Étiquettes

, , ,

Dans la première partie (que vous devriez d’abord aller lire en cliquant ici), nous avons vu que bien souvent les gens qui constatent un problème et décident de tenter de le régler ne font en fait que proposer des solutions à très court terme, qui à moyen et long terme ne font qu’aggraver le problème. Je les ai appelé les Shadoks, en hommage bien évidemment à cette série où d’étranges oiseaux passent leur temps à créer des problèmes bien réels pour en résoudre d’autres qui n’existent pas, tout en étant très content d’eux en permanence.

Ces Shadoks-là sont en général de braves imbéciles, qui veulent sincèrement bien faire mais ne regardent pas assez loin au-delà du bout de leur nez – qu’ils ont pourtant long – pour réagir intelligemment. Hélas, tous ne sont pas aussi innocents que ceux-là : d’autres, qui ont tout l’air d’être exactement les mêmes, sont pourtant totalement différents en ce qu’ils font exprès d’être des Shadoks. Ces crypto-Shadoks, pour parler comme un journaliste du Nouvel-Obs, ont un nez aussi grand que les autres, mais ont des lunettes posées dessus, si bien qu’ils voient beaucoup plus loin : ils ont un objectif, dont ils savent qu’il n’est pas encore partagé par une majorité de la population. C’est pour cela que, plutôt que d’y aller frontalement, ce qui déclencherait de nombreuses réactions de colère et de rejet, ils jouent aux Shadoks : ils suivent la pente naturelle des choses, et accompagnent doucement le désastre, tout en prétendant lutter contre de toutes leurs forces, alors que leur objectif est l’accomplissement total du désastre.

Ici il me semble utile d’ouvrir une parenthèse. Entendons-nous bien : chacun de ces crypto-Shadoks ne vise pas le même objectif intermédiaire, et il n’y a pas de plan global. On m’oppose souvent, quand j’évoque cette idée sur les réseaux sociaux ou dans des discussions, un « Arrête avec ta théorie du complot », qui ressemble assez à un nouveau type de point Godwin. Pour en finir une bonne fois pour toute avec ça, je précise, quitte à sortir un peu de mon sujet du jour.

Je ne suis pas complotiste : je ne crois pas que des gens se rassemblent dans des caves obscures ou dans des bureaux climatisés pour définir des plans d’action ensuite envoyés à une multitude de petites mains qui jouent un rôle écrit et préparé pour mettre le grand foutoir au pouvoir. Le seul complot auquel je crois est le grand complot du mal universel, dont chacun de nous est une petite main chaque fois que nous oublions de lutter pour le bien. Ce grand complot – qui dure depuis que le monde est monde, et durera jusqu’à la fin d’icelui – est parfois formalisé par un homme ou un groupe d’hommes, qui travaillent à l’accomplissement plus rapide du mal global sur un point précis. Mais dans l’ensemble, ça n’est même pas nécessaire : de façon naturelle, chaque homme est poussé vers le mal, parce que le mal est bien souvent plus facile, plus reposant que le bien. La meilleure façon de comploter est tout simplement de faire passer le mal pour un bien, et ainsi de réduire les résistances au mal, qui s’installe donc ensuite tout seul.

Ces crypto-Shadoks ne sont donc pas tous membres d’une confrérie des Shadoks ; ils ne se connaissent pas entre eux, et bien souvent même ils croient combattre les uns contre les autres. Mais ils ne s’opposent en fait que sur les modalités de l’installation du mal, ou sur les étapes intermédiaires.

Enfin, de même que chaque gardien de camp nazi n’avait pas forcément conscience d’être un rouage d’une immense machine, chaque crypto-Shadok n’a pas conscience de lutter pour le mal : la plupart d’entre eux sont convaincus de faire le bien. C’est qu’ils sont eux aussi des victimes des crypto-Shadoks qui les ont précédés, et qui sont parvenus à leur faire prendre des vessies pour des lanternes.

Revenons-en à nos crypto-Shadoks, et à leur stratégie. Leur objectif est donc l’instauration d’un grand n’importe quoi global. Seulement, ce grand n’importe quoi n’enthousiasme pas tout le monde : certains préfèreraient que leurs élites les tirent vers le haut plutôt que vers le bas. C’est fou, je sais, mais il y en a. La solution pour contourner ces gens qui préfèrent l’exigence à la tolérance, c’est de leur faire croire qu’on est exigeant nous aussi, et de compter sur leur côté Shadok à eux pour qu’ils croient sincèrement que tout ce qu’on fait a pour but d’atteindre cette exigence. Et s’ils ne sont pas assez Shadok pour y croire, alors on se fait passer pour un Shadok, qui ne sait pas trop bien ce qu’il fait et qui approfondit le gouffre à l’insu de son plein gré.

Ainsi, si nous reprenons nos exemples de la première partie et qu’on place un crypto-Shadok dedans, voilà ce qu’on obtient.

1. La musique

Le crypto-Shadok aime la médiocrité, et va donc travailler dans le domaine où il a du pouvoir à la mettre en avant autant que possible. Il fera donc exactement ce que fait un Shadok, dans le seul but de faire en sorte que le CD ne se vende plus. Pourquoi ? Parce que si le CD ne se vend plus, nous l’avons vu, l’exigence de qualité des auditeurs baisse : quand on a deux millions de morceaux de musique sur un ordinateur et qu’on les a tous eus gratuitement, alors la musique n’est plus qu’un vulgaire objet de consommation. Elle perd toute valeur, en vertu du théorème selon « Ce qui est rare est cher ». La musique étant devenue sans valeur, on peut donc continuer à fourguer de la daube de plus en plus daubique, d’autant plus que les auditeurs ne découvre plus rien que via la radio, elle-même fournisseur de daube en quantités industrielles.

