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Ce texte répond à mon article de propositions pour l’avenir, que je vous invite d’abord à lire en cliquant ici, si ce n’est pas déjà fait.
(Je vous invite également à lire les autres articulets du genre de celui-ci, dont vous trouverez les liens en cliquant ici : ils se répondent tous un peu, tant il est vrai que, comme souvent, tout est lié, et même imbriqué.)
Dans ce texte, je raconte ma vie telle que je l’imagine dans dix ans. Je n’y suis pas seul : j’ai femme et enfants, certes, mais j’ai aussi beaucoup parlé de deux autres couples, Jean-Claude et Jeannine, et Raphaël et madame. Les trois prénoms désignent des personnes qui existent vraiment, et avec qui nous réfléchissons à tout ça depuis un moment. J’ai dit que JC est le parrain de ma fille ainée, ce qui est vrai, et que je suis le parrain de sa fille ainée, ce qui est à moitié vrai : nous ne savons pas encore si ce sera un aîné ou une aînée. Jeannine est sa femme. Raphaël est mon frère. Bref, ce sont des vrais gens, et si je les ai placés si près de nous, c’est parce que nous envisageons de vivre proches les uns des autres.
J’ai titré cet article « vie en communauté », c’est à nuancer : je ne prévois pas d’avoir une vraie vie communautaire. Peut-être sera-ce le cas, ou peut-être au contraire vivrons-nous finalement plus loin les uns des autres que ce que j’ai imaginé. Le commentaire d’ArmeL le dit bien : nous ne savons pas à quel point nous supporterons de vivre collés les uns aux autres. C’est une évidence : on ne peut pas vraiment savoir, même si on se connait très bien.
Au-delà de notre cas particulier, la réflexion qui me fait écrire « vie en communauté » est la suivante : vivre ce retour à la terre seul est à mon avis très risqué pour l’immense majorité de ceux qui voudraient le faire. C’est un changement de vie assez radical, une plongée dans un monde que la plupart des candidats ne connaissent pas réellement. Le risque majeur est de s’enfermer sur soi-même : isolé dans un monde complètement différent de celui dans lequel nous avons grandi, le risque est grande de finalement ne plus sortir de chez soi, de s’enfermer dans sa petite routine coupée du monde, et finalement d’imploser, de disparaître, de se couper du monde, et de mourir sans donner le moindre fruit.
Je pense qu’il est sain et raisonnable d’envisager de partir à plusieurs, pour ne pas se retrouver tout seul, pour avoir quelqu’un sur qui compter, des amis à retrouver. Sur un plan plus pratique, il me semble intéressant de pouvoir regrouper les outils de production : un potager pour deux familles peut être plus productif que deux potagers individuels ; un tracteur pourra servir aux deux ou trois familles ; un four à pain pourra fournir tout le monde ; il pourra s’avérer plus facile d’assurer une traite quotidienne d’une ou deux vaches à plusieurs ; etc.
Mais ce n’est pas non plus sans risques : il est tout aussi possible de considérer que ce quelqu’un nous suffit, avec le même résultat que si on était seul, à ceci près qu’on est seuls à plusieurs. Mais on meurt tout autant, et sans beaucoup plus de fruit.
L’objectif ne doit surtout pas être de créer un petit ghetto de « gens comme nous », qui vivrait en circuit fermé. Au contraire : chacun doit aider tous les autres à sortir vers le reste du monde. Chacun doit être un moteur pour les autres, et surtout pas un poids qui les retiendrait au fond.
Ça implique enfin à mon avis de ne pas partir trop nombreux : s’il faut pouvoir compter sur des amis, il faut aussi que ces amis ne puissent suffire, afin que l’ouverture au reste du monde soit indispensable, ne serait-ce que sur un plan pratique. À chacun ensuite de dépasser la nécessité purement matérielle pour aller plus loin et rentrer dans une vraie relation inter-personnelle avec les gens vivant autour de nous, quels qu’ils soient.
En un mot : faire le grand saut à plusieurs est à mon avis un bon moyen de faciliter l’ancrage local, à condition que ce soit un objectif clair pour tous. Et même avant ça, c’est aussi probablement, pour beaucoup, le seul moyen de faire le grand saut : à plusieurs, on se motive mutuellement. Seul, on peut finir par se convaincre que c’est utopique et qu’on ferait mieux de rester comme on est.
