable avant de démontrer en quoi elle est raisonnable. « N’ayez pas peur ! », cela signifie « Vous avez déjà vaincu, soyez les vainqueurs ». Il est là encore question de précédence, et là encore cette précédence fait l’objet d’une atemporalité malgré sa réalisation temporelle.
Vous remarquerez ici la tradition qui relie Paul de Tarse, Augustin d’Hippone, Blaise Pascal et Jean Paul 2. Bref, vous n’avez ni compris Pascal, ni compris Jean Paul II, et vous n’avez pas compris la tradition.
xptdr
Bonjour,
Je découvre ce blog avec intérêt… et distance. Ici, je ne partage pas votre optimisme ou plutôt, je ne le comprends pas. Vous vous situez dans le même absolutisme que vos « ennemis », avec cette prétention de détenir, je vous cite, « la Vérité », « la Justice » : quant à moi, j’ai appris à me méfier des majuscules. En quoi consisterait donc cette victoire que vous envisagez vôtre sur le long terme ? Un retour de balancier, la restauration d’un bon vieux temps fantasmé avec la ‘Nature’ – je songe à votre billet sur la contraception : mais quelle est donc cette ‘Nature’ qui dicterait ses normes à l’être humain ? – ou ‘Dieu’ comme autorité fondatrice ? Non pas que le programme de la postmodernité m’enchante plus que ça, mais le vôtre pas plus. Pour moi, il n’y a rien à attendre de quelque programme que ce soit, il s’agit simplement de survivre et éventuellement, si vous êtes assez malin, de prospérer. On peut, comme je le fais à mon échelle insignifiante, chroniquer les avaries du post-monde sans tomber dans l’illusion d’une vérité qui serait à défendre ou pour laquelle il s’agirait de « veiller » : je les ai vus, ces jeunes gens, à peine sortis des langes, debout et silencieux, tenant parfois un panneau contre le mal nommé « mariage pour tous » : je leur souhaite, ainsi qu’à leurs homologues progressistes, de grandir et de découvrir que la vie vaut d’être vécue pour ce qu’elle est et non ce qu’elle devrait être.
Cordialement
– « Ici, je ne partage pas votre optimisme ou plutôt, je ne le comprends pas » Ce n’est pas de l’optimisme, c’est de l’espérance.
– « Vous vous situez dans le même absolutisme que vos « ennemis », avec cette prétention de détenir, je vous cite, « la Vérité », « la Justice » » : remarquons ensemble que jamais nos ennemis ne parlent de la Vérité. C’est logique dans la mesure où elle n’existe pas pour eux : ils ne connaissent ce mot qu’au pluriel, ce qui est un non-sens absolu. Et comme la Justice découle de la Vérité… De plus – et à nouveau -, je ne prétends pas la détenir, la Vérité, mais je sais juste qu’elle existe et je cherche à m’en approcher.
– « Un retour de balancier, la restauration d’un bon vieux temps fantasmé » Vous vous placez de fait, avec cette phrase, dans le camp du progrès, selon lequel il y a une marche de l’Histoire, qui est une marche vers l’avant permanente, sans retour à quelque chose ayant déjà existé qui ne soit un retrogradage. Dans cette optique, tout ce qui est passé doit le rester. Je m’étonne cependant que la démocratie vous semble si enviable : c’est vieux, la démocratie, pourquoi y revenir ? N’est-ce pas un « retour de balancier, une restauration d’un bon vieux temps fantasmé » ?
Je pense qu’on peut très bien décider de remettre au goût du jour des choses qu’on avait rejetées. Je dis bien remettre au goût du jour : il ne s’agit pas de revenir en arrière, mais d’avancer dans une autre direction.