Le crypto-Shadok a gagné : en prétendant tout faire pour sauver la musique, il l’a emmenée là où elle n’est plus qu’un de ces trucs dont on gave les oies, les empêchant ainsi de s’envoler…

2. La presse

Il me semble que c’est maintenant évident, je détaillerai donc rapidement. L’objectif du crypto-Shadok, c’est de museler toute opposition, de rendre inaudible toute voix discordante, qui pourrait faire croire aux lecteurs que ce qu’on leur présente comme un bien est en fait le mal absolu. Pour ce faire, il suffit de faire exactement comme le vrai Shadok et de travailler à rendre toute la presse gratuite, pour que le lecteur, ayant pris l’habitude de ne jamais payer l’info, n’aille plus chercher la vraie info là où elle est, parce que la vraie info ne peut exister si elle n’est financée que par la publicité et les subventions. Ainsi, nul besoin d’interdire la presse alternative : les lecteurs ne la lisent simplement plus, parce qu’il faudrait payer d’abord, et parce qu’il faudrait réfléchir ensuite, ce que la presse payante n’incite surtout pas à faire avec ses formats courts.

Le crypto-Shadok a gagné là aussi.

3. Pour le point 3, je vais prendre un exemple plus précis, car d’actualité. Ça nous sortira de l’exemple abstrait, d’autant que vous devez avoir déjà compris le principe.

Parlons donc d’un crypto-Shadok de concours : Vincent Peillon. Monsieur Peillon prétend avoir constaté que l’école Républicaine ne remplit plus son rôle, qui est d’apprendre aux enfants tout ce qui sera nécessaire à leur vie d’adulte. Comme c’est un grave problème, monsieur Peillon a décidé de le résoudre, et a pour cela proposé de changer les rythmes scolaires. Ainsi, disait-il, les heures de cours seront réparties de façon plus équilibrée sur la semaine, et les enfants apprendront mieux. Manque de pot, il se trouve que ça ne marche pas, tout le monde s’accorde à le dire, que ça soit Aleteia ou Libération, en passant par TF1 : c’était une erreur, les enfants sont déboussolés, les profs ne comprennent pas, les parents ne peuvent plus s’organiser. C’est raté.

Jusque là, on pourrait croire que Peillon n’est qu’un Shadok de plus. Sauf qu’il a écrit pas mal de choses sur l’école et sur son rôle : pour lui, l’école sert à « arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel ». Chose qui ne peut se faire qu’en aidant l’enfant à se détacher de sa famille, de son milieu social. Voilà qui est extrêmement difficile à accomplir en 7 heures par jour 4 jours par semaine, quand l’enfant passe le reste de son temps, soit 17 heures par jour plus 3 jours complets, dans sa famille. La solution est donc… celle qu’a appliquée Vincent Peillon : obliger l’enfant à passer non plus 4 mais 5 jours à l’école, et en allongeant les périodes d’activités périscolaires. Ainsi les pauses déjeuner durent-elles maintenant plus de deux heures, par exemple. La réforme Peillon prévoit aussi que, sur ce temps périscolaire, les enfants puissent participer à des activités diverses. Diverses, certes, mais toutes supervisées par l’école. (« Qui est responsable des élèves pendant les activités pédagogiques complémentaires ? Les enseignants sont responsables des élèves pendant ces activités, puisqu’elles font partie de leur temps de service. » Source). L’enfant reste donc beaucoup plus de temps sous la coupe de l’Éducation nationale, au détriment de ses parents. Parents qui par ailleurs ont de moins en moins l’occasion de regarder ce que font leurs enfants, ne serait-ce que parce qu’il n’y a plus de devoirs à la maison : tout est fait à l’école… où restent donc les cahiers de l’élève, par exemple.

Peillon n’est donc pas un homme dépassé par une crise qu’il n’a pas su anticiper. Au contraire, il l’accompagne volontairement, pour atteindre par petites étapes l’objectif qu’il s’est fixé : la main-mise de l’école sur les enfants, pour les « arracher » à l’éducation de leurs parents.

Bien entendu, il n’est qu’un maillon dans une chaîne composée à la fois de Shadoks et de crypto-Shadoks. D’autres avant lui ont travaillé dans le même sens (les devoirs interdits à la maison, ça date de… 1956, avec des rappels en 1962, 1964, 1971, 1986, 1990. Source), certains volontairement, certains par incapacité à s’extraire de la chute, et d’autres derrière lui continueront son travail, certains volontairement, d’autres non. Mais ceux qui le feront à l’insu de leur plein gré y seront poussés un peu plus par ce que Vincent Peillon aura accompli : plus la chute est rapide, plus il est dur de la freiner.

C’est en cela que le crypto-Shadok est peut-être le plus dangereux : par ses manœuvres, il rend encore plus probable le fait que d’autres ensuite prennent les décisions les plus mauvaises possible, même involontairement. On le voit bien avec le « mariage » pour tous, que certains ont préparé depuis longtemps, et qui provoquera à son tour une nouvelle cascade de désastres, PMA et GPA en tête. En cela Taubira est elle aussi une crypto-Shadok d’exception : avec cette loi, elle rend même impossible la moindre alternative ; ce qui doit arriver arrivera, d’une façon ou d’une autre.

Tiens, un saut de ligne, ça faisait longtemps…

Voilà, nous savons tout maintenant sur nos amis Shadoks. Reste à comprendre maintenant comment on peut lutter contre eux. Ce sera l’objet de ma troisième partie, que vous pouvez lire en cliquant ici.