Ceci étant posé, à chacun de définir les modalité de cette vie à plusieurs. J’en ai croisés cet été qui vivaient dans des maisons séparées mais travaillaient ensemble tous les jours et partageaient tous les déjeuners. D’autres au contraire choisiront de conserver une distance d’un kilomètre entre les maisons de chacun, pour s’assurer une vraie intimité familiale. Et tous les intermédiaires sont possibles.
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Peut-être commencer par vivre assez proche pour l’installation (genre corps de ferme pour tous) puis petit à petit chaque famille s’installe dans un corps de ferme différent. C’est une solution 🙂
Le risque de commencer à vivre très proches, c’est qu’effectivement ça peut passer l’envie de vivre proches… Il faut en effet être prudent avec ça, ArmeL a raison : à trop vivre les uns sur les autres, on peut rapidement ne plus se supporter.
Pas d’accord avec toi Raph. Je pense effectivement comme ArmL et Fik. Vivre pas loin des uns des autres et une bonne chose, mais vivre les uns sur les autres sera mauvais à terme. Il suffit de voir ce que ça donne quand deux familles (je te laisse deviner lesquelles), qui s’entendent pourtant bien, vivent trop tout le temps les uns avec les autres…
La « vie communautaire » ne doit pas se faire au détriment de la vie de couple et de famille.
L’équilibre est toujours à chercher. Comme en toutes choses.
Il n’y a pas de modèle unique. Partant des mêmes grands principes, les modalités peuvent diverger fortement suivant les personnes et les circonstances.
Mais la mise en commun et le partage, d’une manière ou d’une autre, plus ou moins grands, sont un avantage certain et quelque chose qu’on a eu tendance à mettre singulièrement de côté.
Je crois que ce qu’on pourrait appeler la « vie de village en bon voisinage » est une réponse à creuser.
Le départ à plusieurs est très bien pensé. Ca, c’est une idée neuve pour moi.
Un des avantages non présenté est celui des vacances. Quand on est 3 à bosser pour l’élevage, on peut facilement laisser un des trois prendre une semaine de vacances, même si un deuxième à des obligations à droite à gauche. Ici on parle de familles donc ça augmente le nombre de personnes, mais si les mêmes font régulièrement les mêmes tâches, ce groupe offre de la souplesse très intéressante. Et le partage est bien sûr une super idée. En sachant que sans vouloir fabriquer un nouveau monastère, il y a surement des règles de vie qui sont sources de grandes inspirations chez eux. Ca peut être une belle piste à creuser.
D’ailleurs, cette idée de 3-4 comme départ pour un foyer qui rayonne ensuite largement, ça me semble super.
Bref pratiquer la vie à la campagne telle qu’elle se pratiquait encore il y a un demi siècle.
C’est ça. Mais certains ont oublié 😉
Rassurez vous y compris à la campagne, L’ambiance entre les derniers agriculteurs est loin d’être ce qu’elle devrait être dans l’intérêt de tous.
C’est souvent tout pour ma gueule, rares sont ceux qui échappent à l’esprit de l’époque.
@Fik et Athénaïs : Je suis d’accord aussi avec ArmEL, mais c’est peut-être envisageable pour une courte durée, le temps de trouver un peu plus loin, ou pour la transition. Je parle en général, c’est pas forcément à appliquer pour notre cas 🙂
@Raph : vivre dans un même corps de ferme a plusieurs célibataires est beaucoup plus envisageable que de vivre à plusieurs familles. Perso, je trouve ça trop risqué pour des familles, même si c’est transitoire.
Ah ben voilà, je suis même cité dans l’article, la claaaaasse !!!!!
Et sinon, tout ça me fait de plus en plus penser à mon voisin landais, qui lui a réussi son ancrage local sans vraiment avoir de communauté autour de lui… PMalo, je crois vraiment qu’il te plairait ce gars. En tout cas moi je l’adore……..
Ceci dit, l’ancrage local peut se vivre en ville : dans notre quartier où je fais tout à pied, mes enfants grandissent avec des copains-voisins, je vis l’entraide à fond depuis que je suis (à nouveau) seule… On s’appelle entre nous le kibboutz !