– « mais quelle est donc cette ‘Nature’ qui dicterait ses normes à l’être humain ? » La nature, c’est ce qui fait que chaque chose est ce qu’elle est. Elle ne dicte pas des normes, elle est. Vous dites plus loin : « découvrir que la vie vaut d’être vécue pour ce qu’elle est et non ce qu’elle devrait être ». C’est exactement ça : ça n’est possible que quand on reconnait la nature des choses. Et qu’on accepte qu’il y a une Vérité qui nous dépasse. Sinon on est dans l’idéologie permanente, et si je vous lis bien vous ne trouvez pas ça enviable. Vous avez raison, et sur ce point nous sommes donc d’accord.
– « ou ‘Dieu’ comme autorité fondatrice » : c’est rigolo, je ne parle JAMAIS de Dieu dans mes articles, et à chaque fois on me le ressort en commentaire. Pour m’enfoncer, croit-on. Je n’ai pas besoin d’évoquer Dieu à tous les coins de rues pour justifier ce que je pense.
– « je leur souhaite, ainsi qu’à leurs homologues progressistes, de grandir » Pour quelqu’un qui ne croit pas à la Vérité, je vous trouve bien péremptoire : considérer que les gens qui ne croient pas comme vous sont des gamins insouciants est un tout petit peu orgueilleux, non ? « Il s’agirait de grandir », comme dirait l’autre : vous êtes aussi méprisant, et donc méprisable, que lui. S’il n’y a pas de Vérité, alors pourquoi vous opposez-vous à mes idées ? Elles valent les vôtres, non ?
C’est étonnant quand j’ai survolé le commentaire, je me suis arrêté sur « je leur souhaite, ainsi qu’à leurs homologues progressistes, de grandir et de découvrir que la vie vaut d’être vécue pour ce qu’elle est et non ce qu’elle devrait être. ».
Au au début j’ai cru que c’était un commentaire anti-mariage gay.
J’avais cru lire derrière cette phrase une affirmation du style :
« je leur souhaite, ainsi qu’à leurs homologues progressistes, de grandir et de découvrir que le mariage vaut d’être vécu pour ce qu’il est et non ce qu’on voudrait qu’il soit »
ou encore :
« je leur souhaite, ainsi qu’à leurs homologues progressistes, de grandir et de découvrir que l’altérité homme-femme vaut d’être vécue pour ce qu’elle est et non ce qu’on voudrait qu’elle soit »
etc.
Bon j’ai relu le commentaire en profondeur.
@Agg :
C’est étonnant parce que le mariage gay, la pma, la gpa, les confusions de genre etc. sont des choses qui sont inventées aujourd’hui pour le futur, qui sont décidées pour le futur. Il y n’y a pas longtemps encore ce n’était qu’un hypothétique future, et sur d’innombrable points tout cela tient encore du futur, parce qu’il tient encore à l’homme de le choisir ou non.
Et vous en parlez comme au présent comme si c’était un fait. Vous le préparez sous prétexte qu’il se réalise, alors qu’en fait il se réalise parce que vous le préparez.
Vous acceptez au présent un futur qui n’est encore qu’en puissance et qui ne pourrait être qu’une idée du futur si vous le considérez uniquement comme une idée du futur. Vous vous soumettez pour le futur en prenant acte de ce futur. Vous faites de ce futur la cause et la conséquence de lui-même. En cela vous excluez le libre arbitre humain pour l’abdiquer devant ce qui n’est pas encore .
Vous prenez pour cause d’un acte la conséquences de ce même acte. C’est l’échec de la liberté. C’est l’échec de l’homme. Il n’y a pas de liberté humaine dans un tel schéma mental. Il n’y a que soumission, aliénation, et mort.
Rappelez-vous que le seul futur que vous pouvez acter, c’est votre mort. Si vous prenez pour causes vos conséquences, alors vous travaillez à votre mort.
Vous parlez de survie, ce n’est pas compatible avec le reste du propos.
Bonjour,
Merci de vos réponses.
@Fikmonskov
– Sur la ‘Vérité’ : vos « ennemis » n’en parlent peut-être jamais ou déguisent leur position sous le masque du relativisme, mais ils se comportent de fait en absolutistes, au regard d’un certain nombre d’idées (par excellence, celle du progrès continu de l’Histoire). Je trouve d’ailleurs toujours particulièrement savoureux que les apôtres de la tolérance et du pluralisme se montrent incapables de supporter l’expression du moindre point de vue contraire au leur (ou de tous les petits Marat qui se prennent pour Voltaire).
– Sur l’Histoire : je ne suis pas progressiste, simplement réaliste. En toute rigueur, l’Histoire avance, que cela vous plaise ou non. Maintenant, que l’Histoire avance toujours vers le mieux, je ne le pense pas et pour tout vous dire, je me situe plutôt du côté d’un conservatisme prudent. Mais non pas au titre de valeurs éternelles qu’il s’agirait à tout prix de préserver, bien plus modestement en vertu de montages sociaux qui ont fait leur preuve. Aussi, quand ces montages sociaux s’écroulent, je conçois qu’on puisse rêver d’un « grand matin » ou, à l’autre extrémité du *même* continuum, d’un « grand soir », mais je doute que ce soit là qu’on trouve des solutions satisfaisantes.
– Sur la ‘Nature’ : vous éludez le problème, à mon sens. Ce n’est pas parce qu’une chose est qu’elle est désirable : l’élimination darwinienne des plus faibles à l’oeuvre chez les autres animaux ne me paraît guère enviable chez les humains. De même, restreindre la sexualité à son aspect procréateur ne me semble pas franchement réjouissant. Et dans les deux cas, l’Humanité est allée contre la ‘Nature’ au profit de la civilisation. Quant à ma remarque finale, vous y mettez un absolutisme dans lequel je ne me reconnais pas. Lorsque je parle de vivre la vie pour ce qu’elle est, je plaide pour la reconnaissance du fait que chacun se trouve en « anticipation osée » (Ruyer) sur le réel et par là voué au bricolage, dans une logique d’adaptation nécessaire, loin justement de toute ‘Vérité’.
– Sur ‘Dieu’ : loin de moi l’idée de vous « enfoncer », je viens juste échanger des points de vue. Je vous faisais seulement remarquer qu’à partir du moment où vous défendez l’idée d’une ‘Vérité’, vous n’avez d’autre choix que de recourir, à un moment ou à un autre, à un absolu pour la fonder, ‘Dieu’ étant le plus coutumier.
– Sur la maturité : nul mépris dans mon propos à l’endroit des jeunes gens défendant un idéal, quel que soit leur camp, plutôt de la réserve teintée d’ironie. Maintenant, vous avez raison, vos idées valent tout à fait les miennes, la différence, c’est que je tiens mes idées pour de simples préférences, là où vous faites des vôtres de grands principes que tous devraient accepter.
@illwieckz
J’étais parti pour vous répondre sur le « mariage gay », mais je me suis dit que ce n’était pas le lieu. Pour vous la faire courte, je pense que cette question aurait mérité mieux que le manichéisme rampant qu’il m’a été donné de voir et, en aval, qu’une mauvaise loi. Il me semble que notre droit autorisait un montage juridique permettant à chacun de s’y retrouver sans tomber dans l’idéologie.
J’en viens au fond de votre message. Vous avez raison sur un point : je ne crois pas au libre arbitre. Pour moi, l’homme choisit toujours sur fond pulsionnel, dans une logique de gratification narcissique. J’ai l’impression que de votre côté, vous croyez encore en un homme rationnel, capable de fonder son action sur de grands et nobles principes : c’est très beau à lire, mais ce n’est pas ce que je constate au quotidien en observant le monde, ce n’est pas non plus ce que nous enseigne l’Histoire. Quant aux inventions dont vous déplorez l’avènement prochain, je me fie pour ma part au principe de Gabor (1964) : « Tout ce qui est techniquement faisable se fera, que sa réalisation soit jugée moralement bonne ou condamnable ». Je pense que les seules bornes humaines à l’autodestruction sont la crainte et l’intérêt : si notre planète n’a (pas encore) disparu sous le feu nucléaire, c’est grâce au souvenir encore vivace de Nagasaki et Hiroshima, pas parce que les êtres humains seraient devenus tout soudain raisonnables.