Il y a des coins de France où des villages entiers sont à vendre. Il me parait plus réaliste d’acheter pour commencer 3 bicoques avec terrain au sein ou en lisière d’un village existant qu’un corps de ferme, même avec dépendances… Ca permet une vie de village plus immédiate, en temps comme en géographie, et plus ouverte. J’ai été *stupéfaite* de constater il y a deux ans le quasi-abandon de certains coins très jolis entre Bordeaux et Poitiers, via Angoulême. Commerces fermés, maisons à vendre,… Et encore, on n’a pas quitté la nationale, donc on peut facilement imaginer ce qu’il en est à 20km de ladite route… Dans le coin Gueret, Montluçon, pareil, il ne reste que quelques petits vieux à attendre la mort… ou le renouveau. Le télétravail change la donne, le satellite couvre les zones grises, les grosses agglos ont montré leurs limites en terme de qualité de vie et facilité à trouver du travail.
Et puis des villes entières, Limoges, Vichy, attendent une impulsion, aussi. Donc s’installer au bled pas loin de ces villes peut offrir des opportunités de travail.
Exact tout cela.
Il existe encore des hameaux entiers à vendre pour pas trop trop cher (tout est relatif…), mais dans des coins vraiment très très paumés, ou des ruinasses bonnes à raser…
L’exode rural est encore massif… certaines régions sont des déserts peuplés de petits vieux.
Dans les environs de chez moi, il y a beaucoup de petits hameaux de moyenne montagne, encore assez vivants.
Il y a 40 ans, on pouvait acheter 4-5 maisons presque habitables et les terrains autour pour 50 000 francs… Aujourd’hui, compter le triple, et en Euros (donc x 20, en gros). Hallucinant !!!
Fik, si ça t’intéresse, je peux te mettre en relation avec des gens (que tu connais au moins de nom) qui font une expérience assez intéressante.
Pas de projet communautaire et/ou agricole en particulier, mais un mec plein de thunes qui retape des vieilles bicoques (et de quelle manière !!) sur ses terres et qui les propose pour des loyers très modérés à des gens dans le but de revivifier le coin. C’est dans la pampa près de Montélimar (pas vraiment ta zone…).
J’y étais passé un we il y a presque 2 ans.
Tu m’en avais effectivement parlé à l’époque. Pas tellement mon objectif, ni la région. Ceci dit, ça peut peut-être être intéressant. Surtout s’il est motivé pour déplacer le concept 😉
PMalo, c’est tout simplement génial, ce concept ! Je n’en avais jamais entendu parler… Je suppose qu’il avait quand même pas mal de thune au départ pour initier la dynamique, non ?
Fik : le concept est déplaçable… reproductible, plutôt : si tu trouves un mec pété de fric avec quelques milliers d’hectares et des baraques partout, qui est prêt à investir à perte là-dedans…
Parce que lui, il est près de Montélimar. Ses terres, c’est vaste, mais ça va pas si loin que chez oit 😉
Isa : je crois qu’il préfère être discret… j’en ai peut-être d’ailleurs trop dit.
Oui, il a l’air de ne pas être vraiment dans le besoin. Après, comment il a tout ce pognon, je n’en sais trop rien (les terres, c’est un héritage sur plusieurs (dizaines de) générations, c’est différent)… Peut-être mauvaise conscience quelque part ? et sûrement volonté de mettre cette fortune au service d’une belle et bonne action !!
M’enfin, y a pas besoin d’avoir mauvaise conscience de quoi ou qu’est-ce pour faire quelque chose de chouette, c’est quoi, ce réflexe universel de chercher la petite bête ? La phrase « ouais, c’est bien ce que tu fais, mais tu te donnes bonne conscience, là, en fait, non ? » me sort par les yeux… Il est riche, tant mieux pour lui, il en fait quelque chose de bien, tant mieux pour les autres et pour le salut de son âme. Point. 🙂
Oui, mais…
‘Scusez-moi de chercher la petite bête, mais le monde étant ce qu’il est et notre système économique étant la structure de péché qu’il est, et de plus en plus, j’ai toujours du mal à comprendre sincèrement comment on peut avoir gagné beaucoup beaucoup beaucoup d’argent en ayant réellement fait du bien.
En conscience.
Je ne dis pas ça pour rigoler, ni pour préjuger de la conscience des autres.
Je me suis posé la question pour moi, il y a quelques années, à l’heure des grands choix, et ai choisi en conscience de ne pas gagner d’argent, alors que j’aurais (peut-être) pu. Ou de le mériter, réellement, à la vraie sueur de mon vrai front à moi, pour un vrai travail, et quand j’en ai vraiment besoin.