> J’en viens au fond de votre message. Vous avez raison sur un point : je ne crois pas au libre arbitre. Pour moi, l’homme choisit toujours sur fond pulsionnel, dans une logique de gratification narcissique. J’ai l’impression que de votre côté, vous croyez encore en un homme rationnel, capable de fonder son action sur de grands et nobles principes : c’est très beau à lire, mais ce n’est pas ce que je constate au quotidien en observant le monde, ce n’est pas non plus ce que nous enseigne l’Histoire.
Cela me rappelle une émission que j’ai entendu à la radio, en période de Noël. L’invitée était psychologue, elle affirmait avec conviction que le don gratuit n’existait pas. Elle tenait pour preuve les milliers de consultations qu’elle avait faites et elle pouvait effectivement se targuer d’avoir pu étudier une très large population, et ce de manière intime. Le don gratuit n’existait pas, puisqu’elle ne l’avait jamais rencontré.
Là où cette femme se trompait, c’est que son expérience ne montrait pas que le don gratuit n’existait pas, son expérience montrait seulement qu’aucune des personnes qui ont eu besoin de la consulter ne savait donner gratuitement.
D’une certaine manière, le médecin affirmait que la santé n’existait pas puisque seuls des malades réclamaient ses services.
Le libre arbitre a cela de commun avec le don gratuit, c’est qu’il est quasiment impossible (impossible tout court ?) d’en témoigner pour quelqu’un d’autre. Et sans le témoignage d’un tiers, le témoignage de soi-même ne vaut pas.
Ainsi, la réalité du don gratuit comme la réalité du libre arbitre ne se vérifie que par sa propre expérience, et elle ne peut pas être démontré à un tiers.
Je suis convaincu de la réalité du don gratuit, et convaincu de la réalité du libre arbitre. Mais je ne pourrai pas vous démontrer si j’en ai fait l’expérience et comment.
> Quant aux inventions dont vous déplorez l’avènement prochain, je me fie pour ma part au principe de Gabor (1964) : « Tout ce qui est techniquement faisable se fera, que sa réalisation soit jugée moralement bonne ou condamnable ». […] si notre planète n’a (pas encore) disparu sous le feu nucléaire, c’est grâce au souvenir encore vivace de Nagasaki et Hiroshima, pas parce que les êtres humains seraient devenus tout soudain raisonnables.
C’est malheureusement vrai, à part que je ne serai pas aussi catégorique sur le «seul». On raconte parfois cette anecdote du prix nobel de la paix Anjezë Gonxhe Bojaxhiu. Un jour une personne lui aurait demandé si elle avait une solution aux drames de ce monde (famine, guerre, misère etc.), elle aurait répondu par l’affirmative. Alors la personne aurait demandé quelle était cette solution, elle aurait répondu que cette solution était très simple, qu’elle consistait à «changer toi et moi».
Et finalement, tous les drames, même les plus grands, l’étendue du Nazisme ou la ponctualité de Nagasaki, tous les drames se sont joués à une seule personne, à la fois. Cela peut faire beaucoup de monde au final, mais il a fallu nécessairement que la question soit soumise au jugement de chaque conscience morale individuelle, à chacun, chacun son tour.
On se souvient difficilement de ce qui a été refusé par chacun, et qui ne s’est pas produit.
Pour changer le monde il suffit d’une seule personne, à la fois.
Mais comme pour le libre arbitre ou le don gratuit, cela ne se vérifie que par une seule personne, à la fois.