Ce qui fait beaucoup de conditions… et peu d’argent à l’arrivée.
On m’a très souvent incité, à l’époque, et j’y ai sérieusement songé, d’être raisonnable, comme tout le monde, de pas faire le con, et de me trouver un bon boulot bien payé (quitte à ce que ce ne soit pas très intéressant) pour avoir les moyens de me payer mes rêves.
Ben non, désolé. Parce que mon boulot, même bien fait, consciencieusement, sans avoir rien à me reprocher personnellement, me faisait bosser pour des boîtes ou des clients dont je doute sérieusement du bien-fondé de leur action, pour dire les choses calmement et correctement.
Mais c’est le système qui est en cause, pas nécessairement toutes les bonnes volontés qui y sont enfermées parfois malgré elles. Et hélas ce sont toutes ces bonnes volontés, plus ou moins conscientes d’être acteurs et victimes consentantes du merdier, qui font que le merdier tourne…
Allez hop : « Les quatre fléaux », de Lanza del Vasto.
Le péché originel et toutes ses conséquences déployées dans le temps…
C’est drôle, je pense soudain à Kerviel. Bizarre, non ?
Ça répond aussi pas mal au « pourquoi sortir du système monétaire », ça.
il a peut être gagné au loto le gars … je joue rarement mais si je gagnais vraiment beaucoup d’argent ça pourrait être un concept qui m’intéresserait. Ça et faire du micro crédit et du subventionnement d’assos (mais d’assos locales, où l’on voit ce qui est fait et où passe l’argent, pas forcément les gros machins).
J’y ai pensé, au loto, c’est sûr, c’est tentant. Sueur au front, toussa.
Mais… non.
Je pense (pour en connaître, déjà) qu’on peut être riche sans avoir pour autant contrevenu à aucune règle morale même chatouilleuse. Evidemment, par héritage, en premier lieu. Et puis il peut y avoir des boulots rentables qui ne consistent pas forcément pour autant à écraser ses voisins. Si je fais une découverte absolument géniale, je peux devenir riche. Si je suis un vrai grand artiste, je gagne beaucoup d’argent. Tout dépend du regard que l’on porte sur cette richesse matérielle. Si j’ai tout fait pour être riche, il y a de gros risques que l’argent soit mon mauvais maître. Si je suis riche sans l’avoir vraiment recherché ET que j’utilise ma richesse à faire le bien, alors l’argent est un bon serviteur. Et ça, c’est valable de toute éternité, depuis le premier humanopithèque qui a déclaré « Abunga » (= « C’est à moi ») …
Oui, je ne le nie pas. (Quoique : « Si je suis un vrai grand artiste, je gagne beaucoup d’argent. » La causalité directe me paraît un peu juste… 😉 )
Mais c’est un peu plus que léger, ça ne prend en aucun compte la réalité du système économique dans lequel nous vivons, qui est totalement vérolé et vérolant.
Même la plus vertueuse des personnes ne peut absolument pas être sûre de la pureté de son fric, tant les mécanismes sont complexes, tant les intermédiaires sont nombreux, tant c’est un bordel inextricable que d’ailleurs plus personne ne sait gérer.
Et franchement, si je regarde la réalité des métiers les plus rentables et des personnes les plus riches, j’ai du mal à y voir du bon.
Alors, oui, peut-être, mais à la marge de la marge.
Insignifiante, la marge.
« Je pense qu’on peut être riche sans avoir pour autant contrevenu à aucune règle morale même chatouilleuse. »
Comme je l’ai déjà dit, le problème n’est pas tant la moralité des personnes prises individuellement, parfois bonnes et justes et sincères, que le système en tant que tel, qui est structurellement pervers.
Il y a des années que j’imagine ça, je crois que j’ai commencé assez jeune. Je n’étais même pas encore fascinée par La petite maison dans la prairie.
Je pense que la douleur éveille l’esprit si elle est transcendée et dépassée, mais pas la solitude. Au contraire, je crois qu’on est, en couple, 4 fois plus fort que seul, car chacun est fortifié et profite aussi de la fortification de l’autre.
Et je pense qu’une vie en communauté comme celle que tu racontes dans le lien dans l’article est utile pour affronter la vie en société plus efficacement.
Mais à condition de partager des choses profondes, des valeurs sérieuses.
Les premières communautés chrétiennes pourraient elles nous éclairer sur le sujet ?
Évidemment 🙂
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