> Je pense que les seules bornes humaines à l’autodestruction sont la crainte et l’intérêt
Je ferai une petite incursion dans le fait religieux pour me permettre une analogie, la théologie catholique distingue la contrition imparfaite et la contrition parfaite. La contrition imparfaite serait le regret des fautes par crainte du châtiment du puissant (ici, Dieu), la contrition parfaite serait le regret des fautes par amour de l’être aimé (ici, Dieu). Le même schéma est applicable au jugement moral des actes à poser. De plus, l’intérêt peut se confondre avec la crainte, l’intérêt vise l’acquisition, acquisition qui résout la crainte de l’absence.
Au final, il ne reste plus que la distinction entre le jugement moral imparfait, et le jugement moral parfait, le jugement moral imparfait étant celui motivé par la crainte ou l’intérêt, le jugement moral parfait étant l’expression du libre arbitre en faveur d’un don gratuit. Ce qui ne se vérifie qu’une personne à la fois, pour elle seule.
Comme cette expérience ne peut être transmise que par le témoignage et qu’elle ne peut être vérifié autrement que par soi-même, seule la foi est le support de cette connaissance.
Alors oui, j’y crois. Je crois au libre arbitre, et je crois au don gratuit. Et je suis persuadé que les mobilisations que l’on a vu et qui vont probablement continuer ont été motivées en grande partie par cet acte de foi, ou au moins son espoir.
Cela ne peut nier la grande part d’incompréhension et de crainte qui a certainement été très efficace pour mobiliser les foules. Mais je suis certain que la crainte n’était pas seule. Certaines matérialisations du mouvement, comme les veilleurs, en sont le témoignage. La crainte ou l’intérêt ne sont pas seuls. Il y a plus. Il y a autre chose. Et c’est cette autre chose qui permet la victoire.
Je crains que la notion de libre arbitre n’ait été réfutée depuis belle lurette. Spinoza nous avait avertis : ce que nous appelons « libre arbitre » renvoie à l’ignorance des causes qui nous déterminent. Et de fait, quand on regarde ce que nous dit la science positive sur le jeu décisionnel humain (Berthoz, 2003), on se rend compte que le libre arbitre n’y a pas sa place et que ce que nous concevons naïvement comme des choix rationnels relève en réalité d’une cascade de processus cérébraux en réaction à des états émotionnels. D’où la conclusion, terrible, qu’aucune éthique, aucune sagesse, ne changera le monde, parce que l’être humain n’est pas cet « animal rationnel » que d’aucuns dépeignent, mais bien plutôt un « animal émotionnel » qui rationalise a posteriori ses réactions.
Vous parlez de « victoire » : mais la victoire de quoi, au juste, sinon de *vos* préférences contre celles d’autrui au terme d’un conflit politique et jusqu’à la prochaine fois ? Jean-Pierre Sueur a raison à mon sens lorsqu’il rappelle, au scandale de certaines oreilles, que la loi n’est jamais que la transcription dans notre droit de l’état d’un rapport de force à un moment donné.
Juste une question : pourquoi ne vous êtes-vous pas déjà tiré une balle ? Après trois de vos commentaires, l’envie m’en titille déjà.
Vous êtes déprimant, mon vieux.
@Fikmonskov
Pour répondre à votre question, je ne résiste pas au plaisir de vous citer ce bref passage du « Blumroch l’admirable » de Louis Pauwels :
« La semaine dernière, j’ai osé lui demander :
– Joseph, pour quoi vivez-vous ?
Il m’a répondu sans hésiter :
– Parce que j’ai commencé, et qu’il y a un phénomène d’inertie.
Cependant, ou en conséquence, l’esprit toujours guilleret. »
La réponse porte sur le « pourquoi », pas sur le « pour quoi ».
La question, plutôt. Las, moi qui étais tout fier de ma citation, vous me cassez mon petit effet ! Mais soit, je vais vous répondre sérieusement. Vous me demandez pourquoi je ne me suis pas tiré une balle : mais précisément parce que je n’ai pas de raison de vivre et donc, contrairement à feu Dominique Venner, pas d’idéal auquel sacrifier. Comme le chantait Brassens, si « mourir pour des idées » avait quelque intérêt pour l’Humanité, depuis le temps qu’on s’y amuse, « au paradis sur terre on y serait déjà ». Quant moi, je savoure mon néant d’existence et ma seule morale est celle de mon intérêt bien compris, que je me garde de jamais confondre avec une hypothétique ‘Vérité’. Le bruit et la fureur de ce monde me font parfois rire, parfois pleurer et j’en témoigne à l’occasion par quelques exercices de style sur mon blog : cela suffit amplement à mon bonheur. Bref, je m’emploie à me foutre du monde au moins autant qu’il se fout de mézigue. Je n’ose songer à l’indignation mêlée de pitié que vous éprouvez pour le pauvre hère que je suis. Vos « ennemis » en feraient de même, tous convaincus qu’ils sont eux aussi d’avoir quelque chose à défendre. C’est un ravissement pour moi que d’être ainsi entouré de toutes ces belles âmes.
« Vos « ennemis » en feraient de même, tous convaincus qu’ils sont eux aussi d’avoir quelque chose à défendre. » Je ne crois pas. Vous êtes leur copie quasi-conforme, quand vous n’avez de fait rien à voir avec moi. Mais au moins avez-vous la décence de ne pas vouloir imposer (trop) votre nihilisme à tout le monde. C’est pourquoi vous m’êtes sympathique malgré tout 😉
@Fikmonskov
C’est amusant, parce que lorsque je discute avec des réactionnaires, je me fais traiter de progressiste. Et lorsque je discute avec des progressistes, je me fais traiter de réactionnaire. Mais non, vous avez vu juste sur ce point : je suis nihiliste, c’est-à-dire que je ne crois à rien, que je n’absolutise aucune valeur et que je n’entends pas imposer mes petites préférences au reste du monde. Comparez avec vos « ennemis », qui font leur religion du progrès, se répandent en moraline et se battent pour l’avènement de « l’empire du Bien » (Muray) : lors vous comprendrez que je n’ai rien de commun avec eux.
> Je crains que la notion de libre arbitre n’ait été réfutée depuis belle lurette. Spinoza nous avait avertis : ce que nous appelons « libre arbitre » renvoie à l’ignorance des causes qui nous déterminent. Et de fait, quand on regarde ce que nous dit la science positive sur le jeu décisionnel humain (Berthoz, 2003), on se rend compte que le libre arbitre n’y a pas sa place et que ce que nous concevons naïvement comme des choix rationnels relève en réalité d’une cascade de processus cérébraux en réaction à des états émotionnels.
« Si on regarde la science […] on se rend compte que le libre arbitre n’y a pas sa place » – Comme le médecin qui ne regarde que les malades ? Avec un marteau, tout ressemble à un clou. Échec.
Pour développer : vous limitez votre postulat de départ, c’est sans étonnement que votre conclusion est ignorante de ce que vous avez exclu. La science traite de la connaissance. La connaissance est factuelle. Le fait n’a pas de libre arbitre. Le libre arbitre n’est pas une science. Le libre arbitre n’est pas une connaissance. Le libre arbitre n’est pas un fait. Le libre arbitre est inconnu. Le libre arbitre n’est pas de soi, le libre arbitre se réalise. Il ne tient qu’à vous.
> D’où la conclusion, terrible, qu’aucune éthique, aucune sagesse, ne changera le monde, parce que l’être humain n’est pas cet « animal rationnel » que d’aucuns dépeignent, mais bien plutôt un « animal émotionnel » qui rationalise a posteriori ses réactions.
« D’où la conclusion […] l’être humain n’est pas cet « animal rationnel » » – Avec un marteau, tout ressemble à un clou (bis). Échec.
Pour développer : le libre arbitre transcende la raison. Votre postulat exclu le principe de transcendance, et ne peut donc pas permettre l’étude du libre arbitre. Votre conclusion n’appartient donc qu’à l’univers restreint que vous formez et qui n’est qu’une altération de la réalité. Cette altération de la réalité ne permet pas le libre arbitre. Il ne tient qu’à vous.
> Jean-Pierre Sueur a raison à mon sens lorsqu’il rappelle, au scandale de certaines oreilles, que la loi n’est jamais que la transcription dans notre droit de l’état d’un rapport de force à un moment donné.
Avec un marteau, tout ressemble à un clou (ter). Échec.
Pour développer : Vous prenez pour postulat de départ un univers restreint où seule la force est puissante. La loi ne peut donc être qu’une expression de cette puissance. Il ne tient qu’à vous.
> « La semaine dernière, j’ai osé lui demander :
> – Joseph, pour quoi vivez-vous ?
> Il m’a répondu sans hésiter :
> – Parce que j’ai commencé, et qu’il y a un phénomène d’inertie.
> Cependant, ou en conséquence, l’esprit toujours guilleret. »
Intéressant, cela pose les questions du parquoi, du pourquoi et du comment. Joseph répond à « par quoi il vit » par « parce que j’ai commencé », il répond à la question du « comment il vit » par « l’esprit guilleret », mais il ne répond pas à la question « pour quoi il vit ». Aucune de ses réponses ne commencent par « pour ». Échec.
Pour développer : Une réponse « pour » peut être « pour réaliser ». Le libre arbitre réalise. La science ne peut que constater la transformation, rappelez-vous Lavoisier. La science ne connaît que la transformation, l’art scientifique ne peut que transformer. La science ne traite pas de réalisation. Il ne tient qu’à vous.
Rabelais a écrit « Science sans conscience n’est que ruine. »
Qu’est ce que la conscience ? Littéralement « avec la science ». Le libre arbitre n’est pas science, le libre arbitre est avec la science. Si vous ne gardez que la science, il n’y a que le néant, la science même n’étant alors que néant. Il ne tient qu’à vous.
> vous avez vu juste sur ce point : je suis nihiliste
Pour être nihiliste, il faut que vous ne soyez pas nihil. Échec.
Pour développer : vous ne pouvez nier que la réalisation, vous ne pouvez niez l’existence. Si vous niez la réalisation, ce n’est qu’un refus. Il ne tient qu’à vous.
> lors vous comprendrez que je n’ai rien de commun avec eux.
Vous avez mal écrit, vous auriez du écrire :
> lors vous comprendrez que rien.
Il ne tient qu’à vous.
(NB: certains disent que la divergence est nécessaire au génial).
Hubert : Un philosophe a dit un jour : « le mystère des pyramides c’est le mystère de la conscience dans laquelle on n’entre pas ».
Sétine : Les pharaons se faisaient enterrer avec leurs serviteurs.
Moeller : Lorsqu’on meurt souvent on voudrait que tout s’arrête avec soi.
Hubert : Mais c’est le cycle même de la vie. Lorsque quelqu’un ou quelque chose meurt, quelqu’un ou quelque chose naît ailleurs.
Sétine : Nous tentons d’oublier que nous sommes des animaux, mais la nature nous le rappelle. Parfois cruellement…
[Silence]
Moeller : Les scientifiques font des expériences sur des mouches drosophiles parce que la structure de leur cerveau est extrêmement proche de la notre…
Sétine : Le cheval nous voit plus grand que nous sommes avec son oeil. Ce n’est que grâce à cela que nous l’avons domestiqué.
Moeller : C’est notre oeil et notre regard qui nous dictent notre façon d’agir par rapport aux autres. Mais on peut être myope.
Pelletier : Ah.
Hubert : L’aveugle ne voit pas. Il ressent. Et paradoxalement il voit !
Moeller : Si le chat a la queue verticale c’est qu’il est en confiance.
Sétine : Le cul de jatte a une jambe qui le démange encore.
Hubert : Quand une femme change d’homme, elle change de coiffure.
Moeller : Il faut laisser pleurer un nourrisson quand il va au lit. Sinon, on sacralise trop son coucher.
Pelletier : … Hmm, on va boire un verre ? Prendre un pot au bar ? Un petit godet ? Hmm ?
@illwieckz
– Sur le libre arbitre : vous croyez à la magie, c’est votre droit. Mais votre analogie est fallacieuse : le médecin ne voit pas que les malades, le médecin distingue les malades des bien-portants sur la base d’une norme de fonctionnement de l’organisme humain. Rien de tel avec le libre arbitre qui ne peut être, selon votre définition même, qu’une transcendance du déterminisme, c’est-à-dire du hasard pur, une création ex nihilo ou, pour le dire en magicien, un lapin qui apparaît spontanément dans le chapeau. Moi, je veux bien, mais dans la mesure où, sans même parler de science, la simple fréquentation des êtres humains montre une régularité étonnante de leurs comportements, j’en déduis que vous êtes imprévisible. Je rajouterais que si la science, qui s’appuie sur un postulat déterministe, ne peut en effet pas prouver positivement le libre arbitre, elle peut le prouver négativement : il suffirait de buter contre une rupture causale. Par exemple et pour en revenir à la neurophysiologie, montrer que la conscience de la décision de poser un acte chez un sujet précède, ne serait-ce que de quelques millisecondes, la préparation neuronale de cet acte. Malheureusement, c’est l’inverse qui se produit (voir notamment les travaux de Benjamin Libet) et notre seule « liberté » semble résider dans la capacité d’inhiber un acte en préparation.
– Sur la loi : ce n’est pas un postulat, c’est un constat, non pas même scientifique, mais banal. Seule la force marche en ce bas monde. Prenons, par exemple, le droit de s’exprimer librement. Ce droit ne vaut que par le jeu de tensions entre les partisans de la liberté d’expression et les partisans de la censure, à l’avantage des premiers. Si demain, les censeurs s’imposent, par la loi ou par la violence, ce droit n’existera plus et il vous en coûtera fort cher si d’aventure vous persistez. Le « mariage pour tous » est un autre exemple, d’actualité : malgré l’opposition de centaines de milliers de personnes, c’est le lobby LGBT, moins nombreux mais beaucoup plus fort politiquement, qui a gagné et qui a vu ses revendications inscrites dans la loi.
– Sur Blumroch l’admirable : la réponse, pleine de malice, de Joseph, dynamite la question posée. Vous semblez incapable de concevoir qu’on puisse vivre sans avoir une raison qui embrasserait la totalité de l’existence, lui donnerait son sens et son but. Et il ne s’agit pas de s’en tenir à la science, cette dernière n’est qu’un outil de connaissance du réel, elle ne prescrit aucune norme, ne délivre aucun sagesse. Votre erreur à mon sens tient à ce que vous faites comme si vous aviez le choix, comme si, du haut de je ne sais quel promontoire imaginaire, vous contempliez votre existence et décidiez de sa direction, en metteur en scène génial. Pour moi, on vit, sans rime ni raison, ou plus exactement on s’invente des raisons au fur et à mesure et on présente au monde une façade de cohérence – qui ne trompe personne.
– Sur le nihilisme : il ne consiste pas à nier mon existence, seulement à constater que cette existence n’a pas de sens, que rien ne la fonde d’un point de vue axiologique et que dès lors ce que j’en « fais » est indifférent. Vous répétez, comme pour vous en convaincre, « il ne tient qu’à vous » : mais non, justement, il ne tient pas qu’à moi, il ne tient à personne, en fait, de « réaliser » quoi que ce soit. Il me paraît fautif de penser que l’homme fasse quoi que ce soit, il n’en a tout simplement pas l’envergure. Le libre arbitre, la finalité : voyez comme ces fictions soulagent instantanément l’existence de son caractère désespérant ; on peut agir, il y a un sens à tout ça, il faut se battre. Occuper l’animal malade le temps de sa courte vie.
@Olivier
C’est évidemment Pelletier qui a raison. Mais je soupçonne mon inconscient de ne me pousser au débat que pour en arriver à tâter du cubi en fin de soirée. Sans doute un reliquat surmoïque.